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lundi, 12 mai 2014

Secret life

Au-delà de ce qui arrive ou n'arrive pas, l'attente est magnifique. 

ANDRE BRETON

pays de neige b.jpg

 

On trouve un silence très troublant dans le Rivage des Syrtes de Julien Gracq où une antique lagune baigne dans l'attente à la lisière des mondes, dans le silence, une forme d'énonciation plus évidente:

 

 

Le silence est témoin absolu.

 

 

 

Photo: A la lisière des mondes (et des merveilles...).

 

 

Très loin d'ici.© Frb 2014

vendredi, 20 décembre 2013

De plus en plus léger...

Ainsi la vie n’est que le rêve d’un rêve,

Mais l’état de veille est ailleurs. 

R. M. RILKE

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A l'heure au semblant lourd on s'éveille allégé dans un pays couvert du mot qu'on ne sût dire, quand la neige envoûta chaque son, peu à peu, referma les accès des cabanes aux hameaux, quand la porte du ciel s'entrouvrit, j'aperçus au seuil de ce refuge où je me tiens cachée, le roi de la forêt s'avancer en personne - le roi qui d'ordinaire se contentait toujours de laisser flotter son esprit dans le notre, si bien qu'on avait cru que c'était notre esprit qui s'était enneigé - salua lentement et quand il s'approcha sans ôter son chapeau (un vrai roi des forêt n'ôte jamais son chapeau, s'il le fait, c'est un faux), je sentis remuer un peu ses lèvres blanches, aucun mot n'en sortait, mais je pus lire encore, sur l'étrange visage une liquéfaction qu'aucun roi de la forêt ne devrait dévoiler aux hommes, sinon, un grand malheur ... 
 
Le roi était si vieux que son corps se voûtait, du moins, j'imaginais. Et quand ses os craquaient, on entendait aussi le bois mort crépiter comme à ces feux de joie nous étions consumés. Je ne sus combien d'heures le roi avait marché pour arriver ici, du ciel jusqu'aux terrasses, où coincés comme les autres sans fenêtres, ni accès nous guettions dans le ciel, si nous pourrions demain dégager les chemins, et nos pas s'enfonçaient vers la molle clairière, les neiges jusqu'au genoux, nous pensions que demain le chasse-neige passerait, demain toujours demain.
 
Le roi de la forêt ne connaît que l'instant où il nous apparaît, parce qu'il est immortel, du moins c'est ce que raconte le marquis quand il boit l'eau de vie de cerise qu'il est saoul à pleurer, jusqu'à perdre le souffle. Hier il s'est vanté d'avoir croisé la reine, au même endroit où moi j'avais croisé le roi, certain qu'un d'entre nous forcément se trompait, sûr aussi que le roi et sa reine invisible sont revenus de loin, pour dire à la forêt ce que tout homme espère, la givrer dans nos yeux qu'elle y vive à jamais, il parait c'est ainsi qu'aux veilles de catastrophes c'est ainsi à ce qu'on dit il parait. C'est écrit.
 
Mais nous on n'en croit rien, ça fait déjà longtemps qu'on se tient loin des bruits du pays des vipères, d'où vient autant d'ennui que toutes les balivernes qu'elles profèrent et le fiel ça tombera comme les pierres qui encombrent nos âmes et c'est à ça qu'on croit, quand l'ennui qui sépare et jacasse à travers, louera ces nouveaux rois chez les coqs de bruyère perchés sur des parpaings bordés de lotissements qui nous font des cimetières autant qu'une porcherie où l'on n'irait même pas gagner une tête de lard au jeu de la marelle tant le relief est lisse, tant d'osselets s'éclatent à cloche-pieds vers l'enfer, tant on se divertit pour oublier la vie, tant les joueurs de cartes finissent mauvais perdants et se foutent sur la gueule à force de vivre toujours dans un décor sans arbres.
 
Enfin, tout ça pour dire que j'ai même vu le roi écrire deux ou trois mots dans la neige du bout de son pied nu givrant deux ou trois fois mon esprit dans un drôle d'alphabet, une dictée lumineuse sur la mousse en paillettes je ne sais si j'ai bien vu les cercles qu'il enlaçait, caressant silencieux, la terre, avec du feu qui crépitait dedans. Puis le blanc fond en pluie, les esprits des forêts qui vivent sous nos habits, ont ramassé le bois, ça ferait une bonne desserte, on donnerait un bal, il y aurait les amis, des anciens du domaine, puis des choses à manger, les confitures de mûres, de la crème de châtaignes, y aurait aussi les bêtes, le petit lièvre et la biche, l'hérisson, l'écureuil, et le loup, (sous réserve).
 
Je ne comprends pas tout bien, j'apprends à lire la neige, elle s'efface à mesure sous mon pas, me rappelle un faire-part qui troué de dentelles autrefois dégustait nos saisons dans la pâte à matefin. Je ne sais où retrouver le sentier qui montait tout près du lac lunaire, c'est notre patinoire, faudrait qu'elle soit brillante qu'elle scintille dans la nuit, faudrait que la clairière ne se referme pas si j'arrivais en retard, moi qui ne sais plus lire l'heure, je ne pourrais pas comprendre qu'on ne la laisse pas courir là où le vent nous mène ainsi que les nuages qui se figent en brouillards. Je ne connais pas ces gens qui brusquement avancent découpant sur nos bois, leurs poutres et leurs tiroirs, je sens le temps qui passe et mon pied doucement cédant aux flocons blancs qui se change en glissade, je n'entends pas ce cri qui monte battre les portes aux ruines des forteresses, le mauvais temps qui règne vient chez nous sur des chars avec les fossoyeurs, ils n'empêcheront jamais ce gros geai de malheur de se goinfrer tout seul des petits grains sucrés qu'on pendait ça et là en filets dans les arbres pour nourrir les mésanges. Un sac à lui tout seul, ils n'ont pu le chasser, ce n'est pas leur métier, à chacun son travail.
 
La nuit ça recommence, on sent l'aile du gros geai hanter notre sommeil, on entend des flonflons c'est au bourg, c'est ailleurs, c'est avant, c'est l'appât des vitraux sans seigneurs, c'est au bal introuvable dans une cathédrale qui aspire l'eau des sources, on a vu les rôdeurs soupeser le royaume ; dans la forêt ça roule avec un dragon jaune écorçant la vallée. Je ne sais même plus pourquoi j'avais ouvert les yeux, le roi était en sang, couché dessous la neige ça faisait des brindilles étoilées de la sève d'un tronc couperosé, je ne sais pas pour quelle chose chaque nuit quand je dors, le roi revient compter le vieux temps qu'il nous reste et penchant lourdement, son corps pris sous le gel, vient fondre dans mes bras. Lui qui ne connaît même pas le langage des humains, a parlé comme un livre, de ces hommes vigoureux qui sont chichement payés pour offrir aux jeunes filles des jupons de résine et les belles toques en plumes de nos mésanges bleues.
 
Le marquis a torché, un dernier, vaporeux, remue ces souvenirs dans l'eau de vie de cerise, parle dans son sommeil, quand l'oiseau de malheur mangera le dernier grain on sera dans la cognée. On a vu les engins, qui remuaient St Cyr, des chenilles avancées, on a vu l'écorcheur détrôner les bonhommes, et les rois et les reines décalquer sur nos figures la courbe d'un rocher.
 
Si notre esprit se meurt d'une légende à peine et si l'oubli nous vient, du festin, la charogne un matin se révèle, déterrant le trésor pour le voir entaillé, du froid tombe les nids sur quelques notes de givre. On ne sait pas trop comment on pourra vivre ainsi. On a cru aux esprits du semblant qui nous vit debout droit dans nos bottes à guetter la ténèbre qui efface mon pays, et nourrit le gros geai.
 
Le fossoyeur creusait les cristaux du palais, on trouva près des nids sur des hectares encore, des arbres endormis couchés dans les genêts, le banquier a salué le roi de la forêt (un vrai roi de la forêt ne salue pas un banquier, s'il le fait c'est un faux), Dieu sait quelle fantaisie de brindilles et d'écorces il pourrait imiter qui viendrait nous charmer pour nous faire endosser ce carcan de bois mort qu'il ne peut plus porter. Peut-être on le suivrait, comme les autres ont suivi quand ce croqueur de sort, s'empara de nos laines et de l'agneau meurtri se fit un blanc manteau, si tu racontes encore qu'il a volé l'habit que tu portais hier avant la catastrophe, personne ne te croirait et cet affreux gros geai qui trame avec le monde que notre banque honore, irait chanter partout qu'on lui faisait du tort, à se mettre en travers ses projets futuristes ; alors on les verrait revenir de la nuit, ces espèces de coucous, les busards, les harpies, et le fameux condor. Dieu sait quels drôles d'oiseaux nous tomberaient dessus...
 
 A suivre si... 
 
