mardi, 14 avril 2015
Rondeur des jours
Que d'années à se défaire du pli, à se délester des chimères, à se décrasser des niaiseries, à rompre le cercle étouffant de la faute et du rachat, à prendre le large loin de ces tenaces mais si touchantes impostures auxquelles butent les furieux élans de l'enfance façonnée dans la cruelle chasteté et le miel du respect, et qui doit tenir sa langue en attendant que vienne l'heure où la rebellion fusera au grand jour comme germe une plante après un long hiver.
LOUIS-RENE DES FORÊTS in "Ostinato", éditions Gallimard 2000,
Pour ne plus avoir peur des questions de Samuel Wood:
Comment chanter sur un registre moins pauvre ?
Tout cela qui fut, qui est l’éclat du moment
Étrange sans doute comme les métaphores des rêves
Offre une vision meilleure du temps
Malgré tant de figures réfractaires
Qu’en dépit de plus d’un détour
La langue échoue à prendre dans ses pièges,
Mais bien loin de se tenir à distance
Elles rayonnent assez fort pour que s’exerce
Au-delà des mots leur hégémonie souveraine
Sur l’esprit qui, grâce à elles, y voit plus clair
Quand il ne se laisse pas dévoyer par la phrase
Avec ses trop beaux accords, son rituel trompeur
Auxquels s’oppose en tout la communion silencieuse,
Ce feu profond sans médiation impure.
Ici: Rondeau pour une basse continue et des petits tambours. Un aperçu de rude hiver, où les instruments artisanaux dits "en forme de lune" tiennent encore au domaine, (Dieu sait comment !), on appelle ici Dieu, tout ce qu'on ne sait plus nommer.
Demain: de frêles bourgeonnements juste un balbutiement, rien ne se perd, etc, etc...
promesses: la naissance du printemps, Cupidon caresse la Tulipia Grachinea aux jardins engloutis, Rémi et Colette ramassent toutes les violettes dans le pré pour faire une surprise à maman.
En douce: l'effraie au guet des petits animaux de l'aube et de la nuit, redevenus farouches, aucun d'eux désormais n'oseront faire un mouvement.
Ailleurs: les dimanches en famille, sur l'air de "ils cueillent des jonquilles"
De nos refuges, pas un mot pour le dire, rien que du fragmentaire, pas de printemps officiel, un prélude, en hommage aux amis disparus et réapparus, avec récital de bruissements devant une société de colibris-pêcheurs et mésanges d'Amérique, de hérissons très doux, d'écureuils pas très clairs (le panache cache les taches de rousseurs + un soupçon de hold up dans les noisetiers de l'amicale écologiste) et les autres: oryx, algazelles aux abois, "la fée" et sa demeure, fidèle itinérante, lutins bleutés, anachorètes, à pieds ou rossinante, qui vont par les chemins en guêtres de pollen, créatures à l'âme singulière qui ont toutes appris le linta à l'ocèle de l'édoubrille et pourraient réciter par coeur les poèmes de Samuel Wood en charmillon, ils se reconnaîtront.
Laissant courir ailleurs le temps, les mots, le murmure des forêts, demeurera inchangé, même après les travaux, pendant que le bûcheron finira de boire sa bière en jetant les canettes dans la clairière, (à cette nouvelle décharge la beauté, à la serpe) hommage à "Serpe d'or", une bouteille à Nestor, trouvée dans la rivière par les lierres et les algues, "nous sommes liés quelque part", c'est là une évidence même quand la boîte retarde sur un mode unplugged, mes excuses ajournées et des remerciements à ceux qui ont écrit, avec mes voeux de Mai, à ce train là, ils glisseront sur la vasonnette de Juillet, mince indice, les courriers ne partent plus, et je laisse en état, un malin musicien qui ne manquait pas d'humour (enfantin même potache) aurait pris quelques ronces frottées sur un vieux tronc pour écrire "j'ai été coupé", ainsi sortir des bruits, un beau son, et sourire du reste, il l'a peut-être fait...
Avec des si : du murmure au cri des forêts, il manquerait peut-être un pont qu'on ne sait plus franchir, pas de cri, rien que le souffle du vent qui tient lieu de parole et de souffle, simplement.
Nota : Si vous le souhaitez vous pouvez effleurer les images, pour ceux qui aiment voir les saccages en plus grand ce qui n'est pas mon parti-pris, moi, je ne dis rien de précis, ni vrai, ni édifiant, je montre ce qui existe, des espaces aux limites qui, peut-être nous regardent...
Là bas , Frb 2014-2015
lundi, 16 mars 2015
le rivage oublié (I)
Mais l'individu, c'est aussi la liberté de l'esprit. Or, nous avons vu que cette liberté (dans son sens le plus élevé) devient illusoire par le seul effet de la vie moderne. Nous sommes suggestionnés, harcelés, abêtis, en proie à toutes les contradictions, à toutes les dissonances qui déchirent le milieu de la civilisation actuelle. L'individu est déjà compromis avant même que l'état l'ait entièrement assimilé.
PAUL VALERY in "Le bilan de l’intelligence", extr. d'une conférence prononcée en 1935, publiée aux éditions Allia, 2011.
Les brouillards descendaient sur une berge antique. On se laissait mener ailleurs, du bon côté, on a dû s'emparer de l'authenticité ; c'est une denrée prisée des centres hyper-actifs, on serait des followers, des winners des addicts, des lanternes affligées d'une comptabilité qui s'emballe comme tout le monde.
On a vu douter l'île, ou bien on s'était dit qu'elle pouvait rétrécir en même temps que nos ombres ne cessaient de grandir. On touchait l'ornement posant pour la vitrine : on devenait clinique, à caresser les cibles en voeu de réflection ; hantées de chapiteaux de nefs et d'ogives, le reste à l'abandon cédait aux sons stridents. On voulait ralentir, c'est une base l'abandon, elle a de quoi offrir. On se balade parfois près du petit étang on recherche les barques en vieux bois bleu d'Egypte. Elles pourrissent à présent.
On laisserait aller au fouillis primitif, les roseaux sur des friches, on viserait l'avenir, une chance aux yeux du monde : aller au plus pressant du prodigieux galop, trouver sa voie, courir, saisir la profusion. Tous ces dons chimériques c'est comme une contagion, qui saisit n'importe où une brèche à éblouir, vise un point culminant, glisse en conversations de sujets qui se grisent, soucieux de rajouter à ces crépitements un grain de mandoline. Il est doux cependant de se ressouvenir qu'on était muet, avant.
Le rivage oublié désarme l'impatience. On se tait pour survivre. La nuit, on imagine qu'on est des organismes perdus dans l'aquarium à écouter des voix trouées de concessions qui perdraient un temps fou à courir après qui court après d'autres rives.
- Comment veux-tu savoir, à quoi il ressemblait, le rivage oublié, si tu l'as oublié ?
A demandé la fouine qui devait mettre à jour le plus petit secret de tous, dans un grand livre. C'est une compilation de vues méga-lucides qui paraîtraient en ligne enroberaient la mappemonde et plus tard, fort probable que dans la galaxie, les êtres des autres planètes auraient de quoi nous comprendre.
On tentait juste un pas, un parcours affligeant pour les petites personnes qui courent à la remorque, qui courent après l'extime du plus grand nombre de clics. La fouine, rien à redire, elle fait son job de fouine en haut d'une pyramide, avec cette ambition d'aller vers le plus haut, et de plus en plus fort au plus puissant des nombres jusqu'au plus haut sommet.
- Qu'est ce tu veux qu'on dise, et qu'on dira sûrement ? Quelle réponse absolue pourrait enfin convenir à ce chef d'oeuvre limpide intitulé "les autres" ? Quelle expression piquer sur celles qui nous réduisent à nous voir une seconde submergés d'émotion ?
C'était un court instant, accélérant le temps, sous le ciel, un nuage boursouflait les ballots de phrases effilochant des masses qui décortiquent.
La vitrine se divise. On demeure hébété, à écouter le vent chatouiller en sifflant les premières jonquilles, on voit dans le courant un semblable aux abois, on pourrait l'empailler pour nos divertissements et on se régalerait, on zapperait poliment, on irait s'enticher des chemins buissonniers on prendrait en photos les ruraux folkloriques qui soignent leurs trésors avec ces airs de glands revenus concassés par l'homme de l'ère de Scrat. On chercherait la bête nue sous sa carapace, le panache écrasé, le défaut, l'oeil au guet, on gratterait sous la peau pour vous montrer la crasse avec une éloquence qui nous pousse à ramper et jamais les lueurs de l'ancienne volupté n'en reviendraient intactes.
Sous ces tarissements, des messies nous reprennent notre joie, notre peine, ils l'ingèrent, la recrachent avec l'air dégoûté des héros fatigués des couleurs du spectacle, ils s'habillent dans la vague et se coiffent en épis selon l'humeur du temps. Là bas, roulent d'autres vagues. Ils nous apprennent à vendre les fantaisies de l'île, à vendre avec nos gueules qui racontent une histoire peu importe laquelle et n'importe comment, vues par un spécialiste du buzz intelligent, là, du rêve pour les masses, du vierge, du coloriage, du bien-être, du bonheur, l'évasion, la jouissance, imagine le spectacle des grands spa dans l'étang, des machines à filmer tous les ravissements. Imagine quel air pop sur ton mur, quelle flambée intérieure ! quand les chiffres s'élèveront en cent mille rondes flaques.
La vibration secrète du rivage oublié installe entre la loi des chiffres et le prochain décompte, un besoin de partir, tandis que nous traînons avec nos arrangements sachant qu'il vient un temps, où le moindre arrangement devient insurmontable.
Il reste hors de propos, ce silence à la marge accroché au soupir, un peu d'air anonyme comme une fausse confidence tire parfois d'embarras:
- Quel âge a ce regard quand il songe à l'enfance ?
- Où trouver le produit dérivé d'une substance qui tiendrait du secret de l'ancien équilibre ?
- Comment veux-tu garder ta vie en sa réserve, à présent que ton corps, ton âme, ta peau, ton sang et ta bouche et ta laine ils deviennent collectifs ? Crois tu vraiment du haut de ton observatoire, être le bon vivant qui pourrait nous aider à échapper à ça ?
Elle farfouillait la fouine, qui tutoyait tout le monde, c'est une force étonnante d'avoir l'air tous complices sans souffrir la présence, où tous dans le même bateau, on tient grâce au même vice : frénésie du nouveau. On va désespérant, le cul entre deux siècles, on crache dans la soupière, puis on bricole le nerf avec le doux penchant.
Faut dire, vu du rivage, qu'on aurait toujours l'air de mendier quelque chose, c'est pas pour en rester à ces lamentations qu'on délaissait notre île. On avait une "étoffe", on tâtait des plaisirs à glaner des idées, et même des idéaux, des charges industrielles d'idées et d'idéaux, qui nous passent par la fenêtre. A ce rythme incroyable, on parle de légèreté sans plus connaître le mot, on se fait remarquer par l'opiniâtreté et cette drôle de façon d'attirer l'attention, une charge industrielle de regards et d'égards et des phrases immortelles, dont la suavité se donne, prend, et déjecte, on stockerait cet amas dans nos mains, dans nos bouches, et nos siphons de poulpes.
- Comment veux-tu le dire qu'un secret reste à taire si t'en parles à tout l'monde ? C'est plus rien d'un secret, à nous le savonner pour mousser ton baquet puis nous livrer liquides, histoire de brocanter, et si tu la fermais on te le reprocherait, on serait persuadé, que tu nous caches quelque chose".
