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vendredi, 22 mai 2015

Vernissage au manoir

Renversé, lézardé, morcelé, toute appartenance humaine oubliée, c’est seulement comme un sol que celui-ci maintenant se perçoit, sol indéfiniment déchiqueté, aux croulantes mottes anonymes, dressées-déjetées, qui n’est même plus un terrain, mais les vagues d’une mer démontée, d’une mer de terre en désordre, qui jamais plus ne se reposera ...
 
HENRI MICHAUX, extr. "Les Ravagés", Fata Morgana, 1976, (p. 13). 

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Le carré de peinture commence à se craqueler. Quelques hommes et des femmes vont défiler ici. C'est une heure où l'on trie. Il faut briquer les pièces, convoquer l'escalier qui descend vers cette chambre où il n'y a qu'un lit placé juste au milieu, hanté d'une atmosphère d'entassement d'objets. 

Des outils démodés traînent à travers l'alcôve. La vieille bonne est partie, on raconte qu'elle était sale et simple d'esprit. La poussière s'est glissée comme un corps infiltrant légèrement nos habits. Dehors le soleil règne, ici c'est une caverne.

Eux, on ne les connaît pas. Sans doute, ils organisent, ils s'inquiètent ou ils causent de ces drôles de craquelures, l'obsession qui se penche sur un trait de peinture et semble s'allonger entre un nombre insensé d'outils tachés de sang, ça gêne ce sang qui traîne, et puis les cercles gris, des auréoles humides - exposer dans les ruines - "est-ce que les visiteurs sauront saisir le sens ?".

Ils se disent que plus tard on gardera l'image, elle fera son chemin parmi une quantité d'images déjà rangées, présentant un amas de reproductions portatives déclinées en mémoire qui formaient sous des calques les saisies éphémères de refuges incomplets. Ca racontera une vie entre toutes - "mais laquelle ? Exposée, dans quel but ?".

La vie comme oeuvre d'art, une abstraction de drames, l'atelier comme dépit et la chambre comme conquête, à défaut de pouvoir recoller ces fragments, les tableaux coutent leur prix, c'est presque un prix d'ami, pragmatique au partage, chacun serait tenté d'en préserver les traces et puis de les traiter autrement qu'en déchets, ou bien de les gommer. Il y a des trous partout sur le sol, ronds comme des cigarettes, nous marchons sur la cendre, il faudrait avancer, nous filons à rebours. Une dame a ramassé un marteau qui traînait, du sang sur les outils. - "Mais on se fout de qui ? !"

Plus loin dans cette pièce de type "demeure bourgeoise", toute en pierres et en poutres, une dame en robe trapèze ouvre un air de mystère dans une bibliothèque. On y trouve des indices qui prouveront que l'artiste aimait l'histoire de France, les atlas, les "fourchettes" et la leçon de choses, les planches anatomiques, les microbes, les squelettes. On effeuille des traités du siècle de Lavoisier sur les transmutations biologiques, ce sont des drôles d'histoires de levures, et de moisissures qui produisent du potassium ou du phosphore, une série de planches dessinées montrant des bactéries mutables à l'infini. Il y a vingt-cinq volumes sur ce thème, on se demande quel est l'énergumène qui pouvait vivre ici. On ne savait rien de ce type et maintenant on en parle. Quelqu'un a supposé -"c'était peut-être un malade ? ". On n'ose pas questionner ceux qui se taisent, eux, savent.

Puis la dame entre-baille des portes en enfilade, enfin, lorsqu'elle ressort pour accueillir dehors les derniers visiteurs, on devient charognard. On fouille dans les tiroirs et derrière les volets par le clair obscur de la chambre, c'est Babel qui endort ces ballets de corps inclinés autour d'un lit très vaste, les femmes qui sont passées semblent y dormir encore et dessous repose l'homme, sa divine proportion et sa tête de momie ouvre un oeil en cristal.

Dormir ou reposer. On remue des papiers. Il a dû les aimer, ces femmes, toutes ces femmes, pour dessiner leurs corps, en courbes assez lascives ornés d'incisions roses bariolées de sanguines, c'est un patient travail pas encore un trésor. Il faut de beaux outils afin de parvenir à cette tête étoilée qui parait retomber sur un corps assoupi, coiffée d'une couronne mortuaire fabriquée de pétales de lis et roses fanées. Des entités bruissantes semblent incarner ces toiles tristement alignées, on voit quelques séries ratées de natures mortes, des faisans sur une table à côté des casseroles, des coupes de citrons verts, des marrons sur un feu. Quelqu'un dit - "Que c'est laid !". Il faudrait les donner. - "500 balles pour des croûtes qui ne sont même pas signées !".

Les personnes de l'accueil, qui parlent au nom de l'artiste sont debout dans l'entrée, elles forment un comité comme des veuves qui tricotent, mais entre elles, rien qu'entre elles, elles recomptent les entrées. - "Sept personnes aujourd'hui ! ça va nous faire à peine de quoi couvrir les frais". Entre elles, elles lissent les angles, font le tri pour les autres. Et ne laissent plus peser ce malaise vers la chambre où la crainte nous surprend dans le manoir hanté: quelques sorcières se lèvent, corps jeunes à têtes de vieilles, enclenchent un sortilège par derrière le volet : le rebut de l'artiste, ce fardeau que la mort n'a pas voulu porter, le parfum d'une fille qui cacha cette nuit, sa vie dans une lézarde.

Sous le pli d'un drap gris orné des initiales d'une des femmes et de l'homme, il y a un peigne en nacre où se trouvent attachés quelques fils, des cheveux tressés fins, et les vieux qui passaient juste avant de rentrer ont dû pousser un cri devant ce baldaquin. Ils hurlent et ils se cabrent, ils crient, ils s'époumonent - Touche un peu ! c'est de vrais cheveux !". Passé l'effet de choc, ils rient, ils parlent fort, "les vrais cheveux de la vraie morte ! ouh ! punaise ! c'est macabre !", ils font des mots d'esprit avec le rire nerveux, unis pour la déconne. Ils portent des touffes de crin blancs ou gris en couronne, au sommet le crâne luit comme un vrai lustre d'or.

Cette idée de la mort ne leur dit rien de précis. Ils ont vu la fille nue, ils ont senti l'effroi les happer, silencieux, ils se fondent une seconde, dans la même tempérance, ou ils rient, ils ricanent, ils passeront l'été à rire pour rien ensemble, rien qu'à se regarder, ils pouffent, c'est plus fort qu'eux ce rire touchant le nerf dans le soleil de Mai et cette vigueur flambée d'une jeunesse les remet en piste pour un tour. Ils rient, encore ! encore ! grâce au fil qui les mène jusqu'aux caves de Bourgogne où l'on pétrit les chairs dans le moût cramoisi, épuisant cette honte qu'ils ressentent d'être en vie quand les autres sont morts. Parfois, ils ne font que ça : enterrer leur jeunesse, exhumer la mémoire courant après leurs vies de jeunes célibataires, de beaux gaillards tout verts, vieux coucous verts de gris. Ils railleront l'impudeur du cheveu de la morte, "- un poil de c ...  Hi hi ! - t'es con, Dédé, ta gueule !". Ce qu'il faut de vacarme, pour donner l'impression de n'être pas meurtri.

La beauté entrevue peu à peu se dilue. Ils finiront dehors, à astiquer leurs lustres dans le vin de pays, des coups et puis des filles faites pour les suites de cuites, mais rien. Ils n'auront rien. Ils n'auront pas les filles. Ils feront demi-tour, ils reviendront si saouls reboire encore des coups. Des coups jusqu'à plus soif. Ils cuveront au jardin puis jureront qu'ils n'avaient jamais vu cet endroit - jamais vu de leur vie - depuis le temps qu'ils vivent là dans la maison d'en face, n'en sont jamais partis. Ils jureront sur la tête, de leurs femmes, jamais vu le manoir ! Sur la vie de leurs gosses, sur l'amour de leur mère, une main sur la breloque, ça les remue à rebours, ces morts qui hantent la vie.

Ici, quelques bougies dont les mèches s'effilochent, le feu n'y prendrait pas, ce sont les corps qui serrent la chaleur dans nos bras, la diffusent sournoisement, une flamme brève sur une toile suffirait à griller ces bouches qui turlupinent. L'altérité des lieux nous retrouverait obscurs, en terre d'enluminures, d'eaux fortes et de chapelles. Cette lumière se transforme lentement au fil des heures, à présent nous révèle un clocher en plein ciel. On ne peut pas s'arracher des puissances de la pierre, on ne peut pas situer tous les jeux de lumière, un relief dans ces noirs, le dépaysement règne. Ou c'est le dépays, toute une vie enfermé à peindre sous une lézarde à humer les parfums dans les cheveux des femmes et à les reproduire. Peindre les parfums... - "Ah oui ? vraiment, comment fait-il  ?". Tout ça ne leur dit rien.

Quelqu'un a demandé si l'on pouvait feuilleter les carnets de l'artiste, des cartons traînent partout, on marche sur les esquisses. - "Ces brouillons ? Non, vraiment, ils  ne valent pas un clou". Ils l'ont dit. - "Pas un clou !" ce sont des spécialistes, il n'y a pas à redire. Certains hommes meurent ainsi sans avoir achevé leur chef d'oeuvre, - "il y a de tristes vies, ma bonne dame !" ils l'ont dit "tristes vies ! ma foi, oui !"... Dans la bibliothèque on débat de l'époque d'une planche à bactéries XIX ou XXem siècle ? Quelqu'un a dû conclure  - "S'il est mort à ce moment, c'est que l'oeuvre était finie. Dieu l'a voulu ainsi !". Dieu encore. Un autre a répondu - "Personne ne vous a dit que l'artiste était mort". Un ange passe. Chacun sort.

Les dames du comité ont pris la calculette - "cinq nouveaux et deux gosses, ça fait quatorze en tout, c'est moins que l'année dernière !", entre l'apéritif et le goûter des petits, à l'unanimité ils se sont accordés pour répéter en choeur que ça ne valait pas la peine de se déranger pour si peu. La valeur et la peine - "où est votre peine, Madame ?". Les autres, ils ont suivi: - "nous, on n'a rien compris" - "trop compliqué pour moi !". La visite s'achève là.

On se retrouve au jardin, sous un grand parasol. La femme en robe trapèze passe avec des plateaux, elle ne forme pas ses phrases: - "Vin ou jus d'ananas ?". Il est toujours question de peinture ou de livres. La femme repart, revient - "quatre-quart ou tarte aux pommes ? Ceux qui décident s'envolent. Les autres, ils rasent le sol. Ceux qui décident pèsent lourd et dans le palais d'or remuent une langue de foules convoitant le trésor. Ils seront responsables de rendre toute chose possible ou impossible, en une fraction de seconde, c'est pesé, mesuré. Ils fusionnent, allez hop ! -"Va pour une tarte aux pommes ! - Tarte aux pommes pour tout le monde !".

Un homme seul sous un arbre, roule un peu de tabac gris. -"C'est peut-être l'artiste ?". On sait pas. -"Demande lui !". On s'affale sur un banc. A chaque instant la voix revient part et virevolte: -"vin ou jus d'ananas ?". Une seconde indécise. -"Allez, vin ! - Allez hop ! Du vin pour nos amis !".

Les espaces se séparent. Il y a des univers, entre le grand jardin et le petit manoir, entre ceux qui picolent et ceux qui picolent pas. Dans les plis, un abîme. L'homme qui restait seul à s'en rouler sous l'arbre répond à une vieille dame, harcelante mais limpide - "le sang sur les outils, c'est de la peinture n'est ce pas ?", l'homme lui répond tout bas - "mais oui, c'est de la peinture, que voulez vous que ce soit ?". On sort de l'artifice. - "Savez-vous si l'artiste est enterré ici ?". Ca retombe sans un bruit.