 
 
 
 
Photo : Le roi de la forêt coiffé par certains jours. A noter qu'un vrai roi de la forêt ne se laisse jamais coiffer, (même par certains jours), s'il le fait, il enrobe, couvrez bien vos oreilles avec un petit mouflon)
 
 
 
 
 
Pays perdu © Frb 2013

vendredi, 08 février 2013

Le voyage approximatif

Le train dévore toutes choses visibles, agite toutes choses mentales, attaque brutalement de sa masse la figure de ce monde, envoie au diable buissons, maisons, provinces ; couche les arbres, perceles arches, expédie les poteaux, rabat rudement après soi toutes les lignes qu'il traverse, canaux, sillons, chemins ; il change les ponts en tonnerres, les vaches en projectiles et la structure caillouteuse de sa voie en un tapis de trajectoires.

PAUL VALERY : extr. de "Le retour de Hollande ; Descartes et Rembrandt, édition Pagine d'Arte, coll. Ciel Vague, 2012.                                    

corail SCF3036.jpg

 

Comme avant un festin,

en force esprit, durée,

suffisant à soi-même,

on se grise d’un retour

dans un style d’aquarium

lassé de son corail. 

Une vitre à travers

ausculte un métronome,

à son rythme occupé,

les pas pris dans les neiges

si près d’être sauvés,

des mots de feu retiennent. 

Une histoire s’empanache

suce quelques proies sucrées.

On cherche l’alvéole,

deux minutes en pare-chocs,

une vie de marche à pieds. 

Comme après un festin

le ciel mène à son train,

des préludes à Chamelet

Tangos, valses ou chaconnes,

Carrières de marbre et gore

ouvrent une voie givrée.

 Le train stoppe en vallée

poinçonnant sa madone

lui délivre son quai.

L’ivraie échappe au grain.

Tous les chemins m'étonnent.

Revoilà l’homme du train

et sa prune étoilée

de calices et de gommes.

Comme avant le festin

sous un buisson de neige

tenant à presque rien

par un canal abstrait,

on sort de l’aquarium.

Le malin nous dégomme

en courbettes à ce train.

L’embrassage épineux

crisse sur les graviers,

on déploie les regrets.

Plumes ont divergé.

La sève fond sous l'écorce.

Comme avant le festin,

des poissons hérissées

s'embarquettent à Saint Point.

On sait qu’il va tomber une pluie

sur Cours la Ville.

Dième ouvre sa forêt.

On bifurque à Mardore.

Dieu ! qu’un mauvais virage

nous gèle dans son horloge

qui ne tient à demeure.

Le chien dîne à vingt heures.

Esprit, durée, saveur

suffiront à soi-même.

Un objet flambant neuf

dans le polystyrène

attend l'anniversaire

banc vide à St Germain -

 le printemps va sans coeur

et les préliminaires redeviennent

blancs comme neige.

 

 

Photo : On se taille en Corail. (la preuve est sous l'image).

 

 

Lyon-Perrache © Frb 2013.

vendredi, 01 février 2013

Avalanche

Et je m'en vais à Panama pour vivre en sauvage. Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. J'emporte mes couleurs et mes pinceaux et je me retremperai loin de tous les hommes. 

PAUL GAUGUIN

 

biche bnn.jpg 

Il n'a rien entendu de particulier, il s'est contenté de regarder. Il est sur la ligne de départ. Autour de lui le bruit gagne. C'est le seul argument qui retient l'attention, et semblable aux mouvements précédant un parcours, lassé de parcourir, il voit le paysage réduire les perspectives, quelques mots devraient suivre, qu'il tait. Il ne suit pas.

Ce thème est un motif qui vaut un peu la peine de décrire ce qu'il reste, ce qui va disparaître. Il choisit la plus sotte expression parmi des milliers d'expressions possibles, un confort creusé en ce trou, un nombril aspirant, tiède encore, les plaies brûlantes de l'homme, ou les battements d'un coeur humain pas plus qu'un aspirant de rien allant à l'interligne dans l'épaisseur du bruit glorieux de ses échos.

Il y a le temps qui vient, dresse une chape et ça couve sous son poids de chair vive, ça donnera une valeur factice à la surface, quand une porte bat aux vents, quand l'éclat de ces feux attractifs rend l'univers massif, il referme sa fenêtre, il n'aura bientôt plus à se battre pour les siens.

Il a rayé son nom, il a songé aux possibilités d'anéantir enfin sa faculté d'écrire, pour s'en remettre à ce silence d'une cathédrale ou d'une bibliothèque. Oserait-il au moins peindre ? Des Carceri à la mine de plomb, le prix de ses efforts, et puis des fleurs encore, quelques lettres de l'île puis la disparition d'une marge qui portait la couleur dans une ligne de fuite. C'est peut-être un ersatz ou c'est le labyrinthe d'un lieu qui nous décime, milles convives aux fenêtres entre eux autant de vitres, là, de grandes mosaïques comme à Constantinople. 

Il fouille dans cette matière, quand revient la jachère, il y voit un soleil privé de ses ombrages, l'espace habituel où chacun arbitré dans le langage d'un autre réfute l'obscurité porte une perspective de puits et de falaises sur une place noire de monde.

Un mot encore si près à le couvrir de honte, y affûtera son verbe et l'éloquence qui vit toujours en légéreté, impérieusement tenue portera à nos lèvres l'unique grande vérité, la tienne et celle des autres, dans ce fût, sur l'étage du Beaujolais nouveau, la langue et sa piquette, t'as vu ces grands tonneaux à présent tu t'étonnes qu'ils se déversent copiant le bruit du pacifique, épanchant une série de vagues bien tempérées et délayant le corps qui se tait, le défait, comme se défait le verbe.

Il ne peut rien en dire, nous capturons de force ce point d'inanité, c'est à peine une cible qui nous veut repliés dans cette obscurité, elle va nous réfléchir, nous briser, l'emporter, qu'en sait-on ? Qui pourrait nous instruire ?

Nous serions tels que lui, des modèles d'écorchés, barrés de croix, de traits, des figures portant peine à la brutalité où la mort du désir peut encore l'emporter, ne tiendrait qu'un espace lentement annexé ; l'innocence consommée, il faudrait retrouver un mot à prononcer pour cet homme qui ne qui ne sait plus parler.

Un pas de plus, il souhaite couronner son effort, dépasser les obstacles pour bâtir un royaume au flottement discret, des airs de flammes muettes courant sur nos jouets qu'une vague achemine dans le ravissement où l'ignorance nous tient à tout heure disponibles, un bon rire à demeure tel qu'il fût toujours prêt, générant une série d'accidents, de minuscules enclaves où le mot est jeté où le désenchantement se reproduit à l'identique, tandis qu'il essaye de jouer pour simplement jouer.

Un pas de moins, les marchands de plaisirs passeront sur sa peau un baume rafraîchissant, il reluit à nouveau il est comme liquidé mais il reluit pourtant. On peut le suivre ou l'oublier se faire lentement rattraper ou souffler ce pion solitaire, mais cela n'a pas plus d'importance que ce qui est secret et devra forcément nous taire.

Il payera. Il payera en retour du désir affamé de s'affamer encore, quand l'oeil fou qui dévore des vies à la seconde aura mis des cailloux dans cette immense bouche, la sienne voudra se clore, saborder ce qui porte en dedans, ne trouvera aucun mot pour extraire une manière de recommencements à cette fin qui résiste à comprendre.

On connaît le passeur obligé de se rendre. C'est partout le même quai, alignant une suite de croix et de carrés. Partout c'est un poème qui recomptera ses pieds, ça forme sous le soleil quelques cristaux de glace et des ronds de fumée quand la lumière prend l'ombre ou peut-être autre chose, la marche se soustrait, l'homme fume une cigarette et nous voit sidérés que le vocabulaire n'ait jamais su faire mieux que nous aider à exprimer cette sensation profonde de n'avoir rien à dire.

Ca fait longtemps qu'il sait. Il mâchera les cailloux, et sentira la terre lui porter des pelletées, un semblant de jachère devenue cette palette de noirs et de blancs contenant un ensemble de couleurs ou l'absence de couleur. Il goûtera la nuance, afin de se mouvoir d'un espace à un autre sans tirer aucun trait, aucun plan, aucune des conséquences. Il est dans les reflets ou l'absence de reflet comme à ces premiers jours, naissant un peu trop tard, il a pris de l'avance, il se pelotonnait contre un arbre et goûtait au silence sous un ciel moutonné masquant les voix violentes, des ébats festifs d'où revenait puissante, une foule assurée.

Il n'y a plus à douter, pour traverser les lignes, sortir de cette violence, on se dit que parfois il faudrait marcher seul, quand la mécanique sourde continue à cibler, à broyer, elle n'aura pas de phrase pour dépouiller le geste qui recouvre le ciel d'un champ de tournesols. Il n'aura pas besoin de ces flux de paroles pour aimer ces baigneuses divines indolentes ou saisir le silence d'un dernier grand concert dans la fine transparence, les nombreux coups de couteau donnés à la matière, sont peut-être identiques, à ceux que l'on nous donne.