Nous, on était assis, devant tous ces reflets, pris de vertige alors, à regarder des bouches qui nous fabriquent en kit toujours les mêmes symptômes, dès qu'on tente quelque chose, il y a toujours un psychiatre du café du commerce, qui ajoute ses sophismes aux défaites ordinaires. On n'ouvre plus un seul champ, sans en craindre à rebours les sensibilités des hordes délicates; quand semblant familier, on avait vu plus loin l’homme assis sur un banc, il restait silencieux, il protège sa mémoire sur un autre rivage, se garde en équilibre, il se tient au retrait et voit le vent, tourné.
- Comment tu peux savoir qu'il voit le vent, tourné ? Est-ce que ça nous regarde ce qui se tient caché ? Et crois-tu qu'un spectacle a quelque chose à dire sur le genre singulier ?...
- Allons, tais toi la fouine! ne presse plus de questions, va courir et laisse vivre !
L'homme approuvait encore les silhouettes sur les ponts et scrutant le rivage, est-il prêt à s'enfuir pour retourner marcher pieds-nus sous les nuages ? Coucher son corps verso sur des galets humides, redoutant un instant n'être qu'un figurant ? N'avait-il pas rêvé se vêtir de clarté, dans la mélancolie qui ouvrait au désir de partager sa rive ? L'homme parait assoupi, il ne traîne plus sa peine à chercher quelque part la chose exceptionnelle, il n'a plus d'orthographe. Il défait son ouvrage.
Aucune de ses paroles n’innocenterait celui pressé de nous rappeler qu'à ces fabriques d'oubli nous fûmes un jour portés, plus rien ne justifie notre temps de parole, et le silence idem, s'expose en négligé, des vies qui se claironnent sans les avoir croisées. Et nous autres à la botte rendus méconnaissables, on pose à l'aveuglette nos regains nos réclames, on les offre à la chèvre, puis enfin le saccage tourne à la ritournelle. On rencontre, on remplace, on s'habitue, à "ça", on vient à la capture, tout secoué de spasmes, et de génuflexions face à cette merveille : la "fameuse" subversion de l'image et du son.
On n'échappe plus nulle part, ici tout se confond, là bas des cartes postales, plus loin, l'entrepreneur récupère des carcasses. Les hommes sans illusion regardaient revenir les oiseaux migrateurs, sur la ligne de fuite, rien qu'une démarcation, faite pour l'atterrissage d'improbables choucas et de l'autre côté, l'épatante ascension de ces pilotes d'avions qui repartent aussitôt, et peu à peu s'effacent.
On craint la défection, l'oeil collé à la vitre, on achète à bas prix un tas d'objets bizarres où nos joies infantiles parcourent à mots couverts ces années, ces hasards. On replie l'ornement. On est déjà ailleurs, on ne sait plus bien comment décrire la défection, on l'accepte (comme un lot). On se dore d'illusion, on se tend des miroirs, on virevolte, on s'entasse, on aimerait qu'il existe pas loin dans les parages, un endroit où un homme pourrait survivre un an sans aucune connexion, on admet (autre lot) qu'au lieu de le montrer, il vaudrait mieux l'enfouir au fond d'un trou de taupe. Ainsi, ces formes abstraites, qui nous venaient en rêves ne pouvant s'éprouver au jeu de la durée entraient en collision. Pas le moindre centimètre du moindre cervelet qui ne fut pas versé dans le grand balancier où les phrases désormais forment des vaguelettes dont les motifs miroitent bercés par toutes les vagues qui re-battent la campagne louée par des chamans, on les chope à l'arrache, on se kiffe, on se like, puis on va voir en face chez les nouveaux marchands, on surfe sur la tendance, on s'embarque, on débarque, on cause, on crypte, on casse, puis on déplie son corps, on se change les idées, on court par les ruelles acheter des cartes postales qui recyclent du pavé sur un air de printemps...
L'homme est près du rivage, il a aimé les joncs, dormi dans les fougères, il a choyé les barques. Son esprit ne tient plus qu'à l'air de monstre idiot qui vit de ses paris, (stupides, évidemment), puis dépassant la ligne, du rythme il se détache, des mots qu'on lui refile et il brade son image. S'il avait disparu, il n'y aurait plus personne pour adorer la rive mais dès qu'on l'aperçoit remonter souriant du plus grand précipice, on n'est plus seul, enfin, tu ne seras plus seul à peupler le rivage de ces grands poèmes-fleuves, qui remontent lentement et ralentissent encore, se tiennent loin des torrents sur les simples cours d'eau aux replis, dans les coins, loin des murs abrasifs, il y aura des passeurs.
Photo : portrait du veilleur immobile et discret silencieux amoureux de ses rives, dédié au lointain, et au proche. Et à tous ceux qui ne pourront se résoudre tout à fait à l'oubli, même si parfois dans la vie compliquée, on ne peut faire autrement qu'accepter une latence (qui n'est pas forcément choisie...)
Lac de Tranquillité, © Frb 2014 remixed 2015.
mardi, 23 décembre 2014
Entre deux ...
Irez-vous chercher loin ? Vous finirez sûrement par revenir, pour trouver le mieux, ou tout aussi bien que le mieux, dans ce qui vous est le mieux connu...
WALT WHITMAN, extr. "Un chant pour les occupations", traduction de Louis Fabulet, in "Feuilles d'herbes", "Poèmes" éditions Gallimard 1918
Dans le grand hall de gare où le pas perdu va, où le dessin rature mille fois et recommence, où chaque regard retient l'attention comme la votre, puis l'oublie, la seconde après, j'aperçois une tête d'homme, un homme sobre, l'oeil craintif, attentif comme le mien, dans la même inquiétude, au guet de sa correspondance.
Perdu, là tout pareil, un semblable qui se perd au milieu de la foule ou se cherche un visage ; qui parmi des milliers saurait le renseigner ? Quelle voiture ? Ou quel quai ? Et partout le silence de chacun glisse dans ce vacarme, on se pose jambes croisées une valise à ses pieds, en ces lieux consacrés simplement à l'absence, lui, comme moi, avec eux, nous serions des milliers abordés de vacance à espérer la lettre d'un quai de A à Z, qui se lit comme un chiffre, puis se vide sur des bruits...
L'homme a mis un carnet sur ses genoux il semble qu'il dessine quelque chose, ou il écrit sans doute via ces petits engins, à quelqu'un, (la bien-aimée, qui sait ?),"Le train a du retard". Je ne sais par quel hasard, nous sommes toujours tentés d'avoir l'air occupés.
C'est une autre manière de converser encore, que de rester longtemps assis sur des banquettes à attendre face à face sans rien dire, ou discuter si peu et toujours à voix basse :"où est-ce que vous allez ?". La réponse est sans but, le mot sans importance. Tous ces gens se contentent chacun a ses errances contre un brin ébloui, une furtive émotion pourtant si recherchée, qu'on ne retrouvera plus ou qui a disparu parfois, sans y penser, chez ceux de l'entourage, si blasés qu'on soit là, qu'ils finissent forcément par ne plus apprécier ou ne plus ressentir les considérations que tous ces anonymes savent s'accorder entre eux, comme l'habitude souvent nous fait par distraction, cet air désaffecté.
Cherchant un point d'appui dans l'oeil des passagers sans la moindre méfiance, sans aucun attachement, ni désir de saisir, on voit des créatures tripoter leurs portables ou le crayon fixé sur les petits carreaux maculés d'un carnet. On cherche le journal, on achète des bonbons qui pétillent, on rumine pour ne pas les croquer d'un coup sec en faisant trop de bruit avec ces dents pointues qui tirent sur les affiches, des sourires de façade louées aux carnassiers.
Les yeux sur nos paquets, vous et nous, entre deux, écrirons par ennui, des rimes de pacotille, ou petits textes en prose, dévoués à des formes sans drame et sans passé. Nous sommes les personnages, une seconde accrochés, déjà hors de portée, soulagés de partir, pris dans la vacuité de toute chose périssable un instant délayés, suspendus comme des lampes.
Envoi ** Merci à ceux qui ont suivi ce blog, durant cette (rude) année 2014, une année empêchée pour ma part, la vie, la vraie, pas celle qu'on nous (vous) raconte, l'année, finit entre deux trains, au ralenti comme elle a commencé, l'ordi étant à quai le plus souvent hors-box, le logiciel courrier en bug grave, le tutti en bazar menant à ce temps comme on dit de latence, un temps à réparer (ce n'est pas une promesse, ni gagné, mais on va essayer), je remercie les lecteurs, commentateurs, et amis qui ont écrit des courriers chaleureux vraiment très appréciés, toujours encourageants, merci également aux artistes, galeristes, éditeurs, les passeurs (ils se reconnaîtront) qui ont proposé des oeuvres, textes, photos, peintures, ceux qui m'ont invitée, ceux rencontrés, entre deux trains, tant à la ville qu'à la campagne, qui changent un peu la vie à leur façon, belles rencontres suspendues et retardées pour l'heure, mais c'est pas volontaire (latence, donc) ; certains courriers se perdent encore à ce jour un peu moins (quoique... je ne peux pas tant savoir), d'autres se sont perdus, pas sûr qu'on les retrouve, idem pour mes réponses, le fonctionnement normal, encore incertain à ce jour, je tiens à présenter mes excuses à ceux qui ont écrit, à qui j'aurais aimé répondre, j'ai essayé souvent mais tout m'est revenu, l'acheminement reste encore à ce jour plutôt aléatoire (passons sous silence les supputations (?) que malheureusement j'ai reçûtes, elles sont hors-sujet, diffamantes, une espèce de dérive, aux antipodes de la réalité, cela mériterait tôt ou tard un sérieux démenti, il serait temps - 2015 ? - de ne plus laisser courir n'importe quoi). En attendant, je vous souhaite de belles fêtes de fin d'année, paix et douceurs dans les chaumières, des partages simples, des illuminations, des bougies et des luges, des pistes vertes, des sommets plein de neige, des biches et des chamois, des trains bleus, des oranges, des Jésus en sucre, des poêles à bois, des grosses chaussettes, des bottines, des bonnets à pompons, de la caresse diurne et nocturne, des musiques et des choeurs, et si les bonnes richesses naturelles de la vie étonnante ne vous suffisaient pas, espérons que le père Noël (et la Noëlle) arrivent à passer avec tout leur barda (autre petit voyage), par votre cheminée, (enfin on pense à eux, et on y croit très fort) pour vous apporter, des jouets parmillés, (Tino, sors de ce corps !)
Photo: Perrache vieille gare. Saisie entre deux quais, son passage mécanique, désert, ce qui est rare .
Lyon, © Frb - txt revu et corrigé - Décembre 2014.
lundi, 15 décembre 2014
Passures
Interroger l'habituel. Mais justement, nous y sommes habitués. Nous ne l'interrogeons pas, il ne nous interroge pas, il semble ne pas faire problème, nous le vivons sans y penser, comme s'il ne véhiculait ni question ni réponse, comme s'il n'était porteur d'aucune information. Ce n'est même plus du conditionnement, c'est de l'anesthésie. Nous dormons notre vie d'un sommeil sans rêves. Mais où est-elle, notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ?
GEORGES PEREC, extr. L'infra-ordinaire, éditions du Seuil, 1989.