On rejoint les esprits. On s'est mêlé aux autres qui riaient et roulaient des pétards dans les fleurs. Les tartes étaient mangées et les coupes étaient bues. Là bas à l'intérieur, le carré de peinture avait presque disparu mais dessous ça grouillait, du sang sur l'auréole, né d'une cabriole.

Dans la chambre silencieuse, tout près des natures mortes sous les corps assoupis, lentement une lézarde étouffait ses petits.

 

Photo : Au visiteur perplexe, un fragment de lueur au manoir, le premier jour de l'exposition.

 

Là bas © Frb 2014 revisité en 2015

vendredi, 20 février 2015

Les errances du modèle (III)

Il est des êtres qui cultivent une apparente difficulté de vivre à seule fin de se croire supérieurs à ceux que ces tourments épargnent. Mais pourquoi celui qui souffre et cherche, devrait-il s’estimer supérieur à celui qui ni ne souffre, ni ne cherche ? Face à la vie, nous sommes tous des infirmes, et nul n’est fondé à se croire supérieur ou inférieur à quiconque.

CHARLES JULIET, extrait "Ténèbres en terre froide"Journal tome I, (1957-1964), éditions POL 2000.

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J'ai voyagé partout et j’ai les yeux fermés, pris dans les planisphères, fou des géographies et des rives anciennes mais je vis bien caché, blotti dans les fourrés gris de la taupinière, remblais des rêveries retombées sous un trait commun, définitif.

Le mensonge et l'oubli est tout ce qui nous reste, un fond de gouaches pressées, une histoire d'outremer sur velin démodé, et on s'étonne encore qu'au fond de cette nuit, le gris nous ré-invente un refuge accessible comme la dernière couleur quand la mélancolie fût changée en mépris, la dernière couleur même, qui n'avait rien trahi, c'était le gris venu en simples causeries avec le mal du soir. Le gris inavouable des mondes à Reverzy, sans film et sans nuance, un matin, nous surprit en mal de poésie.

Tu me dis que le gris de la matière immense est de toutes les couleurs  ;  je m'use toujours à croire que rester sur ce quai gris comme les grands trottoirs la nuit dans la cité, protègera des obstacles. Je rêvais de partir tout en ne partant pas, parce que plus je m'en vais plus le pas me ramène au regret de mes rives, plus je pense aux voyages, plus je voudrais rester, ici, et chaque jour repartir en balade pour flâner chez les miens, flâner où j'aime flâner.

Tu ne connais pas le temps dont l'être singulier a besoin pour aimer chaque rue de sa ville, tu ne connais pas les gens mais tu en parles bien, le nez contre ta vitre, écrasé à juger des minables qui n'ont pas eu la chance de s'élever grâce aux maîtres à penser, que tu nourris le jour en leur offrant ta vie, tu me parles de la chance, comme une belle récompense qu'un esprit affligé d'un tuteur disposé à régner sur son temps plus fin que les horloges, doit gagner au final. Perdre ou gagner, en somme, des blâmes et des trophées, au pied du métronome, c'était là, l'uniforme qui frappait les attraits. Et moi, je ne suis pas sûr de bien connaître le rythme et le temps qu’il faudra à un Homme pour aimer se refaire une vie au même endroit, afin de mieux comprendre ceux qu'il doit rencontrer, ou qu'il souhaite retrouver et qui l'ont oublié comme au temps quand chacun s'était cru destiné à construire. Construire quoi ? Un Royaume ? Devenu cet empire de mots désaffectés, chacun à sa marotte, secouant un hochet.

Au fil du temps j’ai vu que je ne connaissais rien, ni mon père, ni ma mère, ni ceux qui me nourrissent, je me croyais porté par eux, floué parfois, plus malin que les autres, mais c’est une illusion due à la négligence, de prétendre que les autres ont perdu la mémoire, que la mienne est intacte. J’avais le feu au cul, et toujours en partance, je voulais m’éveiller, faire le tour de la terre comme s’il s’agissait de se multiplier, avec des noms de guerre cachant la même figure qui prend ses habitudes dans les espaces broyant des ferrailles aux rouages de nos locomotives couvrant les sons feutrés de ces belles courtisanes capturées dans des livres : on voyage comme on ment, on s'en va pour se fuir. Oui, sûrement. Et ensuite ?

J'ai gardé les billets dans les petites affaires, c’est une peau de chagrin poinçonnée en vitesse, mais en réalité je ne suis jamais allé plus loin qu'au seul chapitre d'un livre d'histoire-géo de la classe de 3ème, illustré, condensé de l'Europe au vieux temps : Bruges, Sienne, ClunyCoutances ; à travers la routine, quelques allers-retours, vrais de vrai, cependant, je brodais autrement des vues nettes pour l'ailleurs, m'entichais des merveilles de désastres naturels, rêvant du temple blanc dans le tremblement de terre, des vallées de la mort aux vallées de geysers, recouvrant les fragments de mon simple décor, je me fis chercheurs d'art, et je croisais des âmes tombées du vieux théâtre, j'envoyais de chez moi des vues de villes lointaines qui prouveraient un jour que mes faux-grands voyages, étaient clairs et limpides au moins comme l'eau de roche coulait dans les cuisines tapissées de photos de famille, de copains et copines en sweet-shirt au camping, et de notes et de frises baillant du papier gris entraînant ces ressorts où parti pour là bas, sans sortir du carré d'un quartier villageois, je promenais des absents, les tirant par la main hors des murs de l'enclos, jusqu'au dernier portique.

Quand je reviens chez nous, tout me semble se réduire à ces vagues raisons qui m’avaient fait partir, je les retrouve entières, elles me happent au retour, je pourrais fuir encore, j’ai allumé des feux que je ne peux plus éteindre dont les braises mourantes m’asphyxient peu à peu. Je croise virtuellement des gens qui m’interrogent, je ne sais plus quoi leur dire, je pinaille, j'improvise. Je salue d'autres humains qui disaient n'être rien, peu à peu, je m'y vois, asservi à porter leurs habits au pressing, je me fonds dans l'étoffe, elle me va comme un gant. Je témoigne en deçà, des langues qui décomposent et fracturent nos souvenirs. Les ratures s'émancipent. Un vitrail nous sépare désormais du vrai monde. Vu de loin, quelquefois, on croyait voir brûler du foin sur les reliques. Vu de près, on sait pas, mais quand même, on s'informe.

J'entends encore le rire tonitruant d'un fou reluquant sous le cuir des valises un trésor fantastique, il voulait revêtir les précieux ornements inspirés de ces vies qui ne m’appartiennent pas. J’avais accumulé, il faut dire, une belle petite fortune en bradant des portes et des fenêtres pour me rendre au final à l’idée de revendre le vent qui venait de Saturne, c’est drôle de voir des gens acheter n’importe quoi, pour peu que l’emballage soit bien mis, que le slogan séduise. J’enveloppais des bouts de vent dans du papier journal puis je me consacrais à des collections rares de coquillages géants en forme d’escaliers j'en faisais des bracelets et des boucles dorées qui collaient aux oreilles, après quoi, la breloque semblait un don cosmique.

J’offrais tout. Je soldais le dernier cri du monde, c'était moi, l'extatique survivant des razzias qui liquidait gratis, en veux-tu, en voilà : les vagues de l’océan, l’air iodé, la tiédeur et la grève, et la crème du bonheur qui vous rend invisible, ça faisait un malheur. J'éditais des plaquettes de poésie flottante, comme des mots enrobés à la graisse de baleine et tant que ça flottait, le monde était content.

Toutes mes vies insouciantes finissaient en dérives, j’abordais les pagodes où des femelles cupides songeaient pour s'embellir à me prendre pour idole, emballées du projet de mon fantômatisme, commençaient à poser sur mon seuil, les cadavres que j’avais oublié d’engloutir.

J’avais beau les jeter à mon chien, un bâtard émouvant aux allures d’ours brun, il me refusait tout et ne daignait goûter cette nourriture puante qui portait au dedans mes empreintes digitales.

Avais-je tué des gens pendant un long sommeil ? Oui, sans doute, mal tué, car je faisais tout mal. Même en vrai, même en rêve, ainsi revenaient-ils pour que je les achève. Ce sont des âmes qui errent dans ma tête, dit mon chien et mon chien ne voit rien. Et mon chien ne veut pas finir le sale travail.

Certains jours, il me parle, il me demande à boire - ne boit que dans ces mares que l’on frappe au champagne - il devient exigeant et je frappe tout liquide et il boit mes paroles et je suis fier de ça.

C’est dans les reflets vifs de ses beaux yeux dociles que je puise mon entrain, l’espèce d’humanité animale qu'il me faut pour survivre jusqu'à demain, au moins, et puis rester humain le plus longtemps possible. Avec lui, je suis moi, pas comme avec ces gens qui me posent des questions sur mon poids sur ma taille, et les autres qui recherchent le bureau du service après-vente des magasins du vent, ils menacent de procès ; ils me feraient crever à force de se plaindre. Les gens se plaignent tout le temps. A présent ils voudraient que je rembourse le vent, moi, qui ai marchandé sous prétexte... je ne sais plus quels prétextes ils inventent. Les gens sont décevants.

J’aimerais devenir moine, vivre dans un capuchon loger mon crâne ovale au chaud à tout jamais et prier sous des voûtes, finir vouté comme toi qui laçais tes souliers pour grimper la montagne et te coinças le dos, quand t’accrochant à moi, tu arrachas le masque, on t'a vu effrayé de ne pas y découvrir la personnalité dont tu avais crée précisément l'image.

Pourtant j’ai de la tenue, mon sourire est plaisant, j’ai les yeux qui s’éclairent dès que revient la nuit, et toi tu voudrais voir dans mes yeux le soleil briller avec les autres, tu voudrais m'emmener dans tous les cinémas regarder les chefs-d’oeuvres que la vie n’offre pas, tu voudrais que j’abandonne mon chien pour être à toi, il resterait tout seul comme les vieux chiens qui errent, là-bas dans les ruelles, je ne peux supporter ça, plutôt te plaquer là. Je suis vieux, j’ai cent ans de projets et des rêves...

Que fera-t-on de moi, quand je n’aurai plus le temps de voyager là-bas, vers ces pays mousseux ? quand je ramènerai sous mes bottes de sept lieues tout le vent, le vent que je remue, qui me fait exister et que je fourgue aux gens comme une panacée.

Quand ma cupidité ne me pousse pas à tout vendre, alors que moi, entier, je me donne gratuitement, je donnerai ma chemise pour un jour de brouillard, je donnerai mon enfant pour effacer ton ombre, et gouter sans broncher sur un gros caillou blanc, les mots d’un autre temps, je braderai la fille qui dépeupla son âme pour me couvrir de gloire, un jour, on m’emmènera au marché des esclaves, et je fouetterai le vent, je montrerai à ceux qui voulaient marchander qui est le maître, à présent.

Hormis ça, je ne fais rien. Rien de rien. Les jours passent. Les poèmes se délitent, et je tue quelques heures à écrire des histoires pour oublier l'effroi ; ces histoires de massacres, de partouzes et de fric. Je raconte des histoires fourbues de l'air du temps, des trucs de chiens qui parlent, de trains qui vont partout s'aiguiller sur des plages d'une cité noctambule jusqu'au blanc intouchable, avec vue sur un temple, des histoires, que d'histoires ! Elles n’iront pas plus haut que le son retenu dans cette gorge humaine qui remue son refrain et le chante comme une ronde qui se danse également, guettant la voix de l’aube, la voix désemparée contre le vent du soir, qui ne cesse de souffler : 

“un beau jour, tu verras, un beau jour, j’irai loin”.