Un mot ne tiendrait pas à capturer cet homme, ou demander pourquoi ces entailles n'ont pas entaillé le visage des nombreux regardeurs ? La question le déplace. Il est là, et il fume du tabac parfumé. Son geste le retient, entre une drôle de clarté et le flou inhérent à la nécessité de se tenir toujours plus près du précipice. De n'en rien ignorer, à présent, il savoure plutôt garder ce vide bien en main, que de craindre l'effroi qui le rendra muet, avec cette habitude de ne parler qu'à soi, d'en ressentir l'outrage sans pouvoir accepter que nous serions tenus de battre ce pavé, nous livrer, nous lustrer, cumuler les effets, de quoi bien tapiner.

Il redoute le courant réducteur, et le malentendu qui placera son coeur d'homme entre le singe et la savane, il comptera sur les doigts d'une seule main ceux qui ont pu survivre à cela sans se fossiliser, sans se faire braconner, ceux qui ont pu créer encore, pour changer la vie quelquepart, pas seulement l'énoncer, non seulement l'énoncer, mais l'appliquer sur soi,  pas gagné ! ce qu'il reste de cobayes ne serait pas si doué à satisfaire ces files qui se massent aux musées, des foules reconnaissantes, l'artiste mort estimable, une somme de vies ratées pour battre des attraits, mourir dans les images.

Longtemps, longtemps plus tard, il trouvera quelques pièces détachées, elles nous tiennent à portée sur un filet de bave, un cri vaste oublié, le prenait corps et âme, et pouvait nous relier par une sorte de chant du monde inépuisable, mais encore trop lointain. Il a vu ce matin, Panama sous la neige, et sa jeune vahinée venue emmitouflée le plongera à nouveau dans l'extase.

 

De la neige et une bestiole inoffensive pour adoucir la dernière ligne droite de l'an 2014.merci à ceux qui ont suivi ce blog, malgré un temps d'arrêt involontaire, une panne d'ordi, et la vie (la vraie) s'y mettant en travers j'ai dû m'astreindre à des obligations laissant la panne courir en cette années si peu clémente qui m'a contrainte à imposer au blog une sorte de latence, le courrier est en rade, depuis pas mal de temps avec un sérieux bug et un bazar en dedans encore compliqué à résoudre  Mes excuses à ceux qui ont écrit, des mails dont certains  datant de cette été ne me sont parvenus que récemment, des courriers sont perdus, pour l'instant, introuvables, ici une zone de flou d'autres les courriers rescapés restent en rade la possibilités d'acheminer correctement les réponses restant aléatoire, je m'abstiens pour l'instant, à suivre, donc, pour l'instant je dédie au Noêl et à la Noêlle et aux autres, s'ils s'y trouvent

 

Echappée belle : à lire et regarder, le livre de Gauguin, "Noa Noa"  paru aux éditions J.J. Pauvert en 1988.

 

Photo : Taboga en hiver, ou le départ de l'élandin.

 

Là bas © Frb 2013.

mercredi, 16 janvier 2013

Tronche de neige vue par HK/RL

Allez zyoup faisons trembler la tronche de neige !

HK/RL : extr. de "tout un tremblement", éditions des Fondus de Manège, 2013.

 

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Montage : Les correspondances derviches (for myope's people only).

 

© HK/RL 2013. Production le Marc® (Mouvement d'Art Rural Contemporain®)

dimanche, 01 janvier 2012

Deux mil douzement (mais sûrement)

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Aux premières heures du jour si on enlève les mots, puis on si on enlève peu à peu ce qu'il y a autour, à supposer qu'on regarde, oui, qu'on regarde bien en dehors,  je veux dire en dehors de soi, on n'en aura pas vu deux mil, mais, juste à notre portée, disons, après des calculs compliqués, on en a choisi douze (douze quoi ? Chuuut ! un peu de patience, voyons !). Alors ça sera, mettons comme douze voeux à distiller au fil du temps et si nous survivons ce sera plus partagé que toutes les bonnes résolutions le même jour,  dont on sait d'expérience qu'elles durent peu (c'est de Montaigne). Au jour le jour, les grands et petits voeux reviendront pour un an plus neufs que le sou voilé dans les roues de l'infortune par les menaces des tout puissants. Oui mais voilà, La roue tourne et puis la route aussi, (a dit Popeye, le marin devant un tonneau d'épinards, c'est pas malin, je suis bien d'accord avec vous), tout ça pour annoncer qu'il n'y aura pas de récession au programme en nos lieux, plus que jamais reliés à d'autres perspectives, pour nos jeux sans un rond c'est plutôt l'abondance et comme nous n'avons pas les moyens de vous offrir Elisabeth Teissier,  afin de vous annoncer tout ce qui  va arriver en cette future année, (qui s'enfuit déjà, pas Elisabeth Teissier ! l'année !), voici  un résumé extra lucide de ce qui nous pend au nez à tous sans exception, enfin, un peu d'égalité, avec les bons adages offerts par certains jours, pourvu que tout finisse par des chansons. Je remercie les lecteurs qui durant cette précédente (année) ont partagé les humeurs plus ou moins régulières de notre petit éphéméride. Je passerai mes bons voeux via les pluies de Vendeix, ou le soleil de St Amant, (prions pour lui) car le timbre amoureux se trouve être plus tendre, à nos yeux que l'encre noire sur blanc. Belle année, mes amis, au lieu d'être contre tout, soyons pour ce qui nous plaît avec des brosses d'amour pour les hirsutes comme dirait Paul Eluard, (alias Eugène grain d'ailes) en reprenant quelques libertés dont on pourrait (parfois) se sentir (trop) privé, (quoique pas totalement), avec ce "pas totalement", on devrait peut-être y arriver "douzement"... Soyons, soyons...  Et je glisse le calendrier dans votre botte de sept lieues, pour tout l'usage qui vous plaira.

 

JANVIER : "prends garde à la Sainte Martine, l'hiver se mutine".

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FEVRIER : "le douze février, si le soleil est clair, ce sera encore quarante jours d'hiver."

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MARS : "A la mi Mars le coucou se cache dans les épinards".

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AVRIL : "Pâques pluvieux, Saint Jean farineux."

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MAI : "Pluie de Sainte Pétronille, quarante jours trempe ta guenille." 

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JUIN : "Pour la Saint Antoine (de Padoue), les jours croissent comme la barbe d'un moine." (ou d'un Hozan)

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JUILLET : "Avec Sainte Procule arrive la canicule."

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AOÛT : "A la Sainte Radegonde, quand l'eau abonde, la misère est dans le monde."

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SEPTEMBRE : "A la Saint Firmin, l'hiver est en chemin."

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OCTOBRE : "Vilaine veille de Toussaint ne présage rien de bien."

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NOVEMBRE : "A la Sainte Delphine, mets ton manteau à pélerine."

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DECEMBRE : "Quand Noël se trouve être un dimanche, les ennuis de l'hiver viendront en avalanche."

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Photos : Ritournelle, ou la ronde des saisons à relire ci dessous :

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/04/27/tr...

Saisie entre les mois de Janvier et Décembre au cours de cette année 2012, he oui ! il y en aura d'autres, des mois, et des années dans cette année. C'est même la grande nouveauté (ô douce !), mais on  ne va pas se mentir ni tout se raconter, sinon adieu surprises ! et sans surprises, bonjour tristesse ! (c'est de La Palisse).

Je remercie monsieur Herbert-Georges Wells, (on ne peut rien refuser à un Georges, surtout pas à un Georges à moustaches) ; Wells donc, m'a gracieusement prêté sa formidable machine à explorer le temps (j'ai beaucoup aimé), et je dédie ce billet à mon grand ami Herr Zack Einstein (le frère caché de Georges Albert), qui m'a envoyé un émissaire-facteur de sa planète à lui, pour enfin me permettre de remonter les sons à la vitesse de votre lumière (- ah bon ?), oui,  je promets ! mais ceci est une autre histoire que je vous raconterai, (peut-être) un certain jour, au risque de perdre toute crédibilité, il faut vivre dangereusement, sinon ce n'est pas vivre, n'est-ce pas ? Voeux doux, toujours debout avec des cadeaux parmilliés. Promesses... !

© Paul, frasby, raidi pour, (photomix) 2012

dimanche, 02 janvier 2011

Snow-fumeur

 Ou 23 secondes de délit 100% naturel


vendredi, 31 décembre 2010

Jour de blanc

 Or ne trouverent ilz point là, sur l'heure, de croye ou de terre blanche pour marquer, à raison de quoy ilz prirent de la farine.