Photos : des histoires, plein d'histoires, mises à sac, mises en sacs, une traversée, de rue en rue jusqu'aux ruelles en multiples passerelles à taille humaine, passages géographiques, et trajets fragmentés à travers les quartiers différents d'une ville, acteurs ou figurants pour approcher les fêtes, trop plein d'appréhension, de bonnes résolutions qu'on voudrait honorer, qui ne tiendront qu'à travers, et pas comme on voudrait, jamais aussi splendides, effondrements des rêves, choeurs des lamentations, chenilles de joies rapides, un mélange de désirs, à travers les clients, les marchands, et toute la marchandise, sa promo permanente, à travers - en travers - les élans versatiles, les renoncements, la hâte, l'alternative, la norme, le besoin de s'y plier puis de s'en échapper, la recherche du temps perdu ou retrouvé de son plaisir, désir de choses simples: des godasses et des fringues, sacs de fripes, à travers, tant qu'on peut préserver chez soi un endroit au chaud pour tout en déballer, débarder, essayer, apaiser les grands maux ou les petits bobos, le surplus excessif, les gros riens, ces sutures à travers, les paquets et les mots, en travers, l'immanence et la loi d'entropie et tous les paradigmes, à travers le plaisir de courir pour choper du nouveau avec les vieux poncifs "l'hiver et le printemps", la rue en kit chez Continent, des pays ou des gens, le printemps comme un clip qui grignote l'escargot en musique re-jouant Vivaldi sur des rythmes électro, les quatre saisons mutables comme l'espoir tourne en vice et revend de partout des sacs pendus aux mains, ces poings demi-ouverts, empaquetés, à travers un fourbi dans la tête avec des sentiments, l'amour et l'amitié, évasions en travers, les histoires qui vont vite pour se perdre dans les flux imiter la croissance des systèmes, marcher sur les bris de verre sous les lustres en plein air, faire monter les machins et les trucs, les compulsions d'achat, le harcèlement moral, le travail, les loisirs, la croissance, le coaching, l'open-space, mise à sac de l'éthique, rafraîchissement des murs que la ville peinturlure avec ceux qui voudraient que ça change, qui n'ont plus de certitude (ça commence à se voir) qui ne peuvent plus, ne veulent plus suivre, face à ces géants verts, des mots bleus de la peur qui caressent les personnes, vident les poches des petits, séduisent les lucratifs, à travers les précaires qu'on ne voit pas courir aussi vite, ça retombe loin là bas, à la périphérie, à nos pieds, à genoux sous les ponts, dans les squatts, les prières invisibles, la convivialité, le discount, les échanges, enfin le système D, le pas qui continue avec du grain, sans grain, à travers la beauté, des instituts de beauté, des ongleries américaines, du panache, des paillettes à travers l'épuisement, la loi de l'apparence qui fait foi d'existence, loi sélecte, les meilleurs s'y retrouvent, y glissent entre leurs dents ta carte bleue, avisent nos cartes-fidélité, du mot fidélité vidé avec les sacs, des gants raflant la mise du gueux qui tourne chèvre sans plus savoir pourquoi, au cercle du manège, mange sur les chevaux de bois, se sustente au snacking, voyage sur des lumières avec les ombres tristes abordant le scientisme et le trans-humanisme, à travers, l'homme fragile héritier de sa révolte impuissante, en travers les clous du passager s'égayant d'un spectacle 7J/7/24H/24, avec nous ou sans nous, avec les stars, les fils de..., la déco, packaging, la crise qui t'en fabrique de l'austérité capitale, la foi dans l'abondance, les possessions, les intimidations, la peur de perdre, cette commune hantise des déflagrations singulières, courses vite, en travers, la pauvreté, le luxe, à travers la bonté, la gentillesse, la culpabilité, l'empathie, la souffrance, et ceux qui s'en relèvent affrontant à travers leurs défis personnels : être soi, trouver sa voie, devenir vrai, au delà des pressions et du pouvoir d'achat, les hommes ont autant d'imagination que d'avenir, les marchandises s'en moquent, à travers les affiches pillant au plus profond, le peu, l'insuffisant, mesurant à chaque pas, le secret de chacun, qui devient frustration du grand nombre, toute la dynamique mise en sacs, par les stats en travers ceux qui rêvent que leurs têtes pourraient fuir les boutiques, les corps et les boutiques on ne sait pas où ça va. Si ça tire à travers les personnes ou les cibles, l'ego à travers ça, viserait qui s'entasse à travers, play to win, baraka, empochant, sacs à part, la ruine à prix d'amis par les lieux traversants, les néons, les lanternes, la surface amovible, la valse des étiquettes affichées de travers, les winners, les losers, les empires, l'univers made in Chine, les affaires, les modèles de mesure verticale, le bon sens, l'eau qui dort au prix flottant du genre moyen pressé, le crédit, le bizzness, les horaires, la monnaie, le job, le sac plastique, la vie rêvée de l'homme-sandwitch, et nous, courant derrière, la réalité mal traitée. Est ce qu'on pourra tenir ?
Passures ...
Sous silence, toutes les vies, des milliards de mémoires, que l'on ne connaîtra pas, pas un pas sans une conséquence, la dernière image pouvant être la première du billet on n'arrête pas le regret, ni le printemps, encore moins l'avenir qui commence minuscule sur les dalles gigantesques (pour nos pas de géants ?) d'un hall de gare avec une barotte à 4 roues, (pas encore connectée, ni coachée, ni livrée aux vigiles, ni vue en transparence, ouf, :) ...
Certains jours suivant au présent là où on serait passé, un instant pour les promeneurs ubiques et les autres égarés (au travers les méandres) et puis pour les perplexes de l'élasticité (du temps ? ou des conjugaisons), - pour ceux qui ne vont pas forcément en deçà - c'est à dire lorgner les dessous, l'image du jour retardera, demain tout comme hier, chaque jour, tous déjà advenus, ou peut-être pas encore, bref, pour cette histoire en cours, notre dernière image si on était couture, elle s'ouvrirait ICI ...
Où ne serait pas loué l'intrus, le symbolique intrus figurant à mon sens (relatif) toutes saisons confondues la marche difficile encore libre à travers l'espace et le temps, l'intrus qui s'approcherait au plus près de l'état de nous autres, créatures embringuées, au milieu de l'époque épique, afin de nous aider en image à essayer de répondre au plus près aux trois questions du Georges :
Où est-elle notre vie ? Où est notre corps ? Où est notre espace ?
Héros pataphysique, l'intrus intemporel, serait l'anomalie qui fait avancer les idées, suggestion du Boris, cherchons donc cet intrus, et laissons le filer, bras ballants, sans s'occuper à s'y mesurer, dans des formes de concurrences, qui ne feront avancer aucune forme d'idée, une anomalie dans l'anomalie : ici il n'y a rien à gagner. Sauf un nid de pattes peut-être ? Des promesses, résolutions, promesses, tenues ou non. Un Soupir...
Rues et gens from Lyon © Frb Dec. 2014
samedi, 24 mai 2014
Coming from reality
Voilà que revenait la rage incontrôlée, la haine de soi déguisée en faute de quelqu’un d’autre.
TONI MORRISSON extr. de "Home", Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christine Laferrière, éditions Christian Bourgois, 2012.
Indice : A tort et à travers. Un mur qui ne cesse de parler. A tant le questionner serions-nous sûrs, absolument sûrs, de saisir au plus prés ce que ces mots réellement dissimulent ?
Photo prise à Villeurbanne, il y a quelques années devant une palissade cernant les ruines des bâtisses d'un quartier en démolition, (massacre urbain et toutes ses conséquences). Une intervention éphémère, militante, admirable tentée par un collectif (je ne sais son nom) de citoyens et d'artistes défendant les minorités (plus souvent silencieuses) et essayant d'agir contre toute forme de racisme y compris le racisme qu'on a parfois coutume de qualifier étrangement de "nouveaux" racismes voir de haine "ordinaire (?)"...
Street-Art © Frb (archives urbaines pas "ordinaires")
vendredi, 10 janvier 2014
Dans quel pays sommes nous, cher Pisthétère ?
C'est la maison Dedalu
U a se devise
Set cascun entrer,
Et tout issont detenu,
Car en nule guise
Ne pueent trouver
Ne assener
Par u l’entree fu
On ne connait pas les traits des petits personnages.
Etaient-ils hommes ou femmes ? Qui s'inscrivaient déjà aux "clubs-neige" de Janvier.
Qui sont-ils ces gogos bardés d'un attirail ?
Ils vont à la montagne en rondeau de deux mille quatorze pieds, autant d'allers-venues ; ils ne sentent plus leurs corps, des ombres les menacent, nous les voyons dormir sur une simple natte.
Leur ciel est passé vite de ce bleu myosotis aux nuanciers du gris. On retrouve une image révélant une fresque qui décrit des silhouettes penchées sur des points d'eau ; près des feux étouffés, l'homme rêve de s'asphyxier, s'émonder, disparaître.
Il voulait reconstruire son refuge au soleil, il s'y laisserait griller, il courait feux et flammes, il peut s'enluminer sous une croix latine, dans la nef romane où l'on donne en spectacle des joutes féodales sur de faux destriers.
Dans la terre, sur les branches, il voit des formes rares comme celles des animaux de la première histoire, celle d'avant ces soleils qui se passaient de l'art, de ces grilles à nos portes où l'on croit deviner des mondes entre les lierres.
Si loin de ces caveaux d'où l'homme sortait confus rêvant de courir nu après les amazones ou de se balancer aux branches des cocotiers une tête à l'envers enserrant dans ses griffes le crâne d'une guenon affublée d'un diadème.
Elle respire la langueur de nos rhododendrons et cette Annapurna qui tient de la violette. Il la portait aux dieux dans les plus beaux feuillages puis la perd aux dédales, c'est un prince médiéval, qui nous toise ou nous garde, soulève la petite caille, la sert aux champignons avec de la moutarde qu'on étale au couteau sur un pain de campagne.
Quelqu'un a croisé l'homme, croyant le reconnaître, l'avait vu épouiller sa femelle dans un zoo, un autre a prétendu qu'on l'envoyait à Loué chaque mardi à la foire vendre quelques pintades à cent sous arrondis pour les pauvres.
Dans le simple fouillis des champs qu'on ratiboise, d'autres avaient dû parler de ces îles bariolées, de mangues et de grenades comme les sorbets de fruits qu'on revendait partout.
Quel remou par l'emphase nous rend si malléables ! toujours nous donnerait de quoi nous divertir des fantasmagories de nos plumiers bavards gobés d'un noir liquide tirant à la hussarde le barda du chameau.
On venait nous chercher vêtus de ces manteaux grossièrement découpés dans du papier buvard. Quel gâchis que ces fards ! qui s'enfuient déjoués n'infusent pas les coeurs pris ; voilà les étourneaux.
La neige vient par mégarde, un vieil enfant s'attarde, contemple le rocher il tourne en rond autour, levant l'index il cherche à remuer l'espace, pour connaître dans quel sens le vent vient à souffler.
C'est un roi contre un autre qui lèvera le voile, barbouillait sa figure, crissant l'ongle sous la craie, il évoque une roseraie qui se laissa tenter par les hellébores noirs, et ils en redemandent, mais rien de l'apparence ne fût aussi grimés que l'homme et sa femelle, avant qu'ils n'eussent compté jusqu'à deux mil quatorze, qui tourna sur un pied pris au jeu où s'attardent de lentes caravanes, le chien à leur passage, n'avait rien remarqué.
Ici, c'est un instant où les ombres opiniâtres voudraient s'y montrer "rares", elles règnent en ministères, nous mettraient en bocal pour un épi de blé, tel on doute on va boire aux tavernes chez les gueux de la liqueur d'armoise (dont les teintes agréables rappellent vaguement l'absinthe, mais celles-ci crachent un fleuve), c'est l'or du pyromane, il la buvait cul sec par ennui, comme nous autres.
Quand le monde se figea mû à l'état sauvage remué des sarcasmes à s'y croire irréel, traînant à l'évasif sur le flanc d'un caillou haut comme une montagne déjà dans l'avalanche, on vient chercher secours, par la chaleur humaine experte en sauts de biches qui se déhanchent au parc d'une ville impériale, on aurait cru une île entourée d'un abîme, on ne pouvait rien entendre des fracas alentour.