     

Photo : Voyageur immobile, modèle III, une rencontre, lunatique, erratique, rêvassant dans la nuit devant la vitrine du printemps en hiver (gris tirant sur le brun, j'admets).

 

  

Lyon Presqu'île : © Frb 2014 remixed 2015.

mercredi, 03 septembre 2014

So future ...

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De 1977 à 2001, le groupe FRIGO a réuni un nombre impressionnant d'archives autant d'évènements sur les arts multiples d'une époque, (vidéo musique, danse, performances, écriture, graphisme, peinture, architecture, et j'en oublie) ; à l'occasion de la numérisation de ces archives (voir le lien dans l'image) les artistes de Frigo, créateurs d'une expérience artistique et humaine absolument exceptionnelle ont rassemblé plus de 300 heures de vidéos, les nombreuses archives de Radio Bellevue, et celles de Faits Divers System, ces travaux ont donné l'idée d'une réunion des différents acteurs de cette aventure artistique, prévue sur quatre dates à Lyon, autant de moments forts à découvrir, de surprises, de rencontres, de soirées festives "nous nous sommes tant aimés et tellement amusés", (encore rien de l'écrire !) au delà des mots, des travaux, des labos, c'est un courant de pensée porté par le désir de faire vivre les créations, et les lieux sans cloisonner les disciplines, depuis le temps qu'on en rêvait, qu'on en causait à la terrasse du Mondrian, (voir encore en lien ci dessous), une mémoire à relier avec la transmission, "So future", l'évènement reste à suivre et à vivre, (quatre fois en quatre lieux) c'est le plus exaltant opus de la rentrée, c'est dehors, c'est lancé ! on en reparle très bientôt.

   

Nota : pour le programme complet il suffit de cliquer dans l'image, vous trouverez toutes les précisions également, en visitant les liens-amis ci-dessous

  

http://www.frigobellevue.net/

http://www.unitvnetwork.org/

https://twitter.com/buro_frigo

http://www.ensba-lyon.fr/danslesmurs/1415/buro/

http://www.lemondrian.com/post/2014/08/26/Notre-CHEF-est-...

 

Flyer: aimablement offert par "Gérard et Gérard", coiffeurs intemporels, fervents initiateurs (salon itinérant ;-)

dimanche, 01 juin 2014

H/ombres (I)

Il faut parler de la création comme traçant son chemin entre des impossibilités... C’est Kafka qui expliquait l’impossibilité pour un écrivain juif de parler allemand, l’impossibilité de parler tchèque, l’impossibilité de ne pas parler. Pierre Perrault retrouve le problème : impossibilité de ne pas parler, de parler anglais, de parler français. La création se fait dans des goulots d’étranglement. Même dans une langue donnée, même en français par exemple, une nouvelle syntaxe est une langue étrangère dans la langue. Si un créateur n’est pas pris à la gorge par un ensemble d’impossibilités, ce n’est pas un créateur.

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Un créateur est quelqu’un qui crée ses propres impossibilités, et qui crée du possible en même temps. Comme Mac Enroe, c’est en se cognant la tête qu’on trouvera. Il faut limer le mur parce que, si l’on n’a pas un ensemble d’impossibilités, on n’aura pas cette ligne de fuite, cette sortie qui constitue la création, cette puissance du faux qui constitue la vérité. Il faut écrire liquide ou gazeux, justement parce que la perception et l’opinion ordinaires sont solides, géométriques. C’est ce que Bergson faisait pour la philosophie, Virginia Woolf ou James pour le roman, Renoir pour le cinéma (et le cinéma expérimental qui est allé très loin dans l’exploration des états de matière). Non pas du tout quitter la terre. Mais devenir d’autant plus terrestre qu’on invente des lois de liquide et de gaz dont la terre dépend.

Le style, alors, a besoin de beaucoup de silence et de travail pour faire un tourbillon sur place, puis s’élance comme une allumette que les enfants suivent dans l’eau du caniveau. Car certainement ce n’est pas en composant des mots, en combinant des phrases, en utilisant des idées qu’un style se fait. Il faut ouvrir les mots, fendre les choses, pour que se dégagent des vecteurs qui sont ceux de la terre. Tout écrivain, tout créateur est une ombre. Comment faire la biographie de Proust ou de Kafka ? Dès qu’on l’écrit, l’ombre est première par rapport au corps. La vérité c’est de la production d’existence. Ce n’est pas dans la tête, c’est quelque chose qui existe. L’écrivain envoie des corps réels. Dans le cas de Pessoa, ce sont des personnages imaginaires, imaginaires pas tellement, parce qu’il leur donne une écriture, une fonction. Mais il ne fait surtout pas, lui, ce que les personnages font. On ne peut pas aller loin dans la littérature avec le système "On a beaucoup vu, voyagé" où l’auteur fait d’abord les choses et relate ensuite. Le narcissisme des auteurs est odieux parce qu’il ne peut pas y avoir de narcissisme d’une ombre. Alors l’interview est finie. Ce qui est grave, ce n’est pas pour quelqu’un de traverser le désert, il en a l’âge et la patience, c’est pour les jeunes écrivains qui naissent dans le désert, parce qu’ils risquent de voir leur entreprise annulée avant même qu’elle ne se fasse. Et pourtant, et pourtant, il est impossible que ne naisse pas la nouvelle race d’écrivains qui sont déjà là pour des travaux et des styles.

GILLES DELEUZE : extr. "Les intercesseurs" in "Pourparlers", éditions de Minuit (1990/2003).

 

Photo : Tout ce qu'on imagine a des chance d'être faux, restent les feuilles volantes, qui ressemblent vues de loin à des jets de cailloux, ou de plumes, (va savoir !) c'est peut-être les deux, peut-être pas grand chose, qui retomberaient très lents sur d'autres vérités nuancées, comme le vent qui tourne, claque des portes ou les ouvre comme les mots cachés à l'intérieur, ou des mots qui se frottent à d’autres, ici, des bris, en apparence...

 

Ciel de Lyon © Frb 2012. Lyon.

samedi, 04 janvier 2014

Le paradis

L'escalier s'enfoncera-t-il toujours plus avant ? Montera-t-il toujours plus haut ? 

ROBERT DESNOS : extr. "Désespoir du soleil", poème issu du recueil "Les ténèbres" (1927) publié in "Corps et biens", éditions Gallimard, 1968.

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Au premier jour, on s'aperçoit que l’escalier de l’observatoire n’est plus aussi solide qu’avant, on montera prudemment chaque marche, on sentira le bois vibrer tout en déséquilibre, on pourra toutefois se tenir droit sur la dernière marche pour contempler les montagnes du Caucase.

 

Photo : Le paradis peut-être, à se dire qu'on pourrait partir de plus haut...

 

Là bas : © Frb 2013

lundi, 28 octobre 2013

Certains rouges...

Quand je n'ai pas de bleu, je mets du rouge.

PABLO PICASSO

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Photos: tapis rouge (parce qu'il n'existe point de feuilles bleues et que le vert c'est périssable), vu au jardin d'Octobre entre le parc de la Tête d'Or (from Lyon) et le clos du marquis en forêt "narbonnaise"= (cf."the beautiful little redbook of latino-charmillon" by Mister J. :) lien hélas, introuvable.

Rouge nature : au feu la peinture ! =  "L'art c'est beau quand "ça brûle"

et ça brûle pour de vrai :

http://www.lexpress.fr/culture/art/elle-brule-un-picasso-...

 

Contradiction :

Sarbyf vs Apollinaire - "Quand j'ai du bleu, je mets du rouge quand même"

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/05/19/mu...

attablés là où on sait ou glanant chez la Mirlitonne = (on ne s'en lasse pas). 

 

Certains rouges, "qui se retournent sur eux mêmes"... preuve par l'image :

 http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/13/ha...

 

La ronde et autres rappels plus ou que moins bariolés...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2013/08/23/co...

et retinton(s)

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2011/01/26/sy...

 

Red October © Frb 2013

vendredi, 20 septembre 2013

Prélude à l'effeuillement

L'air par cet après-midi d'automne était d'une grande douceur et les montagnes au loin se découpaient avec une clarté froide. Malgré tout, je ne pensais guère à elles mais seulement à mes pensées. Tout ce qui avait été me parut plus triste que si tout cela n'avait jamais été.

FERNANDO PESSOA, (voir acolytes) in "L'éducation du stoïcien", éditions Christian Bourgois, 2000.

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Le caillou grossissait en colline comme un être vivant, au delà, la lumière généreuse de Septembre évoquait par instants le soleil de Corinthe. La sûreté toute humaine allait en bercements. J'étais peut-être ici coincée sous les ratures d'un roman à tiroirs, une copie dans l'espace qui pouvait reproduire pour un autre regard, agrément ou désagrément, tout me biffait alors par la force illusoire que je mettais à vouloir me rajouter au monde en ayant l'air d'occuper des vêtements camouflant des pensées opposées à tout ce que j'étais.

Je virais à l'ersatz mais parvenais toutefois à suivre les conversations y répondre poliment et les personnes croisées ce jour là, ont dû s'imaginer que j'existais vraiment. Nous avons échangé quelques banalités, comme les banalités paraissent encore des preuves du temps qu'on passe ici au temps qu'il fait là bas, nous constatons bêtement, qu'il est bon d'exister, présents avec nos chairs, ce rire bête au dehors, un gloussement, à peine, echo de la volaille, et le balancement de couleurs agréables sur des nappes à carreaux rouges et blancs sous ce ciel gris-bleuté, c'était un enchantement.

Quand le jour veut tomber, des mains molles font des gestes puis rien, absolument rien n'en peut demeurer, juste après ce sourire qui n'exprimera jamais autre chose que le contraire d'un air riant, on dirait qu'on s'y croit éternellement vivant, à causer sans manière, près d'un panneau montrant la douzième biennale d'art qui sème un peu partout une images du cochon puis cette tête de garçon - une photo réussie - d'un visage assez tendre portant autour de l'oeil les traces noires d'un violent rififi dans la gueule, c'est si bon, la violence, quelques ruines permanentes, des miroirs grossissants qu'on regarde par dépit de ne pouvoir les fuir. Et si on le pouvait, sans doute on passerait son temps à ne faire que ça:

prendre des raccourcis qui rallongeraient la vie, on s'éviterait parfois de se retrouver happé dans les plans irréels dont on nous persuade qu'ils sont notre présent, à la fin on y croit dur comme fer et ça doit s'intriquer plus ou moins dans les plis ou plus exactement, c'est un passage forcé, on serait les obligés des profusions d'images qui nous compileraient, s'approchant au plus près de nos centres d'intérêt, on s'y adapterait.

Au mieux c'est un reflet, tant de jours on espère qu'il se passe quelque chose en dehors de ce vide qui pourrait nous heurter au nerf des éléments comme surprendre le caillou rouler et s'écraser contre une Tête d'Or cachée dans les marais, et qu'enfin réveillée elle déchire les reflets et les enterre là bas, justement à l'endroit précis, où l'on ne la trouverait pas.

Ca changerait le trajet avec d'autres couleurs, la terre de Sienne brodée des sublimes strobilanthes. Mais ici rien ne bouge, pour le mieux on attend un immense évènement qui convierait les fleuves à devenir torrents, et par le cours du temps on serait ces ballants repris dans les colères on se transformerait, on serait le ruban, courant se purifier dans les éclaboussures.