JACQUES AMYOT 

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BEN KAMEN : "Clouds and snow"

podcast

 

Le monde est tellement blanc qu'on se croirait presque au jour de l'an. On pourrait même se souhaiter une bonne année si on osait... Mais je crois qu'on va attendre le retour des animaux... (A suivre)

Photo: Un léger saupoudrage. Neige et fonte des neiges au jardin du Marquis. Nabirosina. Dernier jour de December. © Frb 2010

dimanche, 26 décembre 2010

Le Fripon du Grand Nord

Choses qui s'échouent
Je vis dedans
Vieux roseaux morts
Echoués sur le bord du lac,
Je m'enroule dedans
Je vis dedans, un temps.
Je peux le faire

Chant des indiens Crees

bonhomme014.JPGNous sommes dans les marais du Canada, dans les forêts subarctiques du continent américain chez les indiens Crees, là où l'hiver est des plus rigoureux et où le thermomètre descend si bas qu'il n'y a plus de gibier. Les pièges demeurent vides et les rares familles d'indiens qui ont désiré préserver le mode de vie de leurs ancêtres n'ont plus d'autre solution que d'imiter les animaux, ils hibernent sous la tente, travaillent tant qu'ils peuvent les peaux souvent en proie à la faim, ils s'occupent. De brèves journée font suite à d'interminables soirées, où l'ancêtre toujours présent attend son heure pour transmettre les histoires d'autrefois, des récits bien souvent burlesques qui appartiennent pourtant au sens le plus sacré de la cosmologie des indiens Crees, des légendes débridées où se rejoue le savoir fabuleux des chasseurs trappeurs livrées aux espaces hostiles, et aux comportements imprévisibles des animaux. Ces légendes sont toutes liées, à la mémoire des origines, venus d'une époque où les hommes et les animaux n'étaient pas séparés, et l'on raconte qu'en ces temps presque indicibles les hommes et les animaux parlaient le même langage, tous les animaux parlaient ainsi comme une conséquence prévisible et les esprits n'hésitaient pas à apparaître, ainsi le Trickster par exemple (l'équivalent du Lutin dans les cultures des indiens d'Amérique  une divinité chaotique, indispensable car sans elle, une société serait sans âme), était d'abord "joueur de tours", on l'apparenterait volontiers au Fripon dont Paul Radin co-auteur du livre "Le  Fripon divin" écrivait :

Il y a peu de mythes dont nous puissions affirmer avec autant d'assurance qu'ils appartiennent aux plus anciens modes d'expression de l'humanité ; peu d'autres mythes ont conservé leur contenu originel de façon aussi inchangée. (...) Il est manifeste que nous nous trouvons ici en présence d'une figure et d'un thème, ou de divers thèmes, doués d'un charme particulier et durable et qui exercent une force d'attraction peu ordinaire sur l'humanité depuis les débuts de la civilisation.

Le Fripon ou Trickster ne connaît ni la bienséance ni les règles qu'il enfreint toutes sans vergogne. Il déclenche toutes les catastrophes, commet toutes les maladresses, tombe aussi dans tous les pièges y compris dans ceux qu'il tend lui même, son parcours est celui d'un apprentissage par l'absurde. Et c'est toujours au terme de cet apprentissage qu'il deviendra autre, ou un être humain ou quelque chose qu'il n'était pas au départ, son trait de caractère est l'ombre. Cette créature surnaturelle rudimentaire mais très rusée, empruntait à loisir toutes les formes possibles, sillonnant un univers incroyable qui ne se fixait dans nulle causalité définitive. Le Trickster se jouait de tous et de chacun à son grand contentement, il semait dans son sillage mais avec une ingénuité particulière, des biens essentiels à l'humanité, du moins était ce la vertu de ce goinfre lubrique plus pressé d'assouvir ses désirs que de faire du mal à quiconque, il s'opposait au Windigo un géant féroce cannibale, et l'homme préférait le Trickster, innocemment roublard capable de dérober les biens sans principe, ensuite, il revenait alors à la loutre, au canard, à l'ours ou au lynx de lui rendre la pareille, et à l'homme d'en tirer des enseignements. La revanche était peu aisée car le Trickster avait le pouvoir de revêtir des apparences telles qu'on ne pouvait le soupçonner comme celles du coyote, du corbeau ou du lièvre blanc et aussi d'un inconnu dans nos contrées: le glouton. Ces apparences variaient au coeur des récits, également selon les régions. Chez les Crees des marais habitants du Manitoba, les anciens le connaissaient sous le nom de Wichikapache (le vantard), et c'est en grande partie à cet avatar du "joueur de tours", que les récits sont consacrés. Battant en brèche notre représentation du monde où les animaux étaient avant tout un gibier, la représentation des indiens Crees établit avec les bêtes et la nature un contrat compliqué assorti de règles éthiques et d'interdits fondés sur l'absolu respect pour les vivants ; sans doute est ce pour cela que nos civilsations s'en sont retrouvées fascinées parfois même à outrance jusqu'à la caricature, alors peut être faudrait il relire ces livres qui ont tenté de rapporter au plus près et assez fidèlement les paroles et récits des indiens Crees comme "L'os à voeux"  (os magique), propos et récits recueillis, traduits du Cree en américain et présentés par Howard A. Norman. (Traduction française de de Laurent S. Munnich collection "La mémoire des sources",  et paru au Seuil en 1997). Un livre fortement conseillé par la maison, l'ouvrage est officiellement  présenté ainsi :

Un printemps près du lac Winnipeg, une oie des neiges apparut, très haut dans le ciel, isolée. Elle descendit en planant, se posa sur le lac et nagea jusqu'au rivage. Tout près, alerté par le vent qui apportait à ses narines l'odeur de l'oie, un lynx se tapit, bien silencieusement. L'oie tendit le cou un instant, aux aguets. Mais avant même qu'elle eût pu s'envoler, le lynx l'avait attrapée et la broyait entre ses dents. Il en dégusta jusqu'aux os et aux plumes. Soudain, alors qu'il allait briser un os pour en sucer la moelle, un homme poussa un cri, et en un instant le lynx se retrouva en haut d'un arbre. Parmi les débris de l'oie, l'homme trouva un os dont on dit qu'il protège le coeur - un os à voeux-  il le contempla avec curiosité. Or, il découvrit bientôt que cet os était un instrument de métamorphoses qui lui permettait de jouer des tours . Grâce à lui il pouvait faire apparaître des choses, simplement en en faisant le voeu, et pouvait aussi changer sa propre apparence, ou encore créer toutes sortes de situations.

Voilà l'histoire de la découverte de "l'os à voeux", telle que Jacob Nibénegenesabe, "achimoo" (conteur) fameux parmi les Indiens Crees des Marais, l'a rapportée au poète américain Howard A. Norman qui a vécu parmi les Crees pendant de nombreuses années. Mais au lieu d'en parler encore je vous livre un très court extrait de ces nombreux récits à lire sans modération, ce serait même une très belle idée de cadeau en after ou pour qui considère que Noël peut se fêter chaque jour de l'année ou juste quand il nous plaît. Extrait :

"Une nuit / il y avait un ours dans un champ / C'était la pleine lune / Soudain, les poils du dessous de la tête / s'envolèrent vers la lune / Je me détournai rapidement / et fis semblant de retirer une épine / de mon pied / L'ours / vit ses poils qui flottaient au clair de lune / Il grimpa dans un arbre / mais, alors qu'il approchait de ses poils / d'autres, encore plus nombreux, s'envolèrent vers la lune / J'étais toujours en train de retirer mon épine du pied / "Tu m'as pris mes poils" / me cria l'ours / "Non, c'est la lune qui te les a pris" répondis-je / L'ours / grimpa plus haut dans les arbres / "A ta place je ne ferais pas ça!" dis-je / "Cette lune / te veut sur elle!" / L'ours grimpa plus haut / C'était plus fort que moi / Je fis un voeu pour qu'il flotte au clair de lune! / D'abord je le fis monter en l'air / Puis je le fis descendre / Et cela plusieurs fois / Je continuais à m'occuper de mon épine dans le pied / pendant tout ce temps / "Ok, lune ! ou tu me prends / ou tu me laisses descendre!" hurla l'ours / Je fis un voeu pour qu'il descende / Alors il courut vers moi / Il savait que c'était moi qui lui jouais un tour! / Je courus - Vous auriez dû me voir courir! / "Tu cours bien vite / pour quelqu'un qui a une épine / dans le pied!" cria l'ours / à mes trousses."

Il existe un autre chouette ouvrage que les enfants ne bouderaient pas, il leur est totalement destiné, lecture à partir de 9 ans (personnellement ça me va très bien, et j'adorerai toujours certaines belles collections réservées aux moins de 15 ans) le petit livre est intitulé les "10 contes du grand Nord", il est également signé Howard A Norman traduit par Catherine Danison illustré par Diane et Léo Dillon, et paru chez Flammarion père Castor dans la collection Castor poche Junior, il relate assez bien tout cet imaginaire du grand Nord les 10 contes sont originaires D'Alaska, du Groenland et de la Sibérie, parus en 1999, je l'avais sorti du hasard d'un tas en vrac dans une caverne de la rue Michelet,  autrement dit dans l'improbable bouquinerie de L'abbé Pierre à Neuilly Plaisance mais je crains que l'ouvrage ne soit aujourd'hui plus disponible dans les belles librairies (m'a -ton dit) , mais il y aura toujours moyen, pour les malins d'aller chiner un peu, ici et là, les 10 nouvelles étant de pures merveilles à savourer... Pour tenter le Fripon lecteur il est parmi toutes ces dix,  une histoire de poupées ornythorynques qui peuvent se transformer, une autre tout à fait délicieuse où un pêcheur épouse une mouette... Je ne saurais vous en révéler davantage, et par l'art de je ne sais quel enchaînement tiré par une plume d'oie sauvage  j'ajouterai une very spéciale dédicace à l'unique habitant du Canada,  disons, seul et unique, que je connais ici, pour qui les contes et les voyages nous acheminent "au plus loin" mais surtout "au plus près" par d'improbables autant qu'exquises correspondances...