On trouve plus grand danger en fleuretant des volières sur un trou de mémoire, au seuil où l'ermitage se multiplie parfois en divisant les âmes. L'homme cacherait qu'il chasse à mater ces roulis. Fait une pointe de compas d'un bout de ses savates, il retrace le diamètre d'une planète qui l'absorbe en son centre aussitôt le promène jusqu'à ce qu'il n'en trouve plus un hectare respirable, un trait de ligne courbe caressée qui se casse, ensuite c'est un dédale, on le suit préposé, juste où l'on craint d'avance qu'il n'existe plus grand chose, bientôt à contempler, au ciel ce gris lavasse tend un drap de lin sale qui bat sur un nuage, on ne sait l'arrêter.
On ouvre une rengaine, on dit qu'il va pleuvoir, mais qu'il conviendrait mieux que tous les champs s'enneigent, qu'Arcade et Saint Hilaire gèleront les bruyères. L'homme ressent la croisée des chemins nécessaire mais elle est si couverte de gelures à présent qu'il n'a pas vu le vent faner le perce-neige.
Ce fût un court sommeil un peu d'une tristesse comme on en voit souvent. On ressent le dépit des mots qui s'agglutinent traversent les cervelles ; les plus vides n'y conçoivent que leur propre malaise, les plus exubérantes ont vu le Saint-Esprit qui s'incarnait pour elles.
Ce serait, un sentier, des épaves à travers y traceraient la vie avec les spécimens, on imagine déjà le premier petit d'homme qui au lieu de parler écouterait crépiter le brouan du village, il s'en irait rythmer l'amour des trouveresses, l'embellir à charmer les badauds d'à côté.
La fille est apparue, c'était la belle Doette qui descend l'escalier ouïssant la chalémie, elle ne croit pas au mal qui se dit en musique, un bourdon sur les yeux, elle croise l'homme à la foire, qui riait au milieu des pintades égorgées, elle pensait qu'elle trottait au coeur d'un mauvais rêve avec l'homme endeuillé tout à son cimetière.
Un dieu berçait les anges comme au tout premier monde, personne n'eût cette idée d'huiler sa mécanique contre l'abrutissement où d'autres étaient tombés, le nerf qui d'imprudence parfois nous relayait avait dû s'enliser dans l'oubli, nous aussi on faisait comme à Loué.
Des jours en ces manèges, d'hommes abordant la nuit sans qu'aucun compagnon par les villes, sur les places si peu avoisinantes ne s'occupe plus déjà de venir aux nouvelles.
L'homme avait vécu là, par cette indifférence. Quand il revint nous voir nous étions moins vivants, moins nombreux, plus terreux comme ces statues de plâtre qui souriaient heureuses sur leurs socles sévères, on les aimait muettes, si patiemment brisées par une longue attente à tortiller des laines.
L'homme allait s'exiler sans un bruit n'endurant plus les cris de victoire en son propre pays, il se mit à railler bombardes et chevrettes et pria qu'on n'aille point lui chanter des poèmes avec la chalémie.
Le diable est dans les têtes. Quand ses forces contraires le tiraient d'un côté ou d'un autre, l'homme partait, il restait, il revenait, gêné de ne pas avoir pris à coeur ces ritournelles qu'on lui souffle à l'oreille, l'oreille est son outil, et si prêt de crisper le son sur une affaire qu'un reflet étourdit, on suggéra à l'homme de s'en venir semer les ors des chrysanthèmes sur nos champs de bleuets. Il le fit à son prix. Puis ce fût la jachère.
Qu'importe la saison, tous les jeux à la fin s'étranglent sur un rire, quand le chemin des daims se réduit aux ornières, un fleuve revient, aspire les rives hospitalières, la fille mal fagotée semblait toujours chanter ses amours d'Orcival, accroupie dans la neige, sur le foin de la bête, près d'un vétérinaire qui triait des entrailles et le sang qui pissait n'affolait plus le ciel.
Tout devenait normal. La bête était immonde. Devant l'homme secoué de sanglots, s'affairaient quelques dames, accourues au galop, pour consoler les mâles avec leurs gros ballons et des mains fabriquées à lustrer des pétrins contre pépites honnêtes, l'homme s'en irait demain, un panier de pintades sous le bras, à la foire où l'on vend des mensonges du matin jusqu'au soir. Quand nous revînmes au soir, sur nos bois en copeaux, il tombait des hallebardes.
On n'y penserait plus, on allait, on venait, enfin, on fit l'idiot pour se sauver d'ici, comme on croise à la gare ceux qui courent à la vie. On s'est remis aux phrases, des phrases rudes et légères qui nous grimpent au dessus.
On cherche dans les champs les formes du trèfle rare. On voudrait le cueillir. On a vu, le gri-gri du plus grand enchanteur pris dans les rayonnages du produit pittoresque, on acceptait l'obole au prix phénoménal qu'on nous faisait d'un grain de blé broyé menu, on en croquait le dimanche, à défaut de brioche, il fallait remercier le coeur des bienfaiteurs, ne pas trop jacasser qu'on le digérait mal ce petit grain jeté autrefois aux bossus, aux boiteux, ou aux nains, si la petite hirondelle ne l'avait pas volé, quand ce n'était pas elle, c'est l'alouette qu'on plumait.
On a vu l'archiprêtre saupoudrant finement d'acide la bonne étoile qui se changea, mauvaise. Ce n'est pas un remède que les bêtes minuscules sacrées par nos bons dieux nous révèlent un royaume par les arts de la fugue qui s'étalait en fresque de démons-chimpanzés, d'anges mutiques retombés par mégarde contre un mur.
Ils criaient innocence, ils n'avaient embrassé qu'une statue de plâtre trônant au fond d'un cloître, ils voulaient la sauver ou la montrer au dieux, ils avaient insisté, c'était l'unique mal, ils tournaient autour d'elle croyant voir se former des syllabes sur ses lèvres, la statue souriait, depuis mille ans peut-être, personne n'avait frôlé sa bouche, sauf les mouches ou les anges et voilà qu'ils perdaient subitement la parole.
Ils ont dû regretter comme nous l'éternité qui ne prolonge en rien les actions désirables, vidait notre mémoire écrivant à la marge sur des fossés poreux hissait des cathédrales où les prières tournaient en virelai puis en peines qu'on recycle en papiers.
Ces pages furent barbouillées du noir de ce plumier à nos mondes essentiels comme l'huile de pédalier sur Rossinante Ruissel (c'est le nom d'une coureuse cycliste médiévale), elle salue du mollet les buveurs de ginseng (et buveuses :) qui trinquaient. elle espérait un jour revoir l'aventurier, un genre doux maréchal qui roule sa mécanique en tricot balinais.
Quand la lumière revient, sur la rive oubliée, sûr que chacun n'y voit rien qu'une dégringolade, ne pouvant tout saisir on affichait nos rages aux horloges d'un clocher, on tournait les aiguilles à la main, comme c'était laborieux, pour se donner du mou on secouait nos pieds suivant le "Sing sing sing". Nul ne pût distinguer le tambour ou le coeur du genre des créatures, qui ne jouaient de rien, léchaient les devantures et prirent d'un air bravasse la chose très au sérieux.
Le matin nous recueille, flottant sur des barquettes, avec l'homme toujours seul et des types près du zinc, des gars de la marine en grosses têtes d'épingle flairant la sphère de Dieu, des mains comme des palettes tripotent la barre à mine. Ils boivent jusqu'à l'ivresse dès le petit matin ou ils causent avec nous à nous rendre plus informes peu à peu on s'abaisse à échanger des nèfles, on joue au jass couinché contre du marasquin.
A ce coût insensé qui n'exalterait pas le coeur des mélomanes arrivés pour rythmer le temps sur un clavecin, où rien ne se tempère, il faut encore s'y perdre. Passera, passera pas ? Encore un jour pour rien.
Au pire, on est moyen à s'en virer dehors plutôt que d'approcher ces palais où les chants de merles vont caporaux nous chier un répertoire limité à des cris pinaillant ou gloussant, c'est dans la rue, parfois, qui nous prend en tenaille, avec nos oreilles d'âne qu'on court de l'idéal aux sons précipités dont l'oiseleur disait qu'ils masquaient de l'angoisse, et pourtant, et pourtant...
La trouveresse cachée sous sa couette paysanne sort de sa solitude et se met à clamer debout sur un bidon (avec la voix de Simone de Bardot ou de Brigitte Beauvoir)
- "Ouh ben ! Faudrait beau voir (c'est pas malin, je sais) par le grand Fournival qu'est pas mon gigolo, mieux vaut être une renarde ou la rougette vilaine qui intrigue les moineaux avec ses dents fragiles, des ailes tellement spectrales qu'on dirait des vampires allés au carnaval en parcourant un point lequel d'ici bientôt marquera des années jusqu'à faire deux mil 15, 16, 17 fois le tour du même pied roulant dans le même foin qui se trouve là, chez machin, moi, ou eux, enfin bon, chez tous les cornichons qui ne savent toujours pas voir plus loin que leur tarin".
Pour nous c'est juste un point là, dans une île très loin, d'où l'on devait partir toujours de l'origine rêvant d'atteindre un but au pays enfantin, où les corps sont d'écume gonflés de berlingots. On gardait des images à se ressouvenir quand tout serait passé pour s'extraire des ressorts d'un enfer où les morts font la pluie et le crachin, le ciel sur une truelle, notre chaleur humaine semblait devenir tiède.
On pourrait l'enrichir des trésors que convoitent les nouveaux followers qui prennent la place du mort dans les décapotables où flottent les hémisphères et la blondeur des blés s'étoffera d'une barrette sertie d'un rubis vert.
L'oeil du dragon clignait sur l'empire du soleil, il vient sur tes genoux, l'homme prend de la bouteille, sa guenon débarquée, de ces rades, en nuisette, de cent pas s'enfonçait dans ses mondes intérieurs.
Deux mille pas balayés, feraient une épopée de quatorze avec l'ombre héroïque d'une armée et ces coeurs en voiliers c'est toute l'humanité qui s'égare dans une bulle et danse la tarentelle, ce vacarme vient chez nous, s'y croyant informé sur les zoos, les igloos, et le lycalopex, il fouillera dans nos fiches, corrigera le cahier qui porte la méprise comme si tout était vrai.
L'homme grisé, follement s'entichait de lui-même, ne sait plus à présent, quelle saison est la sienne. On a vu le printemps, l'été, l'automne, l'hiver et les quarts de saisons, tourner des béchamels autour d'une soupière avec tout ce vermicelle qui dépasse de l'assiette, il pleut des alphabets.
La fée prise dans sa traine regarde des cervelas flotter sur la rivière, par des foules en pique-nique, la clepsydre accélère le tempo pour un bouc tapi sous les loquets, d'un beau bleu électrique qui imite à moitié le pays où l'on dort quand on sait par avance qu'on n'arrivera jamais, ce qui est peu de chose ; quand on n'a pas d'idées on vit sur le côté comme des singes qui se sapent ou se pendent aux voilures, à peine à la lisière on s'y fond docilement et tous les points mouvants nourrissent une mémoire constellée de gourmets roulant leur aligot dans nos ronds de serviette d'où l'avenir a eu lieu, où le passé lira le présent dans tes yeux, il chuchote à voix basse des petits poèmes creux consacrés aux cinq sens, aux licornes, aux belles lettres, et à la grande musique.