Au mieux on sera le clampin qui s'en va claudiquant à son bureau de tabac au coin de la rue Say, (tu sais mais tu sais rien), entre deux vides, on serait celui qui fait son plein, un sac dessus l'épaule, à parodier les charmes qui émanent de ce monstre dévorant la parade, suivant d'autres ballants promis au menu sort, dans les joies des achats qui nous tiennent harmonieux comme des produits vitreux dérivés des trésors pour ballants-matamores. Truffes au guet, dos cinglé, dans un léger cafard caché par les formules qui s'autorisent la valse, et des ronds de fumée au milieu de l'azur, on se roulerait dedans, on piétinerait les rousses qui hantent la Tabareau et frottant sur tout le monde sa belle rangée de dents, on serait prêt à l'ouvrir pour dire n'importe quoi, on parlerait du temps:

"demain il fera beau, malgré quelques rafales dûes au violent cyclone venu des Philippines...".

Contre l'abêtissement, qu'est ce qu'on ne vous dirait pas ? Et puis clopin-clopant on se trouverait un banc, on irait lire l'avenir dans les feuilles rosissantes, on les aimerait vraiment, et on regarderait gentiment trembloter leurs ombres moins béantes que nos songes balancés aux torrents, voguant dessus des feuilles, puis dessous bringuebalant et dehors et dedans, et inlassablement...

 

  

Photo: Voyageuse immobile, contemplant un chef d'oeuvre d'ombres chinoises en presqu'île, biennale off d'arbres rares encore verts, d'où prélude...

 

 

Lyon © Frb 2013.

jeudi, 04 avril 2013

Les trous noirs sont irrésolus

Si l'on pouvait se voir dans les yeux des autres, on disparaîtrait sur le champ.

E.M. CIORAN, "De l'inconvénient d'être né", éd. Gallimard, 2013.

 

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Nous sommes dans la guirlande, nos couleurs sont passées, nous regardons tomber la bruine sur les autos. Le petit jour s'épuise. Nous sommes seuls à la fenêtre, autant que des milliers, nous avons vu revenir le vent qui tournait, nous n'avons pu prévenir, il nous aura tournés. Nous étions comme des crêpes.

Les yeux sur un clocher, sous un ciel déchiré nous déchirions de même, nous effaçons doucement chaque lettre, et les lettres de ceux qui nous aimaient, elles brûlent, dans la cheminée avec les bûches en sucre, des mêmes suavités, nos têtes de vieilles vedettes, nous brûlons les passés, les reliques, les dossiers, les livres philosophiques, les revues poétiques, les vinyls, les cassettes, nous brûlons les tableaux, les horoscopes débiles, les bulletins météos de l'année à venir, nous ne savons pas quel goût aura le vin de l'année, billes d'austères, une année de bibine, pas d'ivresse à la crêche. Des kirs à la manille. Après ça nous courons. Après qui ? Après, non.

Après un tel saccage dans les vignes, nous retrouvions des notes de frais sous nos tonnelles et cette langue qui claquait du bruit de la machine, nous ne savions plus pourquoi ils veulent nous orienter, nous n'osions pas freiner, à peine l'anticiper mais à tous, les prothèses règnent du mouvement des glaises qui nous virent déroutés, nous courons à l'étroit, nous courons à l'égard, après qui ?  Après toi ? Nous courons à l'apprêt.

Nous croquons le petit déjeuner en vitesse nous ne pensons à rien, nous jetterons les montres avant l'heure, et nous aurons encore quelques jours de retard, nous éloignerons les noms et les phrases et tout ce qui fût notre, nous le mettrons au loin. Nous courons après le pain, après le beurre après le lait.

Nous visons la jachère, une seconde arrêtée ; nous pourrions croire encore mais rien, croire en rien c'est plus fort, en tout sens moins que rien, à rapprocher la main, ou balancer les pieds, tu m'as vue me jeter sans désir dans le tramway, un penchant pour l'exil, quand cet oeil fit trembler au loin les figurines de notre île homérique à présent oubliée, on oublie, on écrème, ce n'est plus compliqué, et l'oubli nous devine, il n'y a plus qu'à courir, après l'heure, après l'art, pour entrer de plain-pied.

Ces engins créent du signe et du monde vous fabrique mille amis à la seconde, dans ces lits enrobés dans les draps de la fée, le cocher qui dormait parfois sous nos tonnelles, n'y verrait qu'un amas, ça bouge et ça respire, c'est lustré dans la graisse, mille absents recherchant la fraîcheur des parfums élégants d'autrefois, des filles de bonne famille, ces lavandes dans l'armoire, ces ronds de citronnelles, à présent ne diffusent plus qu'un brin de ta fraîcheur corporelle à la sveigne, ta chic en robe trapèze moud les sucres à Mugler, cette fausse exhalaison comme le mot sur ta langue qui rentrait dans tes fesses, légèreté triomphante du malabar Cobra, d'intenables airs de danses des canards sur ton ventre, ta vulgaire tu la vois ? Dans ses jupes transparentes, imiter Dalida en tirant sur son Dim et toi tu ricanais, heureux dans ton marcel, essayant de cacher l'odeur du pourrissement des plus beaux mouvements de notre fin d'été.

La société nouvelle se répandra sur nous. Elle est pire que l'ancienne, nous contenterait d'un mot, le mot de trop qui brade la pépinière d'Alceste. On la tient la parole on tapera dans nos mains, on fera venir monsieur le maire pour couper le cordon qui ouvrira l'accès de ce pressing pour tous, cette laverie dans nos mondes, l'entonnoir sur ta tête et les rois et les reines toquards du rond de la jambe qui nous appellent "z'amis" et qui courent après qui ? Après toi... ? After mi ?  Tu répètes. Répètons.

Le vent à la fenêtre ferait le bruit d'une foule qui se traîne, émouvante, quelques uns nous redressent, ou graissés, ou mouillés, une madeleine dans la crête, la lanterne à la main cherche la base et le sommet qui touchaient la couleur, se vanterait demain de s'en remettre au ciel, quel ciel de traîne-misères, et celui du demain dissimule un trou noir.

C'est d'abord une fine bruine d'un gris tournant en hyène, gris toupie qui s'excite à entrer dans l'hiver juste voir comment ça fait quand toute chose s'accélère, et que l'intensité des couleurs fond sur nous, puis bariolant la chair, l'effacerait et la fête reprendrait pleine d'entrain. A force de s'empiler sur des peaux de chagrin, finirions-nous par voir les choses se rétrécir sans que d'autres n'en sachent rien ? Ils croient nous voir grandir nous pourrions disparaitre, devenir l'énergumène qui tourne en eau de boudin, passant de main en main sur la chair bariolée et dans ton regard terne je vois les lendemains de ta toupie joyeuse qui se fripe comme la terre et fait un bruit de chien écrasé sur mes reins, vite fait, bien fait, je te kiffe, je suis le courant d'air, la fille en Rexona, qui éteint ta lumière et descend ta poubelle, qui trempe des écrevisses dans la sauce mayonnaise rêvant d'aller là bas chez les étoiles de mer, couler comme des plongeurs qui manquaient d'oxygène. Savons-nous qui nous pleure ? Qui nous tape sur le nerf ? Qui nous crie et pourquoi ? Après moi ? Pour la quille ? Qui qu'en veut des toupies ? Dans sa main qui qu'en n'a ?   

Toi tu en voulais une de toupie dans ta main, et tourner comme les autres aller de l'un à l'autre d'une chair à une autre te barioler comme eux, on te l'offrait gratis, à toi qui te taisais on t'aura vu sourire, tu souris dans les coins avec ton oeil guettant l'harmonie des battants de ces portes de western pour glisser entre tous te distinguer : pan ! pan ! tu flingueras comme John Wayne, en héros de la culbute ensuite tu serais rien qu'un gogo du plasma qui dort sans ses lunettes, ou tire sur tout ce qui bouge dans ses rêves, dans mes rêves, mais dans nos rêves, y a quoi ? Pourrais-tu me redire dans quel film tu jouais et quel rôle quand soudain, on trouvait à ta voix un son qui n'était plus exactement le tien ? Tu l'ouvrais ta grande gueule, ils t'appelaient "Attila", t'en pinçais pour "Ginette", c'était pas un nom de fleur, le soir tu la bouclais, et Ginette refermait les volets d'Attila, plus de portes, plus de fenêtres, tu n'avais qu'une réplique il fallait s'en souvenir, tu disais d'un air triste :

"je me tais parce que je suis rien".

Qu'est ce qu'on aurait pu dire ?

Hormis ramasser ça : des graines de cacahuètes sur la terre qui semblaient boucher notre chemin nous belles gens d'autrefois on devenait des modernes, par d'étranges épousailles avec des personnages si grandioses devenus au final héros du quotidien comme les autres comme ces toupies passant de main en main, ces liaisons provisoires dont les promesses étaient comme autant de pétards mouillés, ça faisait "splatch ! platch !" et puis "pof !" ça retombait tout foutu sur le gazon, ces paroles en bouquets s'en allaient sous les grosses mécaniques de la vogue, on mangeait des marrons sans marrons, des gaufres couleurs d'éponges, toupies d'aires provisoires, pour nos liens je pomponne le charmillon truffé, j'ai la tête en corolle et me ridiculise à reprendre la réplique d'un film du Tartignole,

"vous aimez le provisoire ? 

- moi, je suis définitive".

J'anticipe les casseroles, je saccage les mariages la tête entre les mains comme la folle du Rodin elle te regarde fuir avec ton galurin, battre à mort la campagne pilé entre deux gares à la sortie d'une ville dont le nom ne te dit rien, ta grande ligne de vie et de mort dans ma main qui lâche son léopard en string à la montagne et tu cours après qui ? Après plus ? Après moins ?

Passe ton temps, tu regardes, tomber les derniers fruits derrière une vitre molle, la saleté dans ta fiole emberlificotera la belle Isadora, pressant entre tes doigts longs et fins la sanguine, maintenant c'est les grenades d'un sang pourpre ou bleuâtre qui éclaboussent nos marges comme le coucher de soleil, du dernier paysage, on croyait l'habiter, on l'a vu accroché au rayon cartes postales de mon buraliste tchèque, il solde tout à deux balles, il y a quelques années un tel coucher de soleil était inestimable, le Louvre se l'arrachait je le voulais, je le voulais ! lassée de ma toupie il me manquait une maille, quatre vingt dix centimes, le coucher, le soleil, je voulais sur la carte changer le territoire. Le buraliste se barre en Austin au Burger, il me dit :

- prenez donc, c'est gratis, tous ces couchers de soleils y'en a marre, marre marre ! ils se ressemblent tous, c'est vrai, prenez suici ou suila, ou l'autre là, ils me reste dix mille cartes postales pour les dix mille gugusses qui traversent des villes en groupes avec des cars, ça pourra le faire grave et puis pour les gonzesses, qui seront toujours trop connes à danser en tutus devant un coucher de soleil, c'est du sentimental, je vous dis pas, ca cartonne".

Moi, je réponds

"chui pas conne", et l'autre il me claque sa grille:

-"prenez tout, je liquide, je me casse au Sénégal il paraît qu'on s'éclate, les soleils, les couchers, les caniches, et le pont de la guenille et les vues du théâtre, et Gnafron, et Guignol, les qu'nelles prenez tout, même les "bonnes fêtes maman" et les "Joyeux Noël" si ça vous fait plaisir"...  Je lui dit:

oh merci m'sieur, merci, vous être si généreux, il me fait :

- ah non, pas généreux je débarrasse tout mon stock ! je liquide, si je foire le Sénégal j'ai un plan pour dealer de la coke et ptêtre du shit sur la route de Memphis mais après je sais pas, après quoi je peux courir, après vous ? Après rien ?