Photo: Le Trickster du Nabirosina né des premières fontes des neiges piétinées par un pas de chat (sauvage evidemment). Vu en Décember, un peu après Noël.© Frb 2010.

samedi, 25 décembre 2010

Quelques pas dans la neige...

Le plus bel arrangement est semblable à un tas d'ordures rassemblées au hasard.

 HERACLITE : 
citation in "Les penseurs grecs avant Socrate", trad. Jean Voilquin, éditions, Garnier Flammarion, 1964.

blanc205.JPGEffacées les fadaises, sauteries et vies déplaisent, les neiges vont éternelles, sur le pur iris des narcisses. Un parfum de feuille morte brûle au cordage, ce noeud engrange des voeux tels des graines. La neige vient, nous protège de toutes sortes de chaleurs humaines. L'oeuvre pure a vécu ses heures de grâce. L'oeuvre au noir ne passera pas au blanc. L'alchimique ratage du subtil à l'épais allant à sa cime comme aux déserts ouvre un fossé rempli d'enfants qui jouent sur du papier brillant. L'un renait l'autre meurt, l'un n'est plus au souci de savoir comment renverser ses joujoux, il les range à nouveau bien à leur place, ne les prêtera pas aisément. L'autre s'en accommode tout comme du triste temps. Les ans se suivent, on les relie à peine. Une barque gèle au rivage percée de balles à blanc.

Sur les vaisseaux d'un monde retombé en enfance je me consacre au menuet, "une danse à trois temps gracieuse, et noble, à mouvements modérés".

"Le plus court qu'on peut le faire c'est le meilleur. Mais lorsque l'on est parvenu au point de le bien danser, on peut de temps à autre y faire quelque agrément" (1) 

 

 1 2 : demi-coupé du pied droit
3 4 : demi-coupé du pied gauche
5 : pas élevé du pied droit
6 : pas élevé du pied gauche
(2)


 On pourrait préférer la gigue ou quelque sarabande qu'on danserait un ruban sur les yeux dans un jardin anglais, pour ne pas s'enflammer trop vite, mener l'hiver à l'apogée de quelque réchauffement pas plus intéressant qu'un saut de mésange à tête noire dans la neige blanche comme nos linges qui sèchent à la buanderie au fond d'une machine à sécher, autre cadeau du Père Noël, du beau père, ou d'une belle soeur qui dit "nous, cette année, on offre utile" comme on dit chez les grands. Nous pourrions apparaître soucieux du sentiment. "Mais ça ne risque pas mon pauvre vieux, nous sommes gelés depuis longtemps !", si portés à nous mêmes, effacés des romans, mais encore paradant devant la sarabande tout comme le mousquetaire héroïque nous agitons nos pieds n'importe comment, là, devant l'assemblée, dans la gloire de nous, le désir qu'on nous loue avec la générosité dans notre caractère, nous crions pour la sarabande "Pardieu, si je la sais !", déguisés comme un d'Artagnan, "lui qui ne savait rien du tout, mais qui voulait avoir l’air d’être au courant" (3) 

A peine signifiée l'illusion de nos fêtes réveille aux mesures de l'enfance le souvenir d'une carotte plantée dans un bonhomme de neige en guise de nez grossier ou fin, humant par la vitre d'une fenêtre fermée la truffe dans nos assiettes, ses arômes tout puissants et le sourire qui fuit déjà, nous serons hantés en dedans par l'an qui vient, ce spectre, nous couvrira de cotillons nous abolira d'estampies et nous battrons du pied gaiement par un mouvement d'aise oubliant un instant ce pli de rêveries, la tristesse, ces voeux vieux de l'année dernière qui ne sont jamais advenus. A l'oubli la maldonne, incompris, les joueurs tricheront pour retrouver leur fausse joie d'antan puis s'en iront jeter leurs souliers dans la sapinière, une dernière fois peut-être.

BASEMENT 5 : "Last White Christmas"

podcast

 

Références des citations : (1) et (2), extr "Le Maître à danser" de Pierre Rameau (Paris 1725) / (3): extr. Alexandre Dumas, in "Les Trois Mousquetaires", VIII (115).

Photo : Salut doux de l'hiver par la patte (du loup ou de l'agneau ?) qui vous souhaite bon Noël, (pas si joyeux, point trop n'en faut) photographié le 25em jour de December, quelque part sous un conifère dans les bois du Marquis de Montrouan © Frb 2010.

samedi, 11 décembre 2010

Un léger décalage...

Connais le prix des circonstances le perce-neige lui doit son charme.

PYTHAGORE

fleur et neige se cachent peut être derrière l'image, pour le savoir il faut chercher...serres2481.JPG

Perdu dans le pays de neige, sa ville qu'il ne reconnaît pas, le promeneur (urbain) ne comprend pas pourquoi il n'y a pas de perce-neige au jardin, mais sans doute aura-t-il oublié de se répérer dans le calendrier floral, auquel cas il aurait su que "perce neige" n'arrivera que le 2 Février, (violette de la chandeleur"). Le promeneur déçu aura rêvé trop tôt le printemps, pour ne pas se désespérer à la perspective d'une attente longue, peut-être incertaine, il refermera son herbier se glissera avec légereté dans la légende (dite allemande) à propos de la neige et de la fleur.

"Quand Dieu fit toutes choses sur la terre, il demanda à la neige d'aller vers les fleurs et de se procurer un peu de couleur de leur part. Une par une les fleurs refusèrent. Alors, très affligée, la neige demanda au perce-neige de lui donner un peu de sa couleur et le perce-neige accepta. En remerciement, la neige lui permet de fleurir le premier chaque fois que le printemps se montre." 

Patience....

Photo :  Ceci n'est pas un arbre à perce-neige. introuvable, perce-neige... Pas vu, mais vu le Parc de la Tête D'Or, (sous un ciel sombre) du côté des serres, méconnaissables, enneigées, et ensauvagées comme jamais, (ou  rarement). Lyon, Décember. © Frb 2010

jeudi, 02 décembre 2010

La chaleur humaine

J’ai passé ces derniers mois à passer ces derniers mois. Rien d’autre, un mur d’ennui surmonté de tessons de colère.

FERNANDO PESSOA, Lettre à A. Cortes Rodrigues.