Photo : Olga la vache aux pieds d'ânon, posant dans devant mon le plus simple appareil, droite dans ses bottes fourrées (maison) ou ses sandales (vintage), c'est tout comme vous voulez, et les voeux pour la suite du monde... (ô maudite procrastination ! Vade Retro ! grand mal !), (tout ira comme hier, je remets à demain, les bonnes résolutions :)
"Sem pesalt sexuse upor el tredar § sle clesiens lhaes, drapon, drapon, eorcen cemir à ovus, sem nages...", (c'est de Dante).
A l'oclens des véchas : © Frb 2014
samedi, 04 janvier 2014
Le paradis
L'escalier s'enfoncera-t-il toujours plus avant ? Montera-t-il toujours plus haut ?
ROBERT DESNOS : extr. "Désespoir du soleil", poème issu du recueil "Les ténèbres" (1927) publié in "Corps et biens", éditions Gallimard, 1968.
Au premier jour, on s'aperçoit que l’escalier de l’observatoire n’est plus aussi solide qu’avant, on montera prudemment chaque marche, on sentira le bois vibrer tout en déséquilibre, on pourra toutefois se tenir droit sur la dernière marche pour contempler les montagnes du Caucase.
Photo : Le paradis peut-être, à se dire qu'on pourrait partir de plus haut...
Là bas : © Frb 2013
mardi, 10 décembre 2013
Descendre
La brise, ... elle sent ce soir, un peu la menthe.
JULES LAFORGUE extr. "Nuage" in "Les complaintes et les premiers poèmes", édition établie par Pascal Pia, Gallimard 1979.
Nous avons laissé faire. Le vent seul à présent pourrait dire s'il restait quelque chose à montrer...
Mais qui de nous admettrait cette idée, jusqu'à croire - croire vraiment - qu'un seul mot pourrait se former sur du vent ?
Photo : ce dont on ne peut parler...
Là-bas: © Frb 2013
jeudi, 04 avril 2013
Les trous noirs sont irrésolus
Si l'on pouvait se voir dans les yeux des autres, on disparaîtrait sur le champ.
E.M. CIORAN, "De l'inconvénient d'être né", éd. Gallimard, 2013.
Nous sommes dans la guirlande, nos couleurs sont passées, nous regardons tomber la bruine sur les autos. Le petit jour s'épuise. Nous sommes seuls à la fenêtre, autant que des milliers, nous avons vu revenir le vent qui tournait, nous n'avons pu prévenir, il nous aura tournés. Nous étions comme des crêpes.
Les yeux sur un clocher, sous un ciel déchiré nous déchirions de même, nous effaçons doucement chaque lettre, et les lettres de ceux qui nous aimaient, elles brûlent, dans la cheminée avec les bûches en sucre, des mêmes suavités, nos têtes de vieilles vedettes, nous brûlons les passés, les reliques, les dossiers, les livres philosophiques, les revues poétiques, les vinyls, les cassettes, nous brûlons les tableaux, les horoscopes débiles, les bulletins météos de l'année à venir, nous ne savons pas quel goût aura le vin de l'année, billes d'austères, une année de bibine, pas d'ivresse à la crêche. Des kirs à la manille. Après ça nous courons. Après qui ? Après, non.
Après un tel saccage dans les vignes, nous retrouvions des notes de frais sous nos tonnelles et cette langue qui claquait du bruit de la machine, nous ne savions plus pourquoi ils veulent nous orienter, nous n'osions pas freiner, à peine l'anticiper mais à tous, les prothèses règnent du mouvement des glaises qui nous virent déroutés, nous courons à l'étroit, nous courons à l'égard, après qui ? Après toi ? Nous courons à l'apprêt.
Nous croquons le petit déjeuner en vitesse nous ne pensons à rien, nous jetterons les montres avant l'heure, et nous aurons encore quelques jours de retard, nous éloignerons les noms et les phrases et tout ce qui fût notre, nous le mettrons au loin. Nous courons après le pain, après le beurre après le lait.
Nous visons la jachère, une seconde arrêtée ; nous pourrions croire encore mais rien, croire en rien c'est plus fort, en tout sens moins que rien, à rapprocher la main, ou balancer les pieds, tu m'as vue me jeter sans désir dans le tramway, un penchant pour l'exil, quand cet oeil fit trembler au loin les figurines de notre île homérique à présent oubliée, on oublie, on écrème, ce n'est plus compliqué, et l'oubli nous devine, il n'y a plus qu'à courir, après l'heure, après l'art, pour entrer de plain-pied.
Ces engins créent du signe et du monde vous fabrique mille amis à la seconde, dans ces lits enrobés dans les draps de la fée, le cocher qui dormait parfois sous nos tonnelles, n'y verrait qu'un amas, ça bouge et ça respire, c'est lustré dans la graisse, mille absents recherchant la fraîcheur des parfums élégants d'autrefois, des filles de bonne famille, ces lavandes dans l'armoire, ces ronds de citronnelles, à présent ne diffusent plus qu'un brin de ta fraîcheur corporelle à la sveigne, ta chic en robe trapèze moud les sucres à Mugler, cette fausse exhalaison comme le mot sur ta langue qui rentrait dans tes fesses, légèreté triomphante du malabar Cobra, d'intenables airs de danses des canards sur ton ventre, ta vulgaire tu la vois ? Dans ses jupes transparentes, imiter Dalida en tirant sur son Dim et toi tu ricanais, heureux dans ton marcel, essayant de cacher l'odeur du pourrissement des plus beaux mouvements de notre fin d'été.
La société nouvelle se répandra sur nous. Elle est pire que l'ancienne, nous contenterait d'un mot, le mot de trop qui brade la pépinière d'Alceste. On la tient la parole on tapera dans nos mains, on fera venir monsieur le maire pour couper le cordon qui ouvrira l'accès de ce pressing pour tous, cette laverie dans nos mondes, l'entonnoir sur ta tête et les rois et les reines toquards du rond de la jambe qui nous appellent "z'amis" et qui courent après qui ? Après toi... ? After mi ? Tu répètes. Répètons.
Le vent à la fenêtre ferait le bruit d'une foule qui se traîne, émouvante, quelques uns nous redressent, ou graissés, ou mouillés, une madeleine dans la crête, la lanterne à la main cherche la base et le sommet qui touchaient la couleur, se vanterait demain de s'en remettre au ciel, quel ciel de traîne-misères, et celui du demain dissimule un trou noir.
C'est d'abord une fine bruine d'un gris tournant en hyène, gris toupie qui s'excite à entrer dans l'hiver juste voir comment ça fait quand toute chose s'accélère, et que l'intensité des couleurs fond sur nous, puis bariolant la chair, l'effacerait et la fête reprendrait pleine d'entrain. A force de s'empiler sur des peaux de chagrin, finirions-nous par voir les choses se rétrécir sans que d'autres n'en sachent rien ? Ils croient nous voir grandir nous pourrions disparaitre, devenir l'énergumène qui tourne en eau de boudin, passant de main en main sur la chair bariolée et dans ton regard terne je vois les lendemains de ta toupie joyeuse qui se fripe comme la terre et fait un bruit de chien écrasé sur mes reins, vite fait, bien fait, je te kiffe, je suis le courant d'air, la fille en Rexona, qui éteint ta lumière et descend ta poubelle, qui trempe des écrevisses dans la sauce mayonnaise rêvant d'aller là bas chez les étoiles de mer, couler comme des plongeurs qui manquaient d'oxygène. Savons-nous qui nous pleure ? Qui nous tape sur le nerf ? Qui nous crie et pourquoi ? Après moi ? Pour la quille ? Qui qu'en veut des toupies ? Dans sa main qui qu'en n'a ?
Toi tu en voulais une de toupie dans ta main, et tourner comme les autres aller de l'un à l'autre d'une chair à une autre te barioler comme eux, on te l'offrait gratis, à toi qui te taisais on t'aura vu sourire, tu souris dans les coins avec ton oeil guettant l'harmonie des battants de ces portes de western pour glisser entre tous te distinguer : pan ! pan ! tu flingueras comme John Wayne, en héros de la culbute ensuite tu serais rien qu'un gogo du plasma qui dort sans ses lunettes, ou tire sur tout ce qui bouge dans ses rêves, dans mes rêves, mais dans nos rêves, y a quoi ? Pourrais-tu me redire dans quel film tu jouais et quel rôle quand soudain, on trouvait à ta voix un son qui n'était plus exactement le tien ? Tu l'ouvrais ta grande gueule, ils t'appelaient "Attila", t'en pinçais pour "Ginette", c'était pas un nom de fleur, le soir tu la bouclais, et Ginette refermait les volets d'Attila, plus de portes, plus de fenêtres, tu n'avais qu'une réplique il fallait s'en souvenir, tu disais d'un air triste :
"je me tais parce que je suis rien".
Qu'est ce qu'on aurait pu dire ?
Hormis ramasser ça : des graines de cacahuètes sur la terre qui semblaient boucher notre chemin nous belles gens d'autrefois on devenait des modernes, par d'étranges épousailles avec des personnages si grandioses devenus au final héros du quotidien comme les autres comme ces toupies passant de main en main, ces liaisons provisoires dont les promesses étaient comme autant de pétards mouillés, ça faisait "splatch ! platch !" et puis "pof !" ça retombait tout foutu sur le gazon, ces paroles en bouquets s'en allaient sous les grosses mécaniques de la vogue, on mangeait des marrons sans marrons, des gaufres couleurs d'éponges, toupies d'aires provisoires, pour nos liens je pomponne le charmillon truffé, j'ai la tête en corolle et me ridiculise à reprendre la réplique d'un film du Tartignole,
- "vous aimez le provisoire ?
- moi, je suis définitive".
J'anticipe les casseroles, je saccage les mariages la tête entre les mains comme la folle du Rodin elle te regarde fuir avec ton galurin, battre à mort la campagne pilé entre deux gares à la sortie d'une ville dont le nom ne te dit rien, ta grande ligne de vie et de mort dans ma main qui lâche son léopard en string à la montagne et tu cours après qui ? Après plus ? Après moins ?
Passe ton temps, tu regardes, tomber les derniers fruits derrière une vitre molle, la saleté dans ta fiole emberlificotera la belle Isadora, pressant entre tes doigts longs et fins la sanguine, maintenant c'est les grenades d'un sang pourpre ou bleuâtre qui éclaboussent nos marges comme le coucher de soleil, du dernier paysage, on croyait l'habiter, on l'a vu accroché au rayon cartes postales de mon buraliste tchèque, il solde tout à deux balles, il y a quelques années un tel coucher de soleil était inestimable, le Louvre se l'arrachait je le voulais, je le voulais ! lassée de ma toupie il me manquait une maille, quatre vingt dix centimes, le coucher, le soleil, je voulais sur la carte changer le territoire. Le buraliste se barre en Austin au Burger, il me dit :
- prenez donc, c'est gratis, tous ces couchers de soleils y'en a marre, marre marre ! ils se ressemblent tous, c'est vrai, prenez suici ou suila, ou l'autre là, ils me reste dix mille cartes postales pour les dix mille gugusses qui traversent des villes en groupes avec des cars, ça pourra le faire grave et puis pour les gonzesses, qui seront toujours trop connes à danser en tutus devant un coucher de soleil, c'est du sentimental, je vous dis pas, ca cartonne".
Moi, je réponds
- "chui pas conne", et l'autre il me claque sa grille:
-"prenez tout, je liquide, je me casse au Sénégal il paraît qu'on s'éclate, les soleils, les couchers, les caniches, et le pont de la guenille et les vues du théâtre, et Gnafron, et Guignol, les qu'nelles prenez tout, même les "bonnes fêtes maman" et les "Joyeux Noël" si ça vous fait plaisir"... Je lui dit:
- oh merci m'sieur, merci, vous être si généreux, il me fait :
- ah non, pas généreux je débarrasse tout mon stock ! je liquide, si je foire le Sénégal j'ai un plan pour dealer de la coke et ptêtre du shit sur la route de Memphis mais après je sais pas, après quoi je peux courir, après vous ? Après rien ?