C'était peut-être le dernier Mohican, le dernier Vendredi, le dernier homme qui passe, la dernière valse triste, la dernière promenade, la dernière inquiétude, la dernière paire de claques, la dernière solitude, le dernier chant du coq, la dernière forfanterie, le dernier merle noir, la dernière roue du paon, le dernier mouvement un peu lent un peu braque. Le dernier cours du temps. Et depuis ils couraient, nous courons. On accourt. Et vous, ça s'arrête quand ?

La dernière guirlande s'affaissait, le monde s'agglutinait, bourrés, fourrés courez, et le soir, nous dansions. Le monde s'agglutinait pourtant nous aurions cru que le monde était absent, le beau monde, le grand monde, vivait dans d'autres mondes, les choses s'organisaient, tout revenait normal, à partir du lundi, mais le samedi nous plombait, il y avait que de la viande saoule accrochée aux bateaux de plaisance, sur la rive défilaient d'énormes rats d'égout, et voilà le dégoût, ça y est, qui recommence, tu vomis ton Baileys Irish Cream dans la petite roseraie, c'est quoi ces gens qui courent ?

Nous avons cru entendre les cris d'une femme là bas, un corps entre les flots, au milieu des bateaux, de ces genres de bourgeoises qui hantent les boîtes de nuit, et le coucher de soleil au milieu des plasma semblait d'une autre planète, non, nous n'aurions jamais dû naître dans ce monde-ci, nous qui ne courons pas. 

Nous étions des fripons portant des martingales sur nos vestes, des chapeaux à plumes de tourterelles, des guêtres de pollen, et des foulards en soie et j'en passe, il en reste un ou deux, des qui sans panoplie sont comme le gars, là-bas, il reste assis tout seul sur son banc médiéval à regarder ses salades, à trier dès l'aurore des paniers de champignons, c'est de saison, les girolles, ça c'est beau, ça rassure qu'il en reste, des comme eux cachés dans les hameaux. Les autres ont la bougeotte, des avions des texto et des fêtes, et des mots des paroles, des paroles avec rien, tu comprends ? Rien partout ni dehors ni dedans, des grandes phrases en lambeaux, comme des pelures d'oignons passant de bouches à oreilles, sur les lits sous des couettes, avec toujours des mots qui servent à pas grand chose et ce vin une piquette, passe moi donc, une lichette et le gobelet en plastique que je me dévisse la tête avec ce tord-boyau, et demain, et demain, nous regarderons la bruine, demain la pluie, pis après-demain, bingo ! on s'offre le Parpaillon, au diable la jachère ! abrégeons, vide ton sac, allez chiche ! on se dit tout, t'as quoi sous ton chapeau ?

Allumettes, brasero, le linge de ton balcon, des miroirs aux alouettes. Aux vaches, les trains d'enfer, aux chiens les gargoulettes, bois ta nuit peu importe ce qu'il en sera demain, tu ramasseras les restes petit à petit, t'en fais pas, demain tu verras clair.

Tout au bout du chemin, il y a ce confetti comme un baume à nos lèvres, nos bouches ont le refrain douloureux des vieux siècles, une chaufferette sur le coeur, quel chemin pour tes fêtes ? Ton futur de rouleau compresseur tu le laisses, quels goudrons, quels silex entre des feux follets ? Tu vois, ces petits éclats nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, c'est de la vraie poésie des feux follets qui sont en tout pareils que deux petites gouttes d'eau, c'est pas couru d'avance, si ça se trouve ça serait ça, l'art moderne ? Ca le sera sûrement demain. Demain, on cassera tout, demain ça va péter, enfin vous verrez bien. On était rassuré. On avait le goût d'en rire, un rire simple et grossier, des amis, des voisins, du schnaps, du gibolin, tout de quoi bien se déglinguer en attendant la fin.

 

 

Nota 1 : Dans l'image, (à cliquer), peut-être un contrepoint, vu d'un autre univers.

Nota 2 : Le titre de ce billet a été inspiré par la lecture de l'ouvrage épatant "Anagrammes renversantes" ou "Le sens caché du monde" de Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow, une merveille vivement recommandée par la maison

Photo : La sortie des usines Lumières en Septembre 2013 vue du banc de la quiétude.

- Vous croyez ?  

- Oui, on croit. Pourquoi on croirait pas ?

  

Only-Lyon © Frb 2013. 

dimanche, 24 février 2013

L'inertie du particulier

Nous ne sommes pas sur cette planète pour quelque chose. Le tout est de passer le temps ce n'est déjà pas très facile. Tous les moyens employés (poésie, action, amours) laissent un drôle de goût dans la bouche. C'est pourtant ce que nous avons de mieux. Il faut donc s'opposer à tout ce qui limite leur utilisation. C'est pourquoi l'action et l'écriture n'ont de valeur que libératrices. C'est pour cela que j'ai dit que le poète doit être un incendiaire et je le maintiens.

Lettre de Guy Debord (1931-1994) à un ami, écrite en 1951 

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Rien d'autre ici qu'un monde érigé en dortoirs, une cité pragmatique qui s'étend se répand à perte de vue, remplace, peu à peu organise les vies des janfriquets, le quartier des jardins ouvriers d'autrefois né des rêves socialistes de Lazare a été lentement balayé, hier, partout, ici, par la moindre fenêtre on contemplait les arbres ils fleurissent au printemps, et plus loin la montagne porte un temple doré, le parc de la tête d'Or caressait ces espaces. Les arbustes ouvriers, petits monts de Cocagne aujourd'hui sont passés sous l'engin de métal. L'agent immobilier, frotte ses grosses paluches sales. On fête sa réussite au restau des étoiles. Des pots de vins sous silence, et des expropriés avec des protocoles de relogement véreux. L'homme accompli exalte et forme des envieux. Quand les lueurs bleutées de mille téléviseurs s'allumeront en même temps vers dix-neuf ou vingt heures, oubliant le brouillard, l'ultime grenade fruitée du malin cacographe sera dégoupillée.

En nous cette immanence fonde la quête et le nerf d'une paix introuvable, oeuvre à l'inexpressif, aussi inexpressif est ce renoncement qui gagne comme l'air morose vient à nos têtes entrées furtivement dans les barres. On vous en dessinait jadis l'abrutissement avec des mots frondeurs et de la profusion, cherchant à en découdre afin de s'archiver, d'inventer d'autres mondes et un autre langage contre tout l'univers devenu cet album d'images publicitaires, ce débit obsolète d'un siècle compassé - et la mort de l'art même à peu près consommée...

Ici, notre corps tangue imperceptiblement entre la peur du sang (un mauvais sang/"rentable") et le balbutiement d'un fleuve large qui cache un psaume hurlant au coeur d'un tourbillon ou peut-être un plongeoir en forme d'échappée

Là-bas, en bord de Rhône, on a vu une silhouette, allongée sur une planche entre les gyrophares. On ignore quels regards s'agglutinent si nombreux vers ce pont, aux croisées d'une brasserie d'opéra et d'une forêt bancale, dans les brumes du soir vont à pas de fourmis nos histoires et nos oraisons. Des nouvelles de cette vie, gisant dans une enveloppe couleur d'aluminium, sont remontés trois mots: "pronostic vital engagé". Trois mots à la surface, dans du papier journal pour évoquer deux mondes, c'est tout ce qu'on en sait.

On aperçoit encore des ombres en habits noirs de ces personnes placides qui affirment avoir eu une drôle d'appréhension en traversant ce pont, juste avant l'accident, et figées comme aux berges, on  avait planté là, des orchis anthropophora qui évoquent l'idéal du petit homme pendu dans des pots de géants.

Ces gens qui étaient là, n'avaient pu faire un geste comme s'il était normal qu'une poignée d'êtres humains qui reviennent comme des ombres d'un soir au cinéma n'osent se mettre en travers d'actes qui les dépassent.

Comme s'il était normal, qu'au nerf d'une paix hantée de baumes et de violence, une minorité faible, un instant lâche le fil.

Comme si cela encore, procédait d'une normalité, où certains sans profil dégagent un jour la place, et que d'autres plus veinards y affinent les chapelets de leurs condoléances qui n'ont pour seule histoire que de s'émouvoir eux-mêmes de n'avoir pu agir conformément à ce que leur inspirait leur conscience, leurs paroles ou leur éducation.

Plus loin, le drame est sourd et presque aux bas étages de la ville sous ce pont qui relie la mairie aux quartiers les plus riches, des hommes ont protégé le sommeil de la ville ; deux gendarmes, des jeunots, et anormalement pâles, nous demandent de ne pas traîner là, les curieux, sur ce pont, une vingtaine de paires d'yeux penchés sur une rambarde, ne sembleraient que faibles, comme cette dame et sa fille qui voulaient témoigner:

- "pour une fois qu'on sortait, qu'on pouvait se distraire, on revenait tranquille, de voir un court-métrage, on passait par ici et de l'autre côté, on a vu l'homme bizarre qui balançait une jambe par dessus la rambarde, nous on a paniqué, on n'avait pas de portable, le temps de traverser... C'est grâce à lui, voyez (elle montre avec son doigt) le jeune homme blond, là bas, avec son scooter bleu, il a tout essayé !".

Le jeune homme, replié, semble vieux et voûté, il a 18 ans, presque. Entouré de la foule qui grossit peu à peu, il est là, tête baissée, face à deux pâles gendarmes qui voudraient bien comprendre et j'entends quelques bribes au jour crépusculaire encore à l'heure d'hiver:

- "j'ai tenté ce que j'ai pu, j'ai rien pu empêcher, j'aime pas l'eau, j'en ai peur, je sais même pas nager..."

le jeune homme est petit, il paraît égaré, il a gardé son casque volumineux, qu'il tient dans ses bras comme on tient une fiancée, il sanglote nerveusement, le gendarme a posé une main sur son épaule il tapote, c'est un frère, un vrai gardien de la paix, en trois mots répétés, il apaise, il console:

- "ça va aller, ça va aller..."

L'autre gendarme, a repris des couleurs, rôdé aux pires épreuves il garde le sang froid de la horde.

Voix du consolateur au jeune homme:

- "vous avez essayé, vous n'avez rien pu faire... Qu'est ce que vous pouviez faire ? C'est la vie, c'est comme ça". 

"C'est la vie", c'est jeté ! d'un désarroi réel, urbain très ordinaire, d'autres y voient une scène rare, comme dans un long-métrage qu'on ne tournera jamais, dressent le plan plus spécial, d'un pseudo reportage, en direct, comme on tweet en deux phrases une histoire formidable à la gloire éphémère d'un scoop émotionnel le buzz est à portée et l'instant à choper béni par l'Instagram des photos-choc-express grâce au zoom, et contents, ils kiffent grave l'accident.

A l'autre bout du monde, les petites scènes saisies juste après les sirènes rapidement se propagent et pour le récepteur se transforment en spectacle, sans aucune conséquence. Fort délicieux instant, d'un côté le frisson et de l'autre l'extase. 

Je reprends mon vélo quelques minutes vacantes, où deux adolescentes fardées comme Beyoncé, ont osé un selfie sur fond de deux gendarmes, entourant un jeune homme en plein effondrement.