chaleurF2640.JPGDe manière progressive, une teinte un peu grise dominait à présent. La poussière devenait liquide quelques éclats abimaient le velours qui avait recouvert la ville tous les jours précédents, la couleur de l'ennui revenait comme toujours, et nous déplorions cet instant où la ville silencieuse avait rassemblé dans le froid les volontaires qui distribuaient la chaleur humaine gratuitement à l'entrée des magasins ou dans les bouches de métro, rien que des volontaires enjoués, prêts à tout pour distraire les passants, les éloigner de "la pensée frileuse" qui s'invitait dans les maisons et couvrait tout du voile de la dépression venue par les brouillards d'Octobre, les premiers frimas de Novembre et les noëls où il manquait toujours quelqu'un aux festivités, chez les uns et les autres, pour que la fête soit absolument réussie. Les solitaires ne souffraient pas. La "dépression saisonnière" pour eux, c'était tout le temps, mais les solitaires ne comptaient pas, ils appartenaient au "domaine à part" qu'on avait classé "atypique", l'adjectif fourre-tout "atypique" plutôt en vogue courait dans des dossiers spéciaux, sur les listes d'attente et vidé de son sens, on avait choisi "atypique" plutôt que ses synonymes tels : "exceptionnel", "hors norme", "inaccoutumé", "inhabituel", ou "singulier" qui connotaient trop dans le particulier, "atypique" était un mot atypique même, une façon de considérer la chose sans vraiment la considérer, les solitaires n'étaient pas tout à fait dans la marge, pas assez dans la marginalité, on pensait d'abord aux familles, aux clans, à tout ce qui rentrait dans les statistiques, il fallait préserver leur joie, leur cohésion, l'intégrité des plaisirs, tout en leur transmettant la certitude qu'ils appartenaient à une collectivité vraiment active, leur forger une identité, une communauté, quelque chose qui ait l'air solide, leur livrer l'illusion leur en fabriquer d'autres, jusqu'à ce qu'ils se sentent protégés par quelque plan définitif. Les volontaires, des jours entiers affinèrent leur stratégies, leur action fût dévouée aux terrains les plus "sensibles". Les volontaires portaient les sacs et les valises des pauvres gens, engageaient les conversations, complimentaient les dames, laissaient leur place aux vieux. Aux époux qui allaient seuls au bistro se saouler avant de rentrer les volontaires offraient un pot, y ajoutaient les distractions (blagues belges, histoire de blondes, bonne humeur et bons mots). Il y avait dans cette sorte de bonté accompagnée de manières généreuses, la gratification de plaire inséparable du souci d'attester que la chaleur humaine était une constante de l'humanité, malgré les derniers évènements, les décrets aberrants, la liberté qui sourdement se réduisait, divisant des classes entières de gens, rien ni personne ne pourrait attenter à cette valeur proclamée "sacrée" de la chaleur humaine, aucun gouvernement ne pourrait jamais modifier ce que la nature avait désiré libre, rien, jamais n'aurait l'outrecuidance de réduire la chaleur humaine à moins que ce qu'elle était, même si chacun laissait au secret ses petits enchantements personnels, c'était justement ça, le travail de ces volontaires : faire fructifier les prodigieuses ressources de chacun, un peu partout afin que la morosité ne ronge pas la saison et n'empêche pas, par ailleurs les réformes de se faire. Les volontaires croyaient à une vie meilleure, ils mettaient une ardeur particulière à divertir les gens, ils se disaient indépendants, bien qu'une rumeur courait qu'ils étaient payés en avantages par les gouvernements. Le ministre de la solidarité, lui même, n'avait pas caché au journal de 20H00, qu'il avait commencé à songer à la création d'un "bureau des chaleurs humaines" avec un système de bons, de tickets, et d'emprunts à un pourcentage raisonnable et des campagnes de prévention menées par des psychologues qu'on pourrait associer à des prêtres pourquoi pas à des artistes ? (Il y en a de serviles-...) qui évalueraient le potentiel de chaleur humaine que chacun pourrait offrir à son prochain dans des proportions raisonnables, et mettraient en place des dispositifs ludiques et opérationnels, pour recréer une dynamique dans le tissu social des villes voire des quartiers. Il y aurait aussi un "bureau des débordements" afin d'éviter toute exagération, on avait réfléchi à des quotas, des systèmes d'amendes et à des soins relatifs aux pathologies "débordantes", il y aurait des orientations systématiques encadrées par des assistants au volontariat, qui permettraient de réguler les flux déviants vers des centres spécialisés dans les troubles psycho-affectifs remboursés par la sécurité sociale jusqu'à 57,3 %, cela, doucement, se mettrait en place par la grâce d'un mécénat proposé par les grands noms de l'industrie pharmaceutiques. De même qu'on réfléchissait à "une journée de la chaleur humaine" où chacun pourrait rencontrer son voisin et l'embrasser avec toute l'affection qu'il n'osait lui offrir dans l'année. Les créatifs d'évènementiel inspirés par des performers d'art contemporain, planchaient sur un projet dément : des farandoles géantes de citoyens et de voisins qui iraient d'immeuble en immeuble chercher d'autres voisins, ils partiraient de ville en ville pour que la chaleur humaine se diffuse et dépasse les frontières, il y aurait des feux d'artifice, des ballons, des lancers de radiateurs symboliques, chacun serait encouragé à offrir des fleurs aux passants, ou à inviter à déjeûner chez lui, celui qu'il jugerait plus démuni que lui. On demanderait aux maires dans les villes d'engager des débats sur les places, aux gens de se parler spontanément, on fabriquerait des affiches invitant les consommateurs à se faire mutuellement la conversation dans les magasins, à s'aimer sincérement, on puiserait l'émotion cachée au fond de chacun pour que le monde ne soit plus qu'émouvant. On pensait même organiser un grand "love-in" de fin d'année animé par des vedettes déjà très investies dans le projet, on parlait de Yannis Noanne, Mimile Matry, de Florent Pagnol et peut être de Claudine Fion, on ferait venir Michel Pornaleff et Jean-Lichel Marre, l'entrée ne serait pas donnée, mais grace à cet argent on pourrait fonder prochainement, un "ministère de la chaleur humaine" qui bénéficierait de moyens, grâce aux dons, pour imposer à tous la valeur de chaleur humaine, guidée des professionnels pluralistes et attentionnés. Il y aurait cette idée de "générosité méritée" appuyée par des philosophes qui viendraient en parler à la télé en bidouillant grosso modo Voltaire à partir d'une seule phrase qui serait placardée dans tous les établissements scolaires, les halls de gare, à l'entrée des supermarchés :

"Rien ne se fait sans un peu d'enthousiasme"

 On prévoyait d'ici 2025 de mieux distribuer le trop plein de chaleur humaine de certains à ceux qui en manquaient, ainsi s'acheminerait-on vers un monde plus parfait que le précédent, aussi convivial que porteur d'espoir d'une civilisation plus authentique, plus équitable. La chaleur humaine allant de pair avec le coeur à l'ouvrage, c'est dans la joie de tous et toutes, marchant main dans la main, qu'il fallait que les bonnes choses se fassent.

Photo : La foule du cours Emile Z. vue d'avion (l'avion de certains jours ne vole pas haut mais c'est quand même un avion). Villeurbanne in December © Frb 2010

mercredi, 01 décembre 2010

Sur le banc de neige

Viens
allons voir la neige
jusqu’à nous ensevelir !

BASHÔ, extr: "Haïku. Anthologie du poème court japonais",
Gallimard, 2002.

Si ce banc vous déplaît en cliquant sur l'image, vous gagnerez sûrement un autre banc. banc de neige647 b.jpg

 Sur le banc de neige je me suis allongée ce matin pour y dormir jusqu'au lendemain. Le banc avait des airs d'ermitage alcestien, quand je m'y suis réveillée, le froid m'engourdissait les mains alors j'ai pris la position du penseur (de Rodin), pour penser à des tas de trucs, à tout un tas de machins. Sur le banc de neige j'ai pensé...

Aux journées à la mer, au bord des lacs et des rivières, aux trouées du vieux Blaise sur des feuilles luisantes et caoutchoutées, j'ai pensé qu'on pourrait monter la route en lacets sur des bottes luisantes et caoutchoutées, j'ai pensé aux tours carrées des villes qui vues de loin paraissent rondes, j'ai pensé que nous regardons les jours diminuer tandis que les nuits deviennent longues, j'ai pensé à ces hommes célèbres qui ne sont pas encore nés, à ces talents ignorés, cette multitude d'artistes pourtant doués qui mourront sans avoir connu un quart d'heure de célébrité, j'ai pensé aux ateliers culinaires de Jean Luc Rabanel, sur le banc de neige, j'ai pensé aux îles flottantes, aux dé-collages d'Asger Jorn, à la taille prodigieuse d'une force dépassant tout ce qu'on peut imaginer, j'ai pensé à Ariane dans l'île de Naxos, gémissant sur l'abandon et l'ingratitude de Thésée, j'ai pensé à la vérité du monde qui n'est pas notre vérité, sur le banc de neige j'ai pensé...

Aux rochers suspendus au dessus de la mer éternellement rongés par le sel de ses eaux, aux corps qui ne semblent pas connaître l'érosion, aux âmes sans agitations, aux esprits qui renversent tout à la moindre contrariété, sur le banc de neige j'ai pensé à la porte de Saint Ouen, au prince de Monaco, et au Panathénées. J'ai pensé aux machines à polir et culotter les grains de cafés, au grallator, au térébinthe, sur le banc de neige j'ai pensé au visage de ce nègre qu'on crût longtemps barbouillé d'encre et aux joues gonflées du père Louis faisant corps avec sa trompette. J'ai pensé aux amants qui n'auront le droit de s'épouser qu'en 2797, au tracé rectiligne qui coupe la forêt Morand jusqu'à ces feuilles géantes qu'on espérait de bananier mais qui portent un nom trop savant pour un effet assez médiocre,  j'ai pensé au lac de Saint Point envahi par les crustacés, au grallator fuyant le térébinthe. Sur le banc de neige j'ai pensé que l'on fondrait peut être à la place de la neige si on avait la certitude qu'elle ne fonde plus jamais, j'ai pensé aux amis malheureux qui cherchent à tout se dire, et ne trouvent pas moyen. J'ai pensé à "l'heure bleue", à "la petite robe noire" de Delphine Jelk, à ces notes de coeur citronnées, de tête au macaron framboise, à cette note de fond au thé fumé, j'ai pensé  à des volets qui s'ouvrent, dans une auberge de Méditerranée avec vue imprenable sur un verger d'agrumes,  j'ai pensé aux formules poétiques courtes mais de grande densité, à l'interminable haiku d'ISSA :

Être là,
tout simplement,
au milieu de la neige qui tombe.

Aux questions imprudentes de SHIKI (Masaoka)

Il y a bien longtemps,
je l'interrogeais sur
la profondeur sans fond de la neige.