C'était peut-être le dernier Mohican, le dernier Vendredi, le dernier homme qui passe, la dernière valse triste, la dernière promenade, la dernière inquiétude, la dernière paire de claques, la dernière solitude, le dernier chant du coq, la dernière forfanterie, le dernier merle noir, la dernière roue du paon, le dernier mouvement un peu lent un peu braque. Le dernier cours du temps. Et depuis ils couraient, nous courons. On accourt. Et vous, ça s'arrête quand ?
La dernière guirlande s'affaissait, le monde s'agglutinait, bourrés, fourrés courez, et le soir, nous dansions. Le monde s'agglutinait pourtant nous aurions cru que le monde était absent, le beau monde, le grand monde, vivait dans d'autres mondes, les choses s'organisaient, tout revenait normal, à partir du lundi, mais le samedi nous plombait, il y avait que de la viande saoule accrochée aux bateaux de plaisance, sur la rive défilaient d'énormes rats d'égout, et voilà le dégoût, ça y est, qui recommence, tu vomis ton Baileys Irish Cream dans la petite roseraie, c'est quoi ces gens qui courent ?
Nous avons cru entendre les cris d'une femme là bas, un corps entre les flots, au milieu des bateaux, de ces genres de bourgeoises qui hantent les boîtes de nuit, et le coucher de soleil au milieu des plasma semblait d'une autre planète, non, nous n'aurions jamais dû naître dans ce monde-ci, nous qui ne courons pas.
Nous étions des fripons portant des martingales sur nos vestes, des chapeaux à plumes de tourterelles, des guêtres de pollen, et des foulards en soie et j'en passe, il en reste un ou deux, des qui sans panoplie sont comme le gars, là-bas, il reste assis tout seul sur son banc médiéval à regarder ses salades, à trier dès l'aurore des paniers de champignons, c'est de saison, les girolles, ça c'est beau, ça rassure qu'il en reste, des comme eux cachés dans les hameaux. Les autres ont la bougeotte, des avions des texto et des fêtes, et des mots des paroles, des paroles avec rien, tu comprends ? Rien partout ni dehors ni dedans, des grandes phrases en lambeaux, comme des pelures d'oignons passant de bouches à oreilles, sur les lits sous des couettes, avec toujours des mots qui servent à pas grand chose et ce vin une piquette, passe moi donc, une lichette et le gobelet en plastique que je me dévisse la tête avec ce tord-boyau, et demain, et demain, nous regarderons la bruine, demain la pluie, pis après-demain, bingo ! on s'offre le Parpaillon, au diable la jachère ! abrégeons, vide ton sac, allez chiche ! on se dit tout, t'as quoi sous ton chapeau ?
Allumettes, brasero, le linge de ton balcon, des miroirs aux alouettes. Aux vaches, les trains d'enfer, aux chiens les gargoulettes, bois ta nuit peu importe ce qu'il en sera demain, tu ramasseras les restes petit à petit, t'en fais pas, demain tu verras clair.
Tout au bout du chemin, il y a ce confetti comme un baume à nos lèvres, nos bouches ont le refrain douloureux des vieux siècles, une chaufferette sur le coeur, quel chemin pour tes fêtes ? Ton futur de rouleau compresseur tu le laisses, quels goudrons, quels silex entre des feux follets ? Tu vois, ces petits éclats nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, c'est de la vraie poésie des feux follets qui sont en tout pareils que deux petites gouttes d'eau, c'est pas couru d'avance, si ça se trouve ça serait ça, l'art moderne ? Ca le sera sûrement demain. Demain, on cassera tout, demain ça va péter, enfin vous verrez bien. On était rassuré. On avait le goût d'en rire, un rire simple et grossier, des amis, des voisins, du schnaps, du gibolin, tout de quoi bien se déglinguer en attendant la fin.
Nota 1 : Dans l'image, (à cliquer), peut-être un contrepoint, vu d'un autre univers.
Nota 2 : Le titre de ce billet a été inspiré par la lecture de l'ouvrage épatant "Anagrammes renversantes" ou "Le sens caché du monde" de Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow, une merveille vivement recommandée par la maison
Photo : La sortie des usines Lumières en Septembre 2013 vue du banc de la quiétude.
- Vous croyez ?
- Oui, on croit. Pourquoi on croirait pas ?
Only-Lyon © Frb 2013.
mardi, 04 décembre 2012
Nous et autres
La vie est-elle seulement faite de morceaux qui ne se joignent pas ?
Nous aurions tant aimé pouvoir les assembler afin d'en trouver une forme reconnaissable, nous avons recollé un peu, quelques jointures à la surface qui se décomposeraient au moindre souffle. Nous y avons appliqué des mots comme des baumes, la terre tenait bon sous nos pieds mais nos pensées étaient plus mesurées. Nous tentions d'esquiver ces parterres qu'il faudrait toujours écraser pour se tenir ici, debout dans la lumière. Nous regardions les feuilles rétrécir, l'or de l'automne virer aux bruns foncés, une vase légère déliait les passages des boutiques. Les ponts devenaient utilitaires. Nous n'irions plus nous attarder à contempler les flots. Sous l'eau encore limpide, rien ne nous promettait que ces flots pouvaient encore rouler jusqu'à la mer. C'est là bas une force contre laquelle nous n'avons pas eu le courage de nous opposer, nous sommes entrés dans les formes prévisibles de la parole, le bruit gagne. Quelques voix nous séparent et nous ne pouvons rien réparer.
Photo : La disgrâce. Parc de la Tête d'Or © Frb 2012.
jeudi, 16 août 2012
Vitrailler (I)
Oh n'est-ce pas mon Christ, mieux valait l'esclavage,
Les terreurs et la lèpre et la mort sans linceul,
Et sous un ciel de plomb l'éternel Moyen-Age,
Avec la certitude au moins qu'on n'est pas seul !
Jules LAFORGUE, extr. "Certes ce siècle est grand !" in "Poésies complètes", (références incomplètes).
Le temps allé, nos corps se trouvèrent suspendus, il fallait bien choisir entre le haut ou le bas. Nous sommes demeurés dans cette position indécise, un peu voûtés comme les plafonds en voûte d'arêtes du petit édifice.
L'assemblée est debout, ramassée dans son cercle, elle sommeille.
Quand viendra l'heure de rentrer, il sera difficile de rejoindre les bruits. Entre la solitude et cette clameur là bas, il y a l'ombre d'un homme qui vient chercher la somme déposée dans les troncs, c'est la recette des cartes postales à cinquante centimes pièce. Il marche sur la pointe des pieds, il a fait le signe de croix, c'est une sorte de vicaire. Et toi tu vis de ça, du regard porté sur l'original au milieu des imitations, de l'envie allant au plus simple esquivant les complications de la vie ordinaire, elle aussi, a fini par te coller une lucarne dans l'oeil et tu t'enfuis là haut saisir les éclats de couleurs. La volonté de tout saisir a fait de toi un courant d'homme qui court et court sans cesse après quelque chose de nouveau, même si cette nouveauté reproduit avec précision un savoir millénaire, cela ne rencontrait pas ton rêve. Tu te promènes en touriste comme tout le monde. Un vitrail te sidère. Ta voix veut s'y loger.
A cette heure, tu devrais être avec les autres, sur la plage et tu ris de toi même, toi, le fauve à genoux, l'incrédule amusé qui s'en revient lustrer son corps sur cette pierre. Tu es tombé ici et tu tais ce hasard. Un voeu de Moyen-Âge traverse ton histoire. Tu t'es dit un instant qu'il serait temps peut-être, d'abandonner le reste, si tu le peux encore.
L'assemblée s'est tournée vers toi, elle met un doigt sur ta bouche, comme une seule émission elle te prie. La voix baisse c'est à peine, se taire, tu ne sais pas.
Tu croyais aux rictus de ces diables surgis des chapiteaux, et encore tu t'exclames, pour ce peu de silence...
Pourrais-tu leur reprendre ?
C'est le même rictus qu'autrefois. Ils t'intriguent ces vieux, avec le même dos rond qui passe en communion, quand ils baissaient les yeux à cause du jugement.
Ils t'effrayaient parfois, au delà de leur âge, il y avait autre chose. Tu n'as pas tout compris. Voulaient-ils te prévenir quand toi aussi un jour, tu marcherais voûté et monterais là haut ?
C'était inadmissible de semer la terreur dans l'esprit des enfants de faire d'eux des petits vieux avant l'heure. A présent l'assemblée ne te juge pas, elle rêve, entrée dans ses prières qui vont avec les pleurs et tout ceux que l'on pleure déjà nous pétrifient.
Tu aimes cette clarté du choeur et des travées contre l'obscurité du bas côté où le visage repeint de la Vierge-Marie semble attendre que l'on répare aussi l'enfant blotti contre les plis d'un voile cœruleum. La statue a été soigneusement inclinée derrière une pancarte qui demande une faveur : "prière de ne pas toucher / restauration en cours".
Par l'allée principale les figurations de l'enfer ne te semblent pas plus sérieuses que ta tête quand elle sort de la nuit, ébouriffée, broyant dans une image une foule illuminée qui disait les messes basses et troublait ton sommeil. C'est comme au cinéma, ça tourne, ça se répète, ça rejoue d'autres scènes: les sentences arbitaires, l'improbable veau d'or... Un sacré beau désordre : il grouillait de bonhommes qui criaient au miracle, de gouailleuses parigottes s'entichaient d'un sauveur et Robert Le Vigan prenait son rôle à coeur, dans la chair mortifiée d'un Jésus aberrant guidant un peuple élu qui ne peut s'y retrouver. Cette mémoire revient noire de monde...
Ils montent le long de la colline,
Chacun le front couvert d'épines...
Par centaines...
Toi, tu étais enfant, ces vieux jetaient au ciel les cailloux qu'ils trouvaient en chemin, ça leur faisait des têtes de perpétuels orphelins. Ils revenaient parfois ramper sous forme de bêtes, elles peuplaient les armoires dans la maison austère d'une cousine Charliendine ou d'une tatan chartraine. Les têtes de fouines glissaient sur des manteaux immenses qui ne sortaient que le dimanche. On te prenait la main. On t'emmenait à la messe. Tu trottais derrière eux. Tu aimais ces vitraux qui rappelaient les cubes ou les étoiles de mer avec ton imagination tantôt géométrique tantôt bercée de sphères. Déjà tu ne savais plus comment faire pour choisir entre le haut, le bas. Le mieux eût été de demeurer toujours ainsi, pendu dans l'air...
Tu ris parce que ces vieux sont devenus d'hier. Ils ne te font plus peur à présent. Ils prient, ils pensent à eux. Ils se consolent entre eux. Ils ont peur des cailloux qui rouleront dans ta bouche, quand tu les chasseras. Ils savaient bien pourtant qu'au temps venu personne ne peut passer son tour. Ils croient que l'heure est proche, ça les hante, ces comètes, les pôles à la dérive, la barbarie, les guerres. C'est écrit dans le livre et même dans les vitraux, des genres d'apocalypse...
Tu contemples ces simples qui mettent des croix partout : aux chemins des calvaires, aux murs des crucifix... tu ris un peu de tout, avec ta science qui pèse, ton jugement qui claque mais ne flambe pas les mitres. Viserais tu le haut avec tes rimes en raout ? Tu te crois tellement libre de savoir lier ton verbe à ces sortes de vrilles que tu finis aussi par mettre des croix partout : dans des cases, sur des plans sur les gens, sur le blanc, parfois sur tes amours, et ta bouche énumère comme ils faisaient hier, tout un tas de hantises. Tes images nous délivrent. Tes fidèles adoreront un jour ta face de chèvre. Nous te regardons rire sans savoir quoi penser, quoi tirer de nous mêmes. Pour apprécier pleinement la lumière du dehors entrée par les vitraux, peut-être faudrait-il nous crever les yeux puis en fabriquer de nouveaux qui ne soient pas tentés de nous refléter dans tes images.