C'est le monde tel qu'il est, vide sur nous, vide encore sa fabrique de cynisme qui devient coutumier d'autant plus coutumier qu'il rit des incidences ; autre mauvais plongeon d'une usine à divertissements qui ronge le paysage pour n'en faire qu'un décornos bouches creusent le vent. Mais grâce à l'éloquence, grâce aux lol et aux smiles, on prendra des notes vagues sur cet homme ivre mort qui roulait dans sa cuite sur le pont aboulant quelques phrases en désordre menées par le vin fou versifiant son palais, feu follet en zig-zag du fantôme égaré au royaume de la mort, il semblait dans sa crasse pourtant moins perdu que nous et nos étreintes (vite !), nos entrains (versatiles), les petits états d'âmes nous recueilleront pétris des meilleurs sentiments, outragés à toute heure, puis oublieux souvent, plus ou moins esseulés sur fond de ces fringales qui ne peuvent s'assouvir. Quelques non-connectés sont sur le bas-côté, les autres s'en balancent.

On se disait peut-être que ce monde sournoisement s'infiltrait en nos sens, comme si nous devenions les mauvais comédiens d'un décor saturé, cinglé d'hommes chancelants, face à nous, il y a les mêmes, des créatures béantes qui se meurent, ou se battent / on s'émeut, on s'en fout / d'autres suréquipées prêtes à juger de tout ou rien, n'importe quoi, observent au dégommeur des gueux sur une place.

Les images des "people" en couverture d'un mag' s'exhibent sur des lueurs, dont celles du soir effacent la vue de l'accident brodant pour un violon et une valse du bon temps photoshopé glamour, pure merveille droite et fière, tandis que l'antidate à mon calendrier vous ferait un jour croire aux pouvoirs prodigieux de mon marc de café

Déjà l'oubli nous vient, sans un mot pour les actes et les êtres qui nous fondent, telles, sous ce gris souris, toutes les affaires reprennent ; pendant qu'on nous amuse, des petits hommes s'évadent sur un chant de sirène. Les berges à nouveau propres, et la fête continue.

Le lendemain, sans un pli, le travail sa valeur et son bleu reblanchi prenaient sous les chaufferies l'air des feux immortels, rien d'anormal alors que le soleil du soir soit devenu si noir.

Voici venus les chants des soldeurs de l'espace où la chauffe des cerveaux qui ciblent le petit d'homme le heurtent contre la page d'une ultime pluie d'hiver, voilà les vieux glaneurs entrés dans la corbeille qui se cherchent un bosquet et deux balles pour bouffer, voilà les caravanes des petits morts en flaques passant silencieusement sous les plinthes des cabanes frappées d'alignement où mon carnet poreux éponge la forme des mots en coulée d'encre et d'eau, la phrase s'y effaçant à mesure qu'elle décrit l'évènement par un lent processus de désintégration, quand la conscience de soi ne peut plus être fidèle aux paroles ou promesses librement énoncées, les caractères liquides forment un voeu liquidé, retournant au fleuve noir, tel on lance une bouteille qui ne trouvera jamais de terre où s'échouer, au lieu prédestiné à dire des fluidités, (le "carnet cependant, s'appelle Clairefontaine").

Une pluie de confettis pour nos jours abolis et nos soirées sans fête. On pourrait presque émettre une de ces bonnes pensées en l'honneur de ceux qui griffonnent traçant leur vie sur des lots de carnets, par exemple on dirait: "n'est pas diariste, qui veut". Ca ferait son petit effet, comme un texte vaseux de l'être qui soupèse sa supériorité, poète sage comme un prêtre portant dans ses attraits tout le silence des autres, pygmalion de papier au défi de sauver ceux qui sans volonté rasent un peu les affiches (autant que l'entourage) sous les éclats louables du printemps des poètes ; des traits biffant le mot qui n'est jamais venu, recueillent dans le limon la vie majestueuse, autant que sous le ciel on passera à travers les notes vite esquissées sur les chiens écrasés d'une ville à la page.

Le printemps des poètes, ne m'a pas traversée, il a plu ces jours-ci, une pluie de poème lâche, ça trempe et me suffit. Une de ces pluies corsée transformant le carnet en ménagerie spongieuse, de pleins et de déliés remuant dans la flaque, un verbe submergé. De l'écrit ne subsiste qu'un fourmillement discret un peu d'humidité en glissement vers l'informe d'insectes cuirassés et de bombyx mornes voltigeant sur des larves, un gros scarabée luit de gris-métal noirci dilué dans l'eau froide rend au gris le plus juste aperçu de cet état de perte de la valeur intense, une lâcheté pour soi-même jusqu'à l'inexprimable et la révolte lourde dans son pas de muet étouffé tel symbole des sauceries de la quête et du verbe coulé.

Sur ce pont j'ai pensé pour ramener un texte plus ou moins lisible (tant bien que mal), recourir au copier-coller, mettre un semblant de jeu sur ces paquets d'impasses, et le gai désespoir à présent compressé, je deviens ce buvard dont les signes compliqués, donnent une chose simple à voir.

Comme les fleuves nous mélangent, ils engendrent en leurs flux deux mondes inconciliables juste après l'accident du côté des bateaux, on voit des messieurs dames qui goûtent le vin du soir servi avec suprêmes d'écrevisses au Champagne, juste après l'accident d'autres vont danser enfin, jusqu'au bout de la nuit au dessus des cadavres puis s'extasient dès l'aube à la vue des reflets d'un Sofitel qui brasse une seconde les lueurs d'une berge à la mode propre et douce, assez gaie.

 

 

Photo: Le monde à ma fenêtre, 5 ou 6 ans après, (sans bouger de mon fauteuil, ni du votre), remplace les ateliers des artistes (trop glodytes), et les jardins prolos au bazar de poireaux, pommes de terre et lilas (trop modestes !).

 

Vidure. Work in progress. © Frb 2013

vendredi, 01 février 2013

Avalanche

Et je m'en vais à Panama pour vivre en sauvage. Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. J'emporte mes couleurs et mes pinceaux et je me retremperai loin de tous les hommes. 

PAUL GAUGUIN

 

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Il n'a rien entendu de particulier, il s'est contenté de regarder. Il est sur la ligne de départ. Autour de lui le bruit gagne. C'est le seul argument qui retient l'attention, et semblable aux mouvements précédant un parcours, lassé de parcourir, il voit le paysage réduire les perspectives, quelques mots devraient suivre, qu'il tait. Il ne suit pas.

Ce thème est un motif qui vaut un peu la peine de décrire ce qu'il reste, ce qui va disparaître. Il choisit la plus sotte expression parmi des milliers d'expressions possibles, un confort creusé en ce trou, un nombril aspirant, tiède encore, les plaies brûlantes de l'homme, ou les battements d'un coeur humain pas plus qu'un aspirant de rien allant à l'interligne dans l'épaisseur du bruit glorieux de ses échos.

Il y a le temps qui vient, dresse une chape et ça couve sous son poids de chair vive, ça donnera une valeur factice à la surface, quand une porte bat aux vents, quand l'éclat de ces feux attractifs rend l'univers massif, il referme sa fenêtre, il n'aura bientôt plus à se battre pour les siens.

Il a rayé son nom, il a songé aux possibilités d'anéantir enfin sa faculté d'écrire, pour s'en remettre à ce silence d'une cathédrale ou d'une bibliothèque. Oserait-il au moins peindre ? Des Carceri à la mine de plomb, le prix de ses efforts, et puis des fleurs encore, quelques lettres de l'île puis la disparition d'une marge qui portait la couleur dans une ligne de fuite. C'est peut-être un ersatz ou c'est le labyrinthe d'un lieu qui nous décime, milles convives aux fenêtres entre eux autant de vitres, là, de grandes mosaïques comme à Constantinople. 

Il fouille dans cette matière, quand revient la jachère, il y voit un soleil privé de ses ombrages, l'espace habituel où chacun arbitré dans le langage d'un autre réfute l'obscurité porte une perspective de puits et de falaises sur une place noire de monde.

Un mot encore si près à le couvrir de honte, y affûtera son verbe et l'éloquence qui vit toujours en légéreté, impérieusement tenue portera à nos lèvres l'unique grande vérité, la tienne et celle des autres, dans ce fût, sur l'étage du Beaujolais nouveau, la langue et sa piquette, t'as vu ces grands tonneaux à présent tu t'étonnes qu'ils se déversent copiant le bruit du pacifique, épanchant une série de vagues bien tempérées et délayant le corps qui se tait, le défait, comme se défait le verbe.

Il ne peut rien en dire, nous capturons de force ce point d'inanité, c'est à peine une cible qui nous veut repliés dans cette obscurité, elle va nous réfléchir, nous briser, l'emporter, qu'en sait-on ? Qui pourrait nous instruire ?

Nous serions tels que lui, des modèles d'écorchés, barrés de croix, de traits, des figures portant peine à la brutalité où la mort du désir peut encore l'emporter, ne tiendrait qu'un espace lentement annexé ; l'innocence consommée, il faudrait retrouver un mot à prononcer pour cet homme qui ne qui ne sait plus parler.

Un pas de plus, il souhaite couronner son effort, dépasser les obstacles pour bâtir un royaume au flottement discret, des airs de flammes muettes courant sur nos jouets qu'une vague achemine dans le ravissement où l'ignorance nous tient à tout heure disponibles, un bon rire à demeure tel qu'il fût toujours prêt, générant une série d'accidents, de minuscules enclaves où le mot est jeté où le désenchantement se reproduit à l'identique, tandis qu'il essaye de jouer pour simplement jouer.

Un pas de moins, les marchands de plaisirs passeront sur sa peau un baume rafraîchissant, il reluit à nouveau il est comme liquidé mais il reluit pourtant. On peut le suivre ou l'oublier se faire lentement rattraper ou souffler ce pion solitaire, mais cela n'a pas plus d'importance que ce qui est secret et devra forcément nous taire.

Il payera. Il payera en retour du désir affamé de s'affamer encore, quand l'oeil fou qui dévore des vies à la seconde aura mis des cailloux dans cette immense bouche, la sienne voudra se clore, saborder ce qui porte en dedans, ne trouvera aucun mot pour extraire une manière de recommencements à cette fin qui résiste à comprendre.

On connaît le passeur obligé de se rendre. C'est partout le même quai, alignant une suite de croix et de carrés. Partout c'est un poème qui recomptera ses pieds, ça forme sous le soleil quelques cristaux de glace et des ronds de fumée quand la lumière prend l'ombre ou peut-être autre chose, la marche se soustrait, l'homme fume une cigarette et nous voit sidérés que le vocabulaire n'ait jamais su faire mieux que nous aider à exprimer cette sensation profonde de n'avoir rien à dire.

Ca fait longtemps qu'il sait. Il mâchera les cailloux, et sentira la terre lui porter des pelletées, un semblant de jachère devenue cette palette de noirs et de blancs contenant un ensemble de couleurs ou l'absence de couleur. Il goûtera la nuance, afin de se mouvoir d'un espace à un autre sans tirer aucun trait, aucun plan, aucune des conséquences. Il est dans les reflets ou l'absence de reflet comme à ces premiers jours, naissant un peu trop tard, il a pris de l'avance, il se pelotonnait contre un arbre et goûtait au silence sous un ciel moutonné masquant les voix violentes, des ébats festifs d'où revenait puissante, une foule assurée.

Il n'y a plus à douter, pour traverser les lignes, sortir de cette violence, on se dit que parfois il faudrait marcher seul, quand la mécanique sourde continue à cibler, à broyer, elle n'aura pas de phrase pour dépouiller le geste qui recouvre le ciel d'un champ de tournesols. Il n'aura pas besoin de ces flux de paroles pour aimer ces baigneuses divines indolentes ou saisir le silence d'un dernier grand concert dans la fine transparence, les nombreux coups de couteau donnés à la matière, sont peut-être identiques, à ceux que l'on nous donne.