Sur le banc de neige, j'ai pensé aux diverses déformations de la volonté jusqu'à l'exaltation ou l'excentricité puis à toutes les craintes qu'elles inspirent, j'ai pensé aux éternels hivers d'hyperborée, à l'humidité qui attaque le bas des murs, aux moisissures qui se glissent entre les poils d'un col de ragondin, et aux paupières tristes comme des pétales fanés de ceux qui ne savent pas où aller. Sur le banc de neige j'ai pensé qu'au lieu de penser sur un banc on pourrait tout autant penser la même chose sur une luge, qu'il suffirait peut être de décoller le banc et puis le bricoler de façon à le rendre plus mobile. J'ai pensé que ce banc ne serait beau que blanc, qu'il nous le faudrait blanc tout le temps mais que ce serait absurde de peindre la neige en blanc du fait qu'on aurait peine à trouver le même blanc et qu'il serait d'ores et déjà vain de s'évertuer à chercher un rendu plus fondant. Sur le banc de neige j'ai pensé qu'on penserait peut être différemment si l'on était bercé par les jeux vocaux des inuits, qui battraient la mesure en tapant sur le banc, mais ça n'empêcherait pas de penser aux mêmes trucs, et aux mêmes tas de machins, et que, moralité:  il n'est pas possible de battre le banc sans abîmer la neige. Sur le banc de neige j'ai pensé.

 

INUIT- Throat-Singing

 



podcast

 

Photo : Le banc de neige, longeant les berges du Rhône quelquepart entre le pont De Lattre de Tassigny et le Parc de la Tête d'Or à Lyon. Photographié dans les premières et volumineuses neiges du premier jour de December.© Frb 2010.

mardi, 30 novembre 2010

Tous givrés

Ce matin, (qui n'est pas à la date d'aujourd'hui, à 48 h00 près), le paysage aura changé. Pour la première fois dans la ville, on voit des gens aller à la boulangerie sur des skis, d'autres disparaissent dans un glacier, une solidarité très spontanée réchauffe les esprits par la grâce du froid tôt revenu, des choses qu'un journaliste à la télévision a qualifié de "cauchemardesques" comme si le monde n'appartenait qu'aux automobilistes. Nous, les piétons, les cyclistes, skieurs de fond, ou fantaisistes à trottinettes, à raquettes, à bonnets (avec ou sans pompons), nous dérapons jusqu'à l'insignifiance, ralentis dans tous nos projets ou parfois, immobilisés, nous goûtons à cette expérience enfantine, assez délicieuse, qui consiste à improviser, à défaut de pouvoir déployer nos ailes, nous patinons merveilleusement...

  IMG_0256.JPG         DSCF2366.JPGIMG_0375.JPG  IMG_0031.JPGIMG_0378.JPGDSCF2363.JPG

Pour le plaisir (infime) de la lo-fi, vous trouverez ci dessous 44 secondes de pas pressés dans la neige urbaine, la neige rurale, est infiniment plus veloutée et invite à des gestes plus lents, dit-on. La neige des villes on l'appelle en milieu de journée, "la gadoue", "la bouillasse" ou "la gabouille" ce dernier mot m'a été soufflé par un vieux monsieur très loquace croisé dans la folklorique ficelle à crémaillère qui remonte au village (ou plateau de la Croix-Rousse). Ici, l'extrait est à deux ou quatre pieds seulement, je vous ai épargné le tintamarre de la journée, quelques milliers de pieds craquant la neige et pas mal de gamelles, plus quelques sirènes de pompiers... (Qui a dit que la neige était silencieuse ?)



podcast

Ceux qui n'aiment pas les pieds ni la neige de la ville, trouveront peut être satisfaction avec des tronches de neige à la campagne...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/01/13/tr...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/01/12/sn...

A suivre des photos de Lyon sous la neige peut-être un certain jour en décalé et quand tout sera fondu.

Lien utile : http://www.lyon.fr/vdl/sections/fr/evenements/alerte_mete...

Photos : Hommes, femmes, enfants, chaudement fagotés, surpris un matin par presque 20 cm de neige. Photographiés au parc de la Tête d'Or (Photo 1 et 5), près du tunnel de Fourvière (photo 4), sur les quais du Rhône (Photo 3) à Lyon et place Charles Hernu à Villeurbanne (Photo 2 et 6). Certains jours toujours en décalage avec le calendrier ordinaire, a "croqué" les six petites balades au premier jour de December. © Frb 2010

mardi, 12 janvier 2010

Dans la nuit mince et blanche

Nuit blanche 14b.png

Dans la nuit mince et blanche, dorment les grands connaisseurs de la réalité, qui forment en rêve à leur image le derniers fils de la famille, pour mieux le noyer au matin.

Dans la nuit mince et blanche, je me lie à Vitrac au dessus d’un bordel de fringues
 ou le corps pris sur l’étendage, un hamac laid comme une filoche pendu sur un bec de mésange.

Dans la nuit mince et blanche, j'effeuille un almanach, datant de la fin des années 30, "la maison du papier gommé", un article documenté sur la vie du scaphandrier. Plus loin, en d'autres pages, (une revue de 1960), il y a des cathédrales vivantes, le détail d’une voûte romane, l’énoncé d’un paquet de chocos. Des palets d’or rampent sur les plinthes, l’engagement (Lu) du "sachet-fraîcheur" avec une pointe de sucre roux et 3,0 gr. d’amidon. Tout ça court sur la croûte terrestre en brulant longtemps les étapes: la Perse, l ’Assyrie et Byzance, jusqu’aux formes octogonales qui se combinent dans les absides désordonnées d'un pur style hybride ogival du genre pré-Nabirosinais.

Dans la nuit mince et blanche de gigues et de pavanes, j’accepte la place offerte.
 Par la voix tonnante de l’ancêtre qui illumine à coups de bêche, ce coeur qui se trouve sous ton pied.

Dans la nuit mince, je mange. Et goûte aux vins d'Etienne, à la faveur des jours qui passent, quand d’un paradis entrevu de l’autre côté du vitrail, nous ne glissons plus que des neiges fondues sous un coin d'oreiller. (Or la petite souris qui n’est pas dupe, ni plus folle que la guêpe, continue de nous tarauder), et nous trinquons à sa santé :

"A la tienne Etienne, à la tienne mon vieux !" .

Dans la nuit blanche, j’en pince pour les boiseries poncées mais je hais la frisette à teindre. J’y décloue ta mèche obsolète, tôt remplacée par l’accroche coeur d’un joli moniteur de luge.

Dans la nuit mince et blanche, le lis amer réinjecte son trac, naît ou meurt selon. Pénètrant le sillon, un tourne-disque carossé tombe dans la SPX. Il ne restera plus qu'à tirer les cordes du piano, à les frotter longtemps, au papier à musique. J’aime l'art acousmatique : John Cage dévoré des limaces, la flêche de Denis l'endrômé, Michel, qui n'arrête plus le regret et les doigts du grand Luc caressant les étoiles. Plus tard, les autres viendraient, (des bons copains aussi), avec d'étranges boîtes...

Dans la nuit mince et blanche, une masse de bouc a siphoné ma plume de paon ou de dindon, et je ne m’en porte pas plus mal. "Mieux vaut dindons que paons" a dit le Duxo Yaka Charmillon. Et nous revoilà une fois encore sur "le chemin des poneys !" mon talon d'archimidinette, se tort un peu sur les cailloux mais s'il retombe dans les fougères, il sait s'en contenter. "Un rien, Madame, vous rend si belle". (Giroflées, trèfles doux, émouvantes noisettes). Dix balles de billes à faire rouler sur le toit d'une chapelle, l’éclat doré du solitaire comme une chiure de coucher de soleil épousant les tonalités des grands yeux fendus en amandes de l'élandin.

Dans la nuit mince et blanche, Lord Jim erre de port en port. Et je me demande si je ne préfère pas les braves types aux grands seigneurs. Si je ne préfère pas le sanglier au porc, si je ne préfère pas le modillon au Sacré Coeur. Et s'il fallait vraiment choisir (quelle connerie, cette supposition), pourquoi choisir "entre les choses", pourquoi ne pas choisir "un peu de tout" ?

Dans la nuit blanche, pyramidale, je ris seule parmi des objets d'une stupidité qui m'agrée et de nombreuses soucoupes volantes portent plus loin les présomptions. Orné de trois pépins d'orange et d'une bonne quinzaine de mégots, l'oeil-bouton de l'ours Pitou tiendra bien jusqu'à demain soir. Un grain perdu au centre d'un pot (dont je n’arriverai jamais à calculer la circonférence avant l’aube). Soudain, j'ai  besoin de vacance, (se pourrait-il d'absence ?), ou de disparitio...

Dans la nuit mince et blanche, j’entends les perroquets et la belle de Croisset qui écarte les jambes. Le voyou qui fuyait son petit chien me relance. tout ce que j'ai à lui dire tient sur un tas de cendres au fond d'une boîte à thé.