Au milieu de l'allée, tu as ouvert un sac, tu as sorti des miniatures d'outils afin de mobiliser l'objectif sur ce noyau de vieux, tu les prends, tu les cadres, les traques et les mitrailles comme si tu désirais que l'image te révèle le verrou de leur Dieu. Le ciel t'appartiendrait. Tu nous libérerais avec cet air badin qui voit dans un vitrail, un produit idéal. Capturant l'éternel, tu pressens la tendance, le charme vaste et mystique de nos prochaines vacances. Cet air ne mange pas de pain, il multiplie les êtres postés en file indienne entre les cars multicolores et les modillons minuscules qui veillent sur le jardin de l'ancien presbytère. La place est pleine de monde espérant l'ouverture du choeur par un portail, une excursion bancale sur un rai de lumière. Comme il pèse à présent ce chant des vieux qui tardent dont le silence se perd encore dans la question.
What are you doing after the apocalypse ?
Photo : Récemment restauré par l'artiste Rachid ben Lahoucine, ce vitrail magnifique a été photographié en la petite église de Bois St Marie (voir billet suivant ou précédent ICI). Le rendu des couleurs du vitrail n'a pas été modifié par quelque procédé photographique, seuls les murs déjà très sombres de l'église ont été un peu assombris. Pour mieux voir vous pouvez cliquer sur l'image.
Là bas © Frb 2012
vendredi, 10 août 2012
Vitrailler (II)
”Écoute ! Écoute ! C’est moi, c’est Ondine qui frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ; et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau lac endormi.
Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant, chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais, et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le triangle de feu, de la terre et de l’air. Écoute ! Écoute ! Mon père bat l’eau coassante d’une branche d’aulne verte, et mes sœurs caressent de leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénuphars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et barbu qui pêche à la ligne.”
Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son anneau à mon doigt, pour être l’époux d’une Ondine, et de visiter avec elle son palais, pour être le roi des lacs.
Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle, boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisselaient blanches le long de mes vitraux bleus.
ALOYSIUS BERTRAND : "Gaspard de la nuit", Nouvel Office d’Édition, Poche-Club fantastique, 1965,
Entre le poème d'Aloysius Bertrand d'inspiration gothique, et le vitrail non figuré d'art roman sacré, restauré finement par le maître verrier Rachid Ben Lahoucine, il y a comme un fil reliant la géométrie, les espaces et le temps. Le rêveur fantastique fusionnera t-il avec l'artisan médiéval pour permettre au promeneur de vitrailler à l'infini entre le soleil excessif, et cette pluie de giboulées ? C'est la question de l'été.
De l'église en campagne, aux palais ondoyants, les murs fondent sur un vitrail. "Qui ne fait chateaux en Espagne ?", c'est de Jean de La Fontaine, c'est aussi un work in progress qui consiste à croiser les lignes de là bas à ici...
Quant à la fascination d'Aloysius Bertrand pour les monastères, l'écho boscomarien filant chez "Gaspard de la Nuit" semble écrit noir sur blanc. Extrait.
Les moines tondus se promènent là-bas, silencieux et méditatifs, un rosaire à la main, et mesurent lentement de piliers en piliers, de tombes en tombes, le pavé du cloître qu'habite un faible écho.
Liens plus ou moins buissonniers :
à propos du "Gaspard de la Nuit" de Maurice Ravel :
http://pianosociety.com/cms/index.php?section=168
à propos de peintres et vitraux :
http://suite101.fr/article/peintres-de-la-lumiere-et-vitr...
à propos du lieu où se trouve ce vitrail :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/08/09/comme-un-dimanche.html
Photo: Le vitrail aux losanges silencieux a été photographié en la petite église de Bois St Marie, par un jour assez doux sous un ciel bleu comme un grand monochrome.
Bois ste Marie © frb 2012
lundi, 30 juillet 2012
La fenêtre à Doucy-les-Meurs
Vivre le monde en tant qu'un immense musée d'étrangetés.
Allez savoir pourquoi la fenêtre à Doucy les Meurs fait un bruit de casseroles quand on s'assoit au bord... Est-ce de l'art ?
Nota : Pour voir distinctement les instruments de l'orchestre vous pouvez cliquer sur l'image.
Photo : La musique adoucit la fenêtre à Doucy les meurs et vice versa, et vi.se vɛʁ.sa ou vis vɛʁ.sa vaɪsɪ,ˈvɜːsəˈvaɪsə ˈvɜːsə ...
Doucy-les-Meurs © Frb 2012
mardi, 24 juillet 2012
Sur un air d'accordéon
Tout affrontement ne procéderait-il pas d’un malentendu ?
Celui-ci ne résiderait-il pas dans le sujet lui-même,
dans ses drames intérieurs ?
Photo : jalousie(s)/ vue d'en face.
Villeurbanne./ © Frb 2012
mercredi, 28 mars 2012
Qui sont les poètes ? (re)belote
L'influence du poète ressemble souvent à celle de Chantecler dont le chant fait lever le soleil, à condition d'être chanté juste avant l'aurore.
Albert GUERARD, in "Les primaires',1937, cité dans "Le dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugements § le livre des bizarres" de Guy BECHTEL et J.-C. CARRIERE aux éditions R.Laffont, 1991.
Pour découvrir ce que racontent les poètes, vous pouvez cliquer sur l'image.
Le poète (ancienne orthographe : "le poëte") est celui qui dit ou écrit de la poésie. C'est donc celui qui possède l'art de combiner les mots.
Exemple :
Ogan labessé son danbo
Séban déboidur édobuie
Essé glondue débroidérie
Gonsollié rian clarido [...]
Le fin connaisseur en poètes aura bien sûr reconnu une parodie d'un poème bien connu que voilà :
L'hiver a laissé son manteau / De vent, de froidure et de pluie / Et s'est vêtu de broderie / De soleil riant, clair et beau.
- Le poète maîtrise également l'art de combiner les sonorités
Exemple :
Damned Canuck de damned Canuck de pea soup
sainte bénite de sainte bénite de batèche
sainte bénite de vie maganée de batèche
belle grégousse de vieille réguine de batèche
[...]
Cré bataclan des misères batèche
cré maudit raque de destine batèche
raque des amanchures des parlures et des sacrures
moi le raqué de partout batèche
nous les raqués de l'histoire batèche
(extr. GASTON MIRON in "l'Homme rapaillé", Montréal, L'Hexagone, 1994)
- Quand les sonorités se font clairement entendre le poète peut se mettre en scène il dira alors qu'il fait de la "Poésie Sonore"
Exemple (visionnage vivement recommandé, à nous autres, les indifférents)
- le poète a aussi le don de combiner les rythmes ,
Il connaît l'ARYTHMIE.
Exemple : Mes pieds. Merde. Quel système. Attendre l'arrêt. Ah !
Ne lâche pas son classique enfantin : ÂNONNEMENT.
Un jjourrr surrr la pppl-a-tee-fforrmmm a-a-arri-ière dd'un a-au-autobusss...
Il sait pratiquer la RHINOLALIE OUVERTE c'est à dire que le voile de son palais (et ce n'est pas une métaphore, quoique...) est rabaissé quand il devrait être levé. Chapeau haut de forme, pour qui l'observe le poéte jauge la chose à la mesure de son esprit :
Exemple : "Guel chabeau ridigule !"
Il peut autant pratiquer la RHINOLALIE FERMEE
Quelle heure est-il?
--- Bidi et debie.
- Le poète sait pour notre plaisir également évoquer des images:
Exemple :
Sur une branche morte
Repose un corbeau:
Soir d'automne!
BASHÔ : Haïku (traduction Karl Petit)
- Le poète est aussi formidablement doué pour suggérer des sensations, des émotions.
A noter que notre exemple ici présente un cas particulier de poète en jupon (ou jupette), dans ce cas afin de bien marquer la différence entre le poète en pantalon bouffant ou en string moule-machins, ou pouêt pitre, en salopette, bien que souvent un poète qui se respecte honnira le port de la salopette, trop peu solennelle en cas de lecture publique, le poète peut-être en robe de bure grave christique, pour le poète ecclésiastique ou en robe de chambre pour amuser les pommes de terre, pourquoi pas en robe du soir nouveau le poète transgenre ? Hé oui, tout est permis au poète sinon c'est pas un "vrai" poète enfin, pour désigner le poète en jupon on utilisera le terme très émouvant de poétasse poétesse.
Exemple :
Tu es, tout seul, tout mon mal et mon bien;
Avec toi tout, et sans toi je n'ai rien;
Et, n'ayant rien qui plaise à ma pensée,
De tout plaisir me trouve délaissée,
Et, pour plaisir, ennui saisir me vient,
Le regretter et pleurer me convient,
Et sur ce point entre en tel déconfort
Que mille fois je souhaite la mort.
Ainsi, ami, ton absence lointaine
Depuis deux mois me tient en cette peine,
Ne vivant pas, mais mourant d'un amour
Lequel m'occit dix mille fois le jour.
Reviens donc tôt, si tu as quelque envie
De me revoir encore un coup en vie.
Extr. LOUISE LABE in "Élégie II" dans Anthologie poétique française, XVIe siècle 1, Paris, Garnier-Flammarion, 1965.
- Il faut savoir que les poètes si nombreux soient ils, ont bien chacun leur genre.
Bien sûr, nous ne pourrons pas aborder tous ces genres en un seul billet mais nous y reviendrons, un certain joursans doute peut-être. (Je n'ai plus de connexion, le courrier est en rade, mes excuses aux lecteurs si je ne peux plus tenir mes promesses) donc pour patience abordons parmi ces genres classiques, le genre poème lyrique :
Exemple :
Je compose en esprit, sous les myrtes, Orphée
L'admirable!... Le feu, des cirques purs descend;
Il change le mont chauve en auguste trophée
D'où s'exhale d'un dieu l'acte retentissant.
- D'autres sont de style courtois (attention, digression !)
Qui dit courtois dit bien souvent que le poète cherche sa muse, ou son chat, (mais quand c'est son chat le poète sait alors redevenir comme vous et moi, un homme entre tous d'une prodigieuse simplicité et on le remerciera de rendre cela mémorable) mais un poète qui cherche son chat n'étant pas forcément un poète courtois il faudra préciser que celui qui cherche sa muse l'est toujours, qu'il la possède ou ne la trouve jamais au moins se différencie-t-il de l'homme ordinaire par ses super-pouvoirs imaginaire, tant et si bien qu'il finira par l'engendrer, sa muse, (c'est une image, bien sûr) à ce propos, prudence ! j'ouvre une innocente parenthèse pour ceux qui ne s'y connaissent pas plus en poètes que je m'y connais en moteur de voitures. warning ! le poète, peut à tout moment prendre ses aises et vous mentir en ayant l'air de dire la vérité, lisez plutôt:
J'aime Gala plus que ma mère, plus que mon père, plus que Picasso et même plus que l'argent
(S. DALI)
Dans ce cas, c'est peut-être vrai, ou faux, équivalent qu'importe, sachons que le poète a été mis au monde pour dire haut et fort et dénoncer avec éloquence toute les médiocrités humaines, rendons grâce au poète dont l'éloquence (ce qu'il faut retenir) a goût de rendre justice, dénoncera tous nos bas instincts, on le croira mais croire Dali "plus que l'argent", ça inspire certaines "méditations poétiques", pourquoi pas ? Et on serait bien bête de ne pas se laisser charmer par les mondes flottants de ce cher Phonce de Lam, (j'emprunte le sobriquet à au seul pouête grosnien connu ici, toujours ami, merci à lui !) car par les temps qui courent, une ombre de vieux chêne ça ne se refuse pas. (Un diable d'enchaînement) :
Souvent sur la montagne, à l’ombre du vieux chêne,
Au coucher du soleil, tristement je m’assieds ;
Je promène au hasard mes regards sur la plaine,
Dont le tableau changeant se déroule à mes pieds.