Un mot ne tiendrait pas à capturer cet homme, ou demander pourquoi ces entailles n'ont pas entaillé le visage des nombreux regardeurs ? La question le déplace. Il est là, et il fume du tabac parfumé. Son geste le retient, entre une drôle de clarté et le flou inhérent à la nécessité de se tenir toujours plus près du précipice. De n'en rien ignorer, à présent, il savoure plutôt garder ce vide bien en main, que de craindre l'effroi qui le rendra muet, avec cette habitude de ne parler qu'à soi, d'en ressentir l'outrage sans pouvoir accepter que nous serions tenus de battre ce pavé, nous livrer, nous lustrer, cumuler les effets, de quoi bien tapiner.

Il redoute le courant réducteur, et le malentendu qui placera son coeur d'homme entre le singe et la savane, il comptera sur les doigts d'une seule main ceux qui ont pu survivre à cela sans se fossiliser, sans se faire braconner, ceux qui ont pu créer encore, pour changer la vie quelquepart, pas seulement l'énoncer, non seulement l'énoncer, mais l'appliquer sur soi,  pas gagné ! ce qu'il reste de cobayes ne serait pas si doué à satisfaire ces files qui se massent aux musées, des foules reconnaissantes, l'artiste mort estimable, une somme de vies ratées pour battre des attraits, mourir dans les images.

Longtemps, longtemps plus tard, il trouvera quelques pièces détachées, elles nous tiennent à portée sur un filet de bave, un cri vaste oublié, le prenait corps et âme, et pouvait nous relier par une sorte de chant du monde inépuisable, mais encore trop lointain. Il a vu ce matin, Panama sous la neige, et sa jeune vahinée venue emmitouflée le plongera à nouveau dans l'extase.

 

De la neige et une bestiole inoffensive pour adoucir la dernière ligne droite de l'an 2014.merci à ceux qui ont suivi ce blog, malgré un temps d'arrêt involontaire, une panne d'ordi, et la vie (la vraie) s'y mettant en travers j'ai dû m'astreindre à des obligations laissant la panne courir en cette années si peu clémente qui m'a contrainte à imposer au blog une sorte de latence, le courrier est en rade, depuis pas mal de temps avec un sérieux bug et un bazar en dedans encore compliqué à résoudre  Mes excuses à ceux qui ont écrit, des mails dont certains  datant de cette été ne me sont parvenus que récemment, des courriers sont perdus, pour l'instant, introuvables, ici une zone de flou d'autres les courriers rescapés restent en rade la possibilités d'acheminer correctement les réponses restant aléatoire, je m'abstiens pour l'instant, à suivre, donc, pour l'instant je dédie au Noêl et à la Noêlle et aux autres, s'ils s'y trouvent

 

Echappée belle : à lire et regarder, le livre de Gauguin, "Noa Noa"  paru aux éditions J.J. Pauvert en 1988.

 

Photo : Taboga en hiver, ou le départ de l'élandin.

 

Là bas © Frb 2013.

mercredi, 14 novembre 2012

Je suis un artiste

"Je ne suis pas un papillon je suis Frédéric, je ne suis pas une machine à répéter je ne suis pas un animal je suis un humain je ne suis pas analphabète je suis un arbre je ne suis pas une fille je suis un garçon je ne suis pas un objet [...] voici mon bureau où je mets aussi quelques cadres et des posters de chevaux [...] j'ai aussi un enregistreur j'ai un ordinateur avec sa caméra et des personnes qui peuvent voir dans l'ordinateur [...] et j'ai même dans ma chambre un grand piano et ça fait du bien de chanter avec le piano [...] voici mon grand jardin avec une serre où je fais tout des légumes variés [...] j'ai toujours des jambes longues je suis grand je suis fort j'essaie de trouver la vérité et d'être le plus beau du monde"

FREDERIC:  extraits choisis "Je suis Frédéric", une pièce sonore réalisée par Damien Magnette mixée par Christophe Rault,  produite par l'ACSR (atelier de création sonore radiophonique- Bruxelles).

 

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"j’aime écouter ma voix".


Voilà Frédéric. Mentalement déficient qui aime les sons follement, qui décrit sa vie quotidienne à Damien Magnette. Il s’enregistre depuis des années, collectionne les sons, chuchote ou crie dans le micro. Il nous fait visiter son monde : sa maison, son atelier de jardinage, ses goûts, ses pensées. On déambule avec lui dans un univers baroque de bric et de broc. Frédéric est "mentalement déficient". Peu importe, son énergie emporte tout. Il dit « je » mille fois. Un "je" servi par une parfaite réalisation de guingois.

(source de partage sonore : SILENCE RADIO)


"Je suis Frédéric"

 

Pour tenter d'en présenter un peu l'essentiel. Cette pièce sonore est une des plus fulgurantes entendue depuis bien longtemps, elle a été relayée par nombre de médias qui l'ont unanimement encensée, elle a remporté de nombreux prix notamment en 2011 un second prix de création radiophonique au festival longueur d'ondes. Le Festival "bobines rebelles" a eu l'excellente idée de programmer cette composition, le week end du 24 et 25 Novembre 2012, (à venir sur notre calendrier récalcitrant, et sans doute advenu déjà) mais comme nous n'avons pas tous l'opportunité de partir un week end pour un festival en Seine St Denis, je vous propose d'entrer dans la maison de Frédéric, qui est bien sûr un monde. Damien Magnette a composé, décomposé, recomposé la réalité du quotidien de Frédéric pour nous inviter en terre angélique  le metteur en ondes a dû brouiller, comme nous l'aimerons toujours, la fiction et la réalité. Entre des faits anecdotiques, un singulier parcours, surgissent implicitement des abîmes et les questions universelles, les plus claires de la vie humaine, comme les phrases que nous n'osons plus prononcer quand nous parlons à la première personne, histoire de "dire" "communiquer" s'il est possible, d'exprimer qui nous sommes.

 

"Je suis".

 

Ici, l'immersion est brutale mais d'une immense délicatesse qui évoque et réveille ces attachements au tout venant - de très simple à baroque. Le courant passe par les les oreilles jusque dans l'épiderme, il est électrique, devient partageable et c'est terriblement, que Frédéric "nous" jardinera, mine de rien avec sa voix humaine, ses dessins son piano... Ca deviendra un sortilège.

Cette création est un fondamental à écouter absolument, 38mn 34 de visite guidée par Frédéric, un énoncé très simple en apparence...

Merci encore à l'excellent site : "Silence Radio" de nous permettre de diffuser partager et faire tourner peut-être... Peu de chance d'en sortir indemne.

 

 

"Je suis un dessin [...]

je suis Frédéric Deschamps

mais je ne suis pas méchant"





 


 

Nota :   Quelques lecteurs m'ont signalé que leur navigateur ne permettait pas l'écoute via le player de "Silence radio", si vous rencontrez ce problème vous pouvez écouter la pièce de Damien Magnette en cliquant sur le lien ci-dessous:

 

http://www.silenceradio.org/dbfiles/file_171_high_je_suis...

 

Photo : "Je suis une fenêtre"...


Sources documentaires et sonores : Silence radio- ACSR- France Culture /

 

 Le manoir © Frb2012.

vendredi, 14 septembre 2012

La naissance du modèle (II)

Je lui disais "regarde comme on peut bien marcher sur deux jambes. N'est ce pas merveilleux ?"
Un équilibre parfait. Je déplaçais le poids de mon corps d'un pied sur l'autre, faisant brusquement demi-tour sans perdre l'équilibre. C'est quand même quelque chose d'extraordinaire.

GIACOMETTI parlant à son modèle, extr. du livre de Anne MORTAL "Le chemin de personne - Yves Bonnefoy Julien Gracq ", éditions l'Harmattan, 2000.

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Il marchera dix heures par jour pour parcourir une moyenne quotidienne de 35 km entre sa cabane et son île, il rêvera de partir en sandales sur les chemins de Compostelle.

Il marchera sur un manège par des tapis roulants à travers des clôtures incassables, il n'aura pour ami qu'un tricycle à bagages, une trousse de premiers soins, une tente, peut-être un sac, il achètera tout à la boutique du "campeur" de la rue des écoles.

 

Lien  : http://youtu.be/F72jPxRCR7c

Nota : Augurant le thème de la marche et des forces motrices dont aucune n'est à suivre, strictement, (quoique)... parmi des propositions multiples et les vagues à venir, vous trouverez un fragment des dérives du modèle en cliquant dans l'image.

 

Photo : La naissance du modèle sur les chemins de la vie, (pas encore buissonniers), pas encore Homme qui marche, filliforme et précaire, dépouillé de ses accessoires, tel que l'avait imaginé Giacometti, occupé à le faire, le défaire en multiples versions jamais achevées selon l'artiste, foulant l'équilibre de l'homme et de son vide. Le modèle 2012 aura coûté moins cher, (détail mesquin, le cartable coûte un bras, car aujourd'hui hélas, on ne peut plus naître sans rien), le modèle 2012 trace humblement son rêve en habits de gala, il chemine pas à pas, patience ! laissons-le naître... Photographié loin des écoles entre deux rives, sur la Presqu'île exactement.

 

Lyon. © Frb 2012.

samedi, 26 mai 2012

Chut... !

Les bruits associés au jour sont toujours interdits la nuit, les femmes par exemple, ne moudront pas le grain après le crépuscule [...] 

MARY DOUGLAS : "The Lele of Kasaï" in "African Worlds : Studies in the cosmological Ideas and Social Values of African Peoples", London 1963.

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Dans son livre remarquable, "Le paysage sonore" R. Murray Schafer a longuement expliqué que l'intérêt véritable d'une législation contre le bruit ne résidait pas dans son degré d'efficacité, depuis le Déluge a -t-elle jamais porté ses fruit ?"  S'interroge-il... Même si nous savons, en revanche, que cette législation permettait d'établir des comparaisons entre les phobies sonores des diverses époques et sociétés. Les sons proscrits ont toujours eu une puissante résonance symbolique. Les peuples primitifs, par exemple, conservaient précieusement leurs sons tabous et Sir James FRAZER dans  son ouvrage monumental intitulé "Le Rameau d'Or" (1890-1915), consacre un chapitre entier, à ce sujet. Il raconte qu'il existe des tribus où la terreur empêche de prononcer le nom de certains peuples, le noms des ennemis  ou ceux d'ancêtres défunts. Ailleurs, prononcer son propre nom comporterait le danger de priver un individu de ses forces vitales. Proférer ce son, le plus personnel, soit-il, serait comme tendre la nuque à l'exécuteur...

Sur le plan des pratiques anti-bruit, plus curieux sont les rituels de certaines tribus qui réservent par crainte de la colère divine, la production de certains sons à des périodes temporelles précises (cf. plus haut, le texte de Mary DOUGLAS ici, la suite) :

Les bruits du travail semblent créer des relations dangereuses entre le village et la forêt. Les jours ordinaires, les esprits dorment au plus profond des bois et ne seront pas dérangés, mais les jours de repos ils sortent et approchent parfois du village. ils seraient furieux d'entendre des coups frappés dans la forêt ou des martellements dans le village.

L'habitude chrétienne d'observer le silence pendant le Sabbat ne doit pas être étrangère à cette origine. Traditionnellement, les sons tabous, prononcés de façon sacrilège, sont toujours suivis de mort et de destruction, cela est vrai du mot hébreu Yahvé. En France, les textes liturgiques n’utilisent pas la vocalisation Yavhé, mais elle apparaît dans les traductions de la Bible - qui ne sont pas normatives pour la liturgie - ou des chants. D'après une argumentation scripturaire, le document affirme : 

"L’omission de la prononciation du tétragramme du nom de Dieu de la part de l’Eglise a donc sa raison d’être. En plus d’un motif d’ordre purement philologique, il y a aussi celui de demeurer fidèle à la tradition ecclésiale, puisque le tétragramme sacré n’a jamais été prononcé dans le contexte chrétien, ni traduit dans aucune des langues dans lesquelles on a traduit la Bible."