Dans la nuit mince et blanche, je me surprends à aimer Jack Palance. Et Brigitte qui s’envole dans les bras d’un idiot, de Capri vers la mort, après, quand c’est fini, on retrouve le silence. Puis à 6 h00, reviennent les camions des poubelles, la nuit qu'on cambriole, la fin des haricots. Les dés sont rejetés. Alors naît l'envie folle de construire une pirogue. Ou de partir en catastrophe dans une petite auto.

Du genre Rolls Royce.

IMG_0262.JPGPhoto 1 : La neige blanche et mince photographiée la nuit entre la route qui mène au Mont St Cyr, et le "Chemin des Poneys"...

Photo 2 : Un drôle d'être humain dans une drôle de petite auto. Vu au petit jour, sur le chemin  dit de la "Grande Terre" ou de la "Belle Neige". Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.

dimanche, 10 janvier 2010

L'air du temps et les métamorphoses

"L'organisation terrestre est ainsi construite que l'Atmosphère est la souveraine de toutes choses et que le savant peut dire d'elle ce que le théologien disait de Dieu lui-même : en elle nous vivons, nous nous mouvons et nous sommes. Condition suprême des existences terrestres, elle ne constitue pas seulement la force virtuelle de la Terre, mais elle en est encore la parure et le parfum. Comme une caresse éternelle enveloppant notre planète voyageuse dans une affection inaltérable, elle porte doucement la Terre dans les champs glacés du ciel, la réchauffant avec une sollicitude incessante, charmant son voyage solitaire par les doux sourires de la lumière et par les fantaisies des météores"

CAMILLE FLAMMARION (1842-1925) : "L'atmosphère : météorologie populaire". Edition Hachette 1888.

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Il était difficile d'avoir quelques nouvelles, les phrases arrivaient dans le désordre sur cette moire dont les cristaux nous lacèraient le sang. Quelques uns se sentaient enfermés dans la neige. Les infos se colportaient par coupons aberrants : "Météo France a levé toute sa vigilance [...] (orange, qu'elle est la vigilance !) mais la neige ne s'arrêtera pas de tomber pour autant" (!). Un journaliste sorti des grandes écoles, annonçait pour Grenoble, vingt centimètres de neige un évènement (dixit) "sans précédent" (depuis 2005 !!!). Cette brouillasse d'information humaine fit le tour de la terre presque instantanément. On aurait dit que tout l'hiver, sa couleur et son blanc, venaient aux spectateurs gobés tout crus par les nouvelles, en cette "exceptionnelle saison sans précédent". Chacun encadra les pépites pour en rire jusqu'au printemps. Les vieux d'ici scrutant le ciel, racontaient que "les vrais ploucs finalement étaient ceux de la ville". Et l'on se régalait, empalant la carotte sur la bouille du bonhomme de neige. On se délectait aussi du vieux sens paysan tandis que le Bébert hilare sous sa casquette, rattrapait son basset par le haut des oreilles : "il se sauve tout le temps c'tu foutu tsin ! il l'en veut après La Youquette". Alerté par les aboiements, le maître de La Youkette, sortait de sa cour en remontant sa culotte de velours. Et du chemin, sa grosse gueule violette qui bougeait toujours en parlant de gauche à droite, de droite à gauche hélait le Bébert et regardait La Youkette slalomer entre les barrières puis retomber sur ses pattes avant : "Ah ben vindiou ! toutes ces bestioles, c'est bien plus agile que les gens !". Il récitait par coeur une liste d'accidents lus dans la Renaissance d'hier. Puis tout s'assombrissait en causant de "la Marivette" dont le fils aîné était mourant. Le visage soudain renfrogné du Bébert, énumérait les endroits de tous les accidents qu'il y avait eu depuis la venue des neiges, à la sortie de la route express, et au virage de l'étang de "La prâle", sur la route de La Caillette. Le maître de La Youquette enchaînait : "Tant qu'y aura pas eu un car scolaire et des enfants morts dans l'étang...". Le Bébert écoutait, contemplant ses grandes bottes caca d'oie en caoutchouc collé au blanc, tandis que le basset, (avec ses pattes qui remuaient l'air) me regardait d'un air émouvant. Le Bébert dit que cet après-midi il mettrait dans les arbres des boules de graisse pour les pinsons, que demain il y aurait du brouillard à pas sortir de la maison, que le Philippe Seguin était mort, que la Marthe était dans le coma. Qu'il y avait encore eu un malheur, un grand malheur chez les Cantat". Il attendit en soupirant, la sentence de son gros voisin qui ralluma son bout de Boyard avec une sixaine d'allumettes et lança après avoir longtemps eu l'air de soupeser les évènements : "Ah ben ma foi que voulez vous c'est ben comme on dit à Vendenesse :

"Brouillards en janvier, mortalité de toutes parts"

Et malgré l'antidate au domaine, les lendemains tous pareils, (c'était mis dans le journal comme ça) = "tous fidèles à eux même, des lendemains sans précédents", se suivirent et se ressemblèrent. Des hommes aimés, des excellents se firent la malle. Et les sanglots du rude hiver fûrent absorbés atmosphériquement, tandis que le maître de la Youkette tournait les pages d'un minuscule carnet qu'il avait toujours dans la poche où se trouvaient le nom des Saints, les commissions, et les dictons pour les récoltes.

"Un mois de janvier sans gelée
N'amène jamais une bonne année."

"Si la Saint-Antoine (1) a la barbe blanche,
Il y aura beaucoup de pommes de terre."

"Garde-toi Du printemps de Janvier."

Ces adages comme des marelles se parcouraient à cloche-pieds. "Tu lances le palet, tu le pousses avec le pied, 1, 2, 3 ... jusqu'à 8 et tu sors !". Si le palet se trouve sur un trait, il faut tout arrêter.

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Plus loin des employés de la municipalité marchaient un peu à travers champs avec des cabas à carreaux ils s'en allaient jusqu'au hameau dit de "L'enfer" apporter du ravitaillement. Le Bébert parla de la Mado qu'en bavait trop avec son homme, faut dire que le Jeannot il trainait le soir à la Caillette avec des gars qui l'embringuaient, à jouer et à boire des canons. C'était lui qu'arrosait les gars. La Mado ça faisait des années qu'elle tirait le diable par la queue et trimait comme une sacrifiée pour pas que la ferme périclite. Quand l'Jeannot il rentrait, raviné au Clapion on l'entendait brailler jusqu'aux cabanes des pépinières, y'en a même qui disaient qu'il tapait la Mado. "Elle est brave c'tu Mado, et le Jeannot  il la mène" répondait le maître de la Youkette "Ben moi, ma feûne si je lui en foutais sur la gueule, ça se passerait pas comme ça ! et pis  c'est pas au mari à faire des choses pareilles! une feûne moi je dit que ça se respecte Vindieu !". Le Bébert tripota le pompon de sa casquette. La neige recommençait à tomber, bien drue. Les deux hommes se regardèrent longtemps, un vrai face à face de western dans un silence très velouté ponctué de "ma foi". Ils passèrent encore en souvenir tous les mois de l'année dernière, la première douceur de Janvier "qu'on ne connaîtrait ma foi pas c't'année" et les mois rassemblés faisaient encore un almanach : Plus de 300 préceptes pour la vie ordinaire et des dictons pour chaque saison :

"Regarde comme sont menées
Depuis Noël douze journées
Car, en suivant ces douzes jours
Les douze mois feront leur cours."

Les deux hommes se saluèrent et promirent de se revoir comme ils l'avaient prévu, au banquet pour la St Vincent. Les chasseurs de la giboulette, introniseraient leur président dans la petite salle du comité des fêtes, les vieux feraient cuire le sanglier, les biches, les perdrix, les faisans. La Youkette; le basset grelottaient dans la neige. Il était temps de rentrer. Le maître de la Youkette se retourna et lança l'épilogue qui résonnait dans la grande terre : "salut Bébert, et pis ma foi ! revoyure à la St Vincent ! y z'y ont annoncé que normalement après le 20 ça sera le redoux !" Le Bébert agita sa casquette, cria tout au milieu du champ une de ces phrases de bonne patience qui réenchanta le hameau. Dans cette tonalité parfaite, de moelleuses météores nous effacaient lentement. Tous fondus dans le paysage, nous retrouvions le paradis, juste là où il avait été crée. Cette fine allégeance mollissait en nos corps, biffait le cours des volontés, nous errions comme des plantes lourdes dans ce pays perdu. Le basset, La Youkette courant devant, truffaient quelques flocons. Sur le bout de la langue, quelques bribes savantes, déroulaient des oracles. Une vieille boule de cristal roulait sur les saisons. Il en était jeté de toutes les décisions qu'il nous restait à prendre...

"Saint-Vincent (2) clair et beau,
Plus de vin que d'eau." .

(1) = 17 Janvier - (2) = 22 Janvier

Photo : Neige au hameau et sur le chemin de "La grande terre". Nabirosina. Janvier 2010. © Frb.