Ici gronde le fleuve aux vagues écumantes ;
Il serpente, et s’enfonce en un lointain obscur ;
Là le lac immobile étend ses eaux dormantes
Où l’étoile du soir se lève dans l’azur.
Au sommet de ces monts couronnés de bois sombres,
Le crépuscule encor jette un dernier rayon ;
Et le char vaporeux de la reine des ombres
Monte, et blanchit déjà les bords de l’horizon.
Cependant, s’élançant de la flèche gothique,
Un son religieux se répand dans les airs ;
Le voyageur s’arrête, et la cloche rustique
Aux derniers bruits du jour mêle de saints concerts.
Mais à ces doux tableaux mon âme indifférente
N’éprouve devant eux ni charme ni transports ;
Je contemple la terre ainsi qu’une ombre errante :
Le soleil des vivants n’échauffe plus les morts.
De colline en colline en vain portant ma vue,
Du sud à l’aquilon, de l’aurore au couchant,
Je parcours tous les points de l’immense étendue,
Et je dis : Nulle part le bonheur ne m’attend.
Après ce trop court moment de grâce, pour en revenir à nos oiseaux je précise pour les moins de vingt ans qui liraient ce blog que "Gala" n'est pas ce magazine des princes et des princesse mais la brune dame que Salvador Dali (alias Avida Dollars) avait piqué à Paul Eluard, (alias Eugène Emile Paul Grindel) et là ce n'est pas un anagramme mais nous constatons contre toute attente, que le poète peut être un brin goujat comme les gens ordinaires, or, qu'il soit menteur ou goujat, contrairement aux gens ordinaires il faut savoir tout pardonner au poète car s'il mène parfois une vie de barreaux de chaise, (pas tous, il existe des poètes aux moeurs très convenables), ce sera toujours pour vous céder le testament, (non pas celui des barreaux de chaise), regardez !
http://www.youtube.com/watch?v=-Vlkypk36qQ
A propos de la dame, Paul Eluard épousa Gala en 1917 comme chacun sait, mais le remariage de Gala avec Dali et de Eluard avec Nusch, ne dégrada pas la ferveur d'une belle correspondance entre Gala et Paul Eluard, qui dura au delà de leur séparation (en 1929 jusqu'en 1948) quatre ans avant la mort d'Eluard. Le témoignage de cette relation épistolaire se retrouve encore dans un livre étonnant qui s'intitule "Lettres à Gala".
Tout ça pour se retrouver (on ne sait pas trop comment) au Moyen-Âge et vous citer un exemple de poésie courtoise ce qui n'a strictement rien à voir avec les surréalistes mais les poètes forment une grande famille, ils n'ont qu'une terre de reconnaissance - par delà les frontières du temps qu'ils savent abolir (et hop ! voyez comme on danse !).
Ainsi, par l'exemple à venir nous n'hésiterons pas à enfourcher chevaucher la machine à remonter le temps, (en poésie, l'impossible n'est plus un problème) pour vous proposer une poésie qui est un roman en fait, mais en vers, sacreblou ! ça ressemble à s'y méprendre à de la poésie courtoise)
Ele fu longue et gresle et droite.
De moi desarmer fu adroite;
Qu'ele le fist et bien et bel.
Puis m'afubla un cort mantel,
Ver d'escarlate peonace,
Et tuit nos guerpirent la place,
Que avuec moi ne avuec li
Ne remest nus, ce m'abeli;
Que plus n'i queroie veoir.
Et ele me mena seoir
El plus bel praelet del monde
Clos de bas mur a la reonde.
La la trovai si afeitiee,
Si bien parlant et anseigniee,
De tel sanblant et de tel estre,
Que mout m'i delitoit a estre,
245 Ne ja mes por nul estovoir
Ne m'an queïsse removoir.
Mes tant me fist la nuit de guerre
Li vavassors, qu'il me vint querre,
Quant de soper fu tans et ore.
N'i poi plus feire de demore,
Si fis lues son comandemant.
Del soper vos dirai briemant,
Qu'il fu del tot a ma devise,
Des que devant moi fu assise
La pucele qui s'i assist.
IVAIN (ou yvain) cité dans Auerbach
- Autre style du poète sorti d'une trempe vieille comme le monde : Le poète courageux qui n'hésitera pas à se lancer dans la poésie épique, évoquant des événements historiques mêlés généralement à des légendes ou des héros sont magnifiés. Il s’agit en réalité d’accorder à un fait ou à un héros une grandeur, une dimension quasi surnaturelle. Sur ce coup du poème épique, entre nous, j'ai la flemme, mais je vous renverrai à ce qu'en dit Melle Chardon, poétesse au club-poésie de la Scala de Vaise, je cite :
Il ne faut pas confondre la poésie épique avec la poésie qui pique [...]
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2010/03/29/menage-de-printemps.html
[...] Ni avec le Merlin du picnik" :
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/10/29/30...
Bon. C'est pas bien malin. J'en suis presque gênée pour cette pauvre Melle Chardon et moi-même. Enfin, pour terminer par delà soucis et controverses. Il y a tout de même une petite ombre au tableau, le destin du poète ne figurant dans aucun programme d'aucun candidat pour cette présidentielle, les arts en général paraissant de tous bords ignorés (sans jouer les martyrs), on est en droit de se demander avec quoi le poète il va pouvoir becqueter, surtout quand on voit le nombre de poètes obligés de vendre de la barbapapa à la vogue, bien qu'il n'y ait pas de sots métiers, il est grand temps d'anticiper : qu'est ce qu'on va faire de nos poètes ? Est ce qu'on les garde ? (Pour s'occuper des femmes en cas de guerre). Est ce qu'on les recycle ? (Pour animer des soirées dans des chateaux par exemple... ). Là, j'interroge nos politiques, "c'est une question de vie". (Sûr qu'ils vont prendre en compte !). Et je joins au lecteur adoré deux liens facultatifs. Rien que dans l'objectif.
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/10/30/po...
http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/10/30/co...
La prochaine fois, je ne sais quand, je vous parlerai du poète dramatique, du poète spatialiste, du poète maudit, des oulipiens, des poètes lettristes, puis, si on a le temps de l'héritage des peintres... ?
Photo : Parortit sed topètes ua bani uo toiser ud trempins des opètes, sènec rera, gratiophophée nu sori à l'erheu ed l'épifitra, au Parc de la tête d'Or à Lyon.
© Frb 2012.
samedi, 10 mars 2012
Des fourmis plein la tête (part 4)
A propos de quelques questions recueillies au hasard dans les livres et dans les magazines. La suite...
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Les jeux sont ils faits ? 1 milliard est égal a combien de milliers ? Qu'est-ce qu'un instant décisif ? Le bicarbonate de soude peut-il remplacer un bon dentifrice ? Avez-vous eu une enfance normale ? Le philosophe pense t-il lorsqu'il descend les poubelles ? Madame Bovary est ce vous ou moi ? Croyez-vous à la métempsychose ? La mélatonine supprime-t-elle le décalage horaire ? Les extraterrestres sont ils parmi nous ? Où se se situe l'ailleurs d'où l'on ne peut s'enfuir ? Comment la pensée va-t-elle se contraindre à ne pas pouvoir rester indemne à l'indifférence qu'elle risque de susciter ? Est ce qu'il y a un ailleurs ? Un jeune qui tue ses parents est-il fou ? Faut-il bloquer les prix, voir les encadrer ? Qui est luc Brossolet ? Dois je me laver les mains avant de toucher mes yeux ? En quoi la ghréline est elle l'antagoniste de la leptine ? Ai-je mérité mon sort ? Ou vont les fleuves ? Vivons nous pour comprendre ? La percussion est-elle forcément musicale ? Qu'est ce qu'un mécanisme de solidarité à distance ? Qui a peint le plafond de l'opéra de Paris ? Tromper son mari est-il bon pour le moral ? Comment dépasser l'art ? A quel moment doit-on cesser d'aider quelqu'un ? Peut-on tabler sur des valeurs sûres ? Pourquoi cette palabre sur la structure ? Combien d'argent dépense-ton en une vie pour son confort ? Quelle est la difference entre les termes de "race" ou "d'espèce" ? Qu'est ce que la chromatographie sur couche mince ? Que faire quand on traverse une mauvaise passe ? Vous sentez-vous trahis par François Hollande ? La contraception masculine, on en est où ? Quelle est la différence entre "la variation" et "la variation infinitésimale" d'une quantité de chaleur ? Comment me procurer la liste de tous les produits agricoles qui existent ? Que serait l'homme sans l'angoisse ? Comment factoriser 2a+2b-2c ? Faut-il éplucher les coings pour faire une bonne gelée ? Sur quel tableau de Dali peut-on voir Lénine ? Est-il possible de suivre la cinétique des acides gras volatiles dans une fève de cacao ? Qui travaillerait pour rien ? Dans quelle ville se trouve l'Ermitage ? Le syringa est-il une fleur ? Et si les banquiers faisaient la sourde oreille ? Pourquoi les autres occuperaient-ils une plus grande place dans notre coeur que dans notre budget ? A partir de quand vous êtes vous aperçu que votre femme vous trompait ? Qu'est ce qui est impossible au poète ? Quel vin boire avec un magret ? Pour ou contre les maisons closes ? Comment peut-il en être ainsi ? Comment peindre le bleu ? Quel est le rapport (vu sous l'angle du processus) entre l'hypnose et la méditation ? Quel préfixe indique-til la privation ? Le lynx est il un animal protégé ? Qu'est ce qu'un mentat ? Comment dois-je m'y prendre pour fabriquer des fringues avec des sacs papiers ? Ecrit-on "s'en sonner" ou "sans sonnets" ? Comment passer d'une formule topologique, à une formule semi-développée ? Pourquoi n'y a -t-il pas de "e" à la fin de "en aparté" ? Si un siamois meurt est ce que son frère siamois meurt aussi ? Qui décide des abréviations ? Sommes nous enfin entrés dans la campagne présidentielle ? L'enthousiasme est-il suffisant ? Qu'est ce que la mystagogie ? Pardon ?
Photo : Métamorphose du castor, qui s'est déguisé en cravate de Gilbert Bécaud, à l'envers (pas Gilbert Bécaud, les pois de la cravate) pour passer inaperçu, le lecteur plein de sagacité l'aura deviné, enfin bref, ceci n'est pas une fourmi, ni une pipe qui revient du ski, quoique de loin... lézardant - on ne se refuse rien - sur une sorte de plaque ornementale, à peu près ras les pâquerettes (des milliers, bien sûr, à venir, que nous cultivons avec soin, hors champ). Ce street-art est peut-être en pochoir, n'est ce pas ? Et je remercie l'artiste au passage, d'avoir remis ça un petit peu partout dans la ville. J'ai photographié la bestiole, place du Maréchal Liautey, dans les quartiers chics à Lyon (6em arrondissement) près de la mythologique "Forêt Morand. Mythologique ? Non. Par respect pour Monsieur Marcel Rivière, j'écrirai "photographié près de la mythique". Ne soillons point tout trop cuidants.
© Frb 2012.