Les chrétiens revendiquent la possession de plus de vingt quatre mille prétendus "originaux" de leurs Saintes Ecritures en version grecque, et pas un seul parchemin ne fait mention de Jéhovah.

Idem pour le chinois Huang Cheng (cloche jaune) si ce terme se trouve proféré par un ennemi  il peut (dit-on) causer l'effondrement de l'Empire ou de l'Etat. Les Arabes avaient beaucoup de mots pour Allah qui possédaient les mêmes redoutables pouvoirs, (ils se prononcent dans un souffle) : Al-Kabid, Al Muthill- Al Mumit, et quatre vingt dix-neuf autres encore.

Ensuite il y a bien sûr d'autres mots tabous dont la prononciation semble sacrilège comme dans certaines manies plus ou moins graves ou autres  névroses obsessionnelles, par exemple une personne ne pourra pas prononcer ou entendre le mot "Maladie", persuadée que le simple fait de sortir le mot de sa bouche serait un risque d'attraper cette maladie, ou de la transmettre, cela plus subjectif...

On pourrait se demander quels sont les sons tabous unanimement reconnus, et inspirant la crainte dans notre monde contemporain. La réponse n'est pas si évidente. R. Murray Schafer mentionne la sirène de la défense civile, que toutes les cités modernes connaissent bien, mise en réserve pour le jour fatal, où son cri unique sera suivi par le désastre. Il y en existe sans doute d'autres, même si nos rituels avec Dieu ou les divinités sont un peu plus discrets que ceux de nos lointains ancêtres ou tribus des forêts, il est certain qu'un lien profond unit, lutte, contre le bruit et son tabou, car dès l'instant où un son figure sur la liste des proscrits, il lui est fait l'ultime honneur d'une toute puissance. C'est la raison pour laquelle les plus nombreuses et plus mesquines interdictions de la communauté resteront à jamais inefficaces.

Enfin, pour conclure un de ces nombreux chapitres sur le paysage sonore, nous suivrons R. Murray Schafer dans son cheminement, pour affirmer avec lui que le pouvoir absolu, est le silence. Comme le pouvoir des Dieux est d'être invisible. Vrai encore que le mot "Silence" est d'une incroyable douceur à prononcer et semble une source à entendre d'un genre d'allitération proche glissant sans heurt, clairement mise en espace, comme le fût, le plus implacable "Silenzio" de JL Godard hurlé au mégaphone, dans le film "Le Mépris" suivant la logique, du "Camera" et "Motore", rythmant la réalisation du film, le mot "Silenzio" non seulement referme le film mais rend les acteurs à la vie, laissant le spectateur seul en plein ciel devant le visage d'une statue, porté par la musique de G. Delerue."Silenzio" n'est pas le silence, c'est la fin du mépris. Le silence. Ce n'est que par lui et pour le trouver que peut se clore toute réflexion sur les sons dignes de ce nom.

 

 

Sources bibliographiques :

R. MURRAY SCHAFER in "Le paysage Sonore" éditions JC Lattès, 1979,

Sir James FRAZER in "Le Rameau d'Or" (Manuel d'étude des croyances et civilisations antiques en 12 volumes), édition abrégée, P. Geuthner, 1923.

Photo : Variation pour une oreille et son silence, un léger flou artistique émanant d'une vraie sculpture posant pour Paul sur le plateau de la Croix-Rousse à Lyon entre le Grand Boulevard et la place Tabareau, pas loin de la rue Denfer, (Rochereau). Cette mystérieuse oreille monophonique privée de corps installée sur une place minuscule intrigue énormément ceux qui la croisent. Je ne connais toujours pas le nom de l'artiste (nous cherchons) qui a crée cette oeuvre emblématique, que personnellement j'aime beaucoup puisque le son m'importe plus que l'écriture et l'écoute me parait plus intéressante que la parole, je sais juste que l'oeuvre a été portée près de ma rue le jour où j'envisageais à la fois d'emménager dans ce quartier et de me remettre à la musique, détail personnel de peu d'intérêt, quoique le mot "Oreille" n'est pas sacrilège au regard d'une fascination plus vaste pour tout ce qu'elle garde au secret. Cette incongruité urbaine invite à plus d'un titre car je rêve souvent à cette oreille (de marbre ? Non.) écoutant patiemment les murmures des passants et gardant précieusement les bruits de la rue dans sa pierre, elle n'en dira rien à personne, jamais, c'est assez consolant, pourtant il me semble qu'en jouant de cette oreille  comme d'un instrument elle pourrait sonner divinement et peut être nous rendre les murmures de la ville. Oreille muette comme une tombe, prenons de la graine au contact de cette silencieuse qui nous happe par sa discréte présence et l'entière confiance qu'elle inspire...

Remerciements à Paul pour la photo et pour m'avoir prêté son "Rameau d'Or" ce n'est pas une métaphore, rien que de la culture et si c'était une métaphore, je n'en soufflerai mot car je ne doute pas que l'autocensure m'interdirait d'écrire ici ces mots qui ne vont pas dans la bouche d'une fille élevée chez nos droites religieuses. Ces dames avaient, si mes souvenirs sont bons inscrit au tableau une liste noire d'une vingtaine de mots à ne pas prononcer au sein de l'institution même pendant la récré, la gresso vecha de Soeur Marie-Claude, punissant de six heures de colle (sciences physiques, al spoela!) accompagnées d'un vigoureux tirage d'oreille, tout élève qui aurait proféré les mots tels : patuni, dreme, noc, ulc, cireh, troufe, beti, bredol, etc etc... Mais, fermons ce moulin à paroles ! Nos oreilles sont de Lyon pas de Loué, nom de diou nom de non !

©Paul-frasby 2012

dimanche, 04 décembre 2011

Porté par la chose faite

Comment saturer ce qui est déjà saturé ?

danger.pngComment répondre ? Il y aurait soit trop à dire, (on aurait l'air embarrassé), ou rien, pas grand chose mais il se peut que ce "pas grand chose" prenne les dimensions de la montagne la plus inaccessible.

Il se peut, à l'exemple de Bram Van Velde, qu'il y ait une discipline assez serrée qui oeuvre par nécessité dans l'obsession de dépasser les limites de chaque ouvrage afin d'accéder à une forme de discernement, (un poète dirait illumination) qui s'atteint peut être, ou jamais, par des chemins simples ou sophistiqués, ces lieux communs, je vous les livre assez banals, ce sera encore exprès, tels que souvent on les entend un peu partout, on les surprend, pour signifier qu'il faut sans doute se noyer, se cogner longtemps (au delà, ça deviendrait informulable) et ne rien céder aux injonctions plus raisonnables qui rendraient à la vie sa tranquillité et glisserait la pensée dans un confort, mais cela c'est sur le papier qui n'est pas qu'en papier évidemment...

A la volée, dans un bazar urbain, (en vrai, au figuré) au milieu d'une file d'attente assez endurante, je tombe sur un journal qui reproduit un tableau de Bram Van Velde. Ce tableau me relie à un autre ouvrage remarquable, que l'on vient de me prêter, un texte publié chez Fata Morgana en 1978 réédité chez POL : une rencontre de Charles Juliet avec Bram Van Velde où l'écrivain demandait au peintre

- Pourquoi  peignez vous ?

La réponse dût tomber aussi claire pour le peintre qu'elle fût troublante pour l'écrivain

- Je peins pour tuer le mot.

C'était la même raison qui nous avait poussés à choisir la musique, d'un support à l'autre, me revient une autre phrase, un passage fulgurant où Bram Van Velde réfutant un pilier d'une philosophie enracinée se faisait affreusement lumineux, c'est par l'oxymore volontaire que je bouclerai la boucle tout en laissant la boucle ouverte, sans rien résoudre, ni espérer, ni enfermer après quoi toute messe ne pourra se dire, exactement comme on avait prévu de s'en persuader. Je cite :

 

Je pense donc je suis de Descartes est de la foutaise. Il faut dire  : Je pense donc je m'écroule.

 

Bram Van Velde entretien avec Charles Juliet 1979 by editions POL. Ecouter : un instant fulgurant, rarissime, une voix en état de grâce...


 

Text : by frasby, thème, livres et documents sonores proposés par Paul.

Remerciements : à "Raidi pour", présent, disponible, qui discrètement participe, déploie nos pistes de lectures et autres tentatives, insufflant aux thèmes choisis ici, (ou là bas), un mouvement, qui ne pourrait se contenter de débats et de livres.

Photo : Haute tension, début de décollage. Le danger inévitable ? Le danger en voie d'anéantissement ? A chacun sa lecture. 

© P./ frb/ Rp  2011.

mercredi, 31 août 2011

Premier volet de l'exposition

 Art-volet ou volet volé ? Encore une oeuvre qui ne sera pas comprise ...

premier volet de l'expo.JPG"Art signifiant, signifié du mouvement flêché dans l'oeuvre non-signée, du volet blanc de l'exposition fondue au noir repassant au blanc de l'oeuvre volée, le spectateur enfin confondu par la pertinence du sujet retrouve la place qui ne lui fût jamais accordée. Celle du regardeur survolé. Cela faisait bien longtemps qu'on n'avait pas abordé une oeuvre aussi  riche de sens, du nouveau pour les yeux et l'esprit. Un chef d'oeuvre stupéfiant retournant le détournement jusqu'à la plus pure authenticité du quotidien transfiguré par une sublimité à la fois simple et forcément multiple qui cache et révèle la complexité des relations du visiteur à tout ce que l'oeuvre sait lui dissimuler jusqu'à lui enseigner les bases aléatoires d'un réapprentissage des gestes comme "ouvrir" ou "fermer". Le premier volet de l'exposition est sans aucun doute l'évènement le plus intelligent de la rentrée. A ne louper sous aucun prétexte !

 CLAUDE-MARIE CREMOIX, in "L'étherama" n° 8966, pages culture, Juillet 2011.

Photo :  Le premier volet de l'expo, (ou l'infracritique du sub'art' précise l'expert), à ce qu'en dit l'artiste, d'autres viendront. De volets, (suivez un peu, voyons !)

© Frb 2011.

mercredi, 22 juin 2011

Les trésors invisibles (part 2)

On a beau creuser certains jours...

DSCF5609.JPG

 

L'art gratte

L'art grave

L'art graine

L'art grade

L'art graillonne

L'art gratton(ne)

L'art granule

L'art graisse

L'art gratuite

L'art grammairise

L'art grabuge

L'art granite

L'art gratouille

L'art gradouble

L'art gracie

L'art grabouille

L'art grabote

L'art granguignole

L'art gramophone

L'art Gragagnole (ou presque)

L'art gravite

L'art gravit 

L'art graduait

L'art granpalait

L'art Gradiva

L'art grand air

L'art grachine (en marchillon)

L'art grassouille

L'art gramabole

L'art gratefioule (d'aide)

L'art grabataire

L'art gratine

L'art gracile

L'art grandiloque

L'art grapine

L'art gravillonne

L'art gratte encore (et encore et encore...)

 

Photo : A peine une  coupure de journal.

"On est jamais certains jours du butin" ... 

Oui, bon il manque un mot, c'est certain, le fameux mot qu'on cherche. Il va falloir gratter, creuser, lire encore,  gratter encore...

 ©  Frb 2011.