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vendredi, 28 février 2014

Beaux semblants

Si je ne bouge pas, si je ne voyage pas, j'ai comme tout le monde mes voyages sur place que je ne peux mesurer qu'à mes émotions et exprimer de la manière la plus oblique et détournée dans ce que j'écris.

GILLES DELEUZE in "Pourparlers" 1972-1990, éditions de Minuit 2003.

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Beaux semblants dans l'espace, à la sortie des gares, sous les arcs en plastique on tirait les valises, jusqu'aux beaux magasins vers Carnot encastrés de promos des big macs et des spots clignotaient sur les néons bleutés d'enseignes démodées d'un hôtel à moulures. Comme des vrais nouveaux riches on filait sur Gros-laid, voir la mort faire sa drague, en presqu'île les colonnes changeaient avec le temps tournaient et nous étions tournés sans le savoir, devenus étrangers en nos propres rivages, contemplant la lenteur des bateaux sur le fleuve revenant de l'île Barbe, un billet à demeure, épinglait un désir de train bleu sur un quai, juste avant de partir, ou le temps d'une halte, tout de quoi revenir caresser sous la langue, ces mots qui tiraillaient et qu'on n'osait plus dire. Près des ombres d'un square, on n’aurait pas mémoire des mouvements de l’automne, un rire jaune au revers, on songe au perce-neige - tu le vois disparaître à travers l’avalanche qui glace déjà ton pas, tes pensées, ton hiver, tu aurais beau chercher - quelques traces au dehors du dernier mouvement de la première année, tu n’y retrouverais qu’un coureur arrêté par l'aire des cuirassiers, contre lui, des langues mortes, un masque sur le nez, cette odeur de javel pourrait bien endormir à jamais les colonnes qui annoncent l’avenir avec les doryphores. Loin, l’homme, il regardait s’effondrer la demeure, un rire fou dans sa gorge, découvrait l'ennemi aux desseins illusoires: une minuscule bestiole à carapace d’or. Quelle histoire inventer pour nouer nos destins ? La petite créature, sur sa feuille bouge encore ; sous la griffure de l'homme on voyait les trésors et nos jeux dérobés. D'ici, le fort Saint Jean, c'était Constantinople, et la Saône aux couleurs de Méditerranée contre un bout de papier qui se plie et flotterait jusqu'aux sources bercées des premières feuilles de Mars. La ville se dégradait sous les quartiers des gares, l'abstraction démodée esquintait le décor, entre deux c'est le flot silencieux des deux eaux mouillant encore le cours en rythmes opposés qui ordonnait nos rues, engendrait des soupirs dans les fauteuils anglais de ces bars où l'on va s'immerger un quart d'heure. C'est dans la rue Donnée qu'on voit rouler des mousses, les gueux, ils finiraient par essorer les coeurs à l'heure où tous les corps deviennent lisses et peureux, ressortiraient à l'aube pomponnés, ils respirent à travers le printemps dans l'hiver les arômes des premiers coups de balais. Un prince d’Aquitaine dormait sous les colonnes où tournaient des sirènes et les fées à moitié dévorées par les soldes aguichaient doucement ces courants d'hommes pressés. Les vendeuses à la mode ont enfilé nos têtes dans des bonnets de schtroumpfs, en croisée, au repli, quelques scarabées gris se nichaient dans les rames ou se recroquevillaient. Et nous on se demande où va l'air de nos vies, si le scarabée gris n’est pas un doryphore qui hante la cervelle de ces ribambelles d’hommes en les poussant gaiement empaquetés de laine, aux terrasses au soleil d'hiver comme un printemps ; et nous on se demande si les vieilles balivernes suintant sous nos pavés ne sont pas des larcins d'illusions aux jardins, de ces courges irisées qui juste avant la nuit ressemblent à des carrosses.

 

Photo : Un étrange objet architectural, ("un échec architectural" a dit Jean-Jack Queyranne) que ce centre d'échange de Perrache, mélange du post-psychédélisme normatif (?) et d'on ne sait trop quoi, issu des fameuses années 70's, pour ceux qui ne connaissent ni les années 70's, ni le lieu de Perrache, ils ne pourront couper à cette voie de passage d'une laideur si radicale qu'elle en a presque un charme, il faudrait au moins découvrir ses méandres juste une fois dans sa vie avant que le couloir de bric et broc (il faut le dire over-daté, conséquence peut-être d'un mauvais trip à l'acide coupé à l'ammoniaque ?) ne disparaisse aussi radicalement qu'il avait massacré le paysage Lyonnais. Pour traverser l'endroit, autant dire un voyage dans le voyage et dans le temps, même Cosmos 1999, à côté, ce serait beau, les voyageurs sont priés de se rendre à l'accueil, s'y munir du petit nécessaire pour la traversée (sinon, c'est moins marrant) une tenue d'époque exigée, soit, un pantalon taille haute à pattes d'éléphant (ou à franges pour nos dj'eun's) et une liquette à fleurs oranges col pelle à tarte bien sûr, ils vous seront prêtés gratuitement par le chef de gare du Grand Lyon, en l'échange d'un sourire dès la sortie du train. Comme ceci représente un trajet en spirales et triangles, ou rectangles § autres labyrinthes, la mairie ne fournit pas l'herbe de perlinpin (quand la signalétique n'aiderait qu'à faire tourner bourrique des passants pas forcément tous mathématiciens) et comme on est en train de parler architecture (quand on parle du loup, hein !) je me permets d'ajouter un petit lien pour éclairer un peu l'avenir de nos bugnons z'ou bugnasses et autres étonnants voyageurs... 

Nota : pour ceux désirant visiter en temps en heure quelques merveilles de la belle ville de Lyon, la maison vous conseille de descendre plutôt en gare part-Dieu, (un peu fraîche, mais très organisée) à moins d'avoir idée, de monter tout en haut, visiter les jardins suspendus de Perrache pour la vue, encore des perspectives étranges, un peu à l'abandon, la dernière fois que j'avais pu grimper - dessus la gare donc (!) joie des escalators ! - pour revoir cet endroit improbable... c'était un peu avant que le jardin perché envisage de sérieuses mutations. Lieu secret / transversales, je réserve en passant, (ce n'est pas un coq à l'âne), une pensée au plus près sur le fil des balades les plus inattendues, à l'ami et surtout excellent photographe, Ernesto. A suivre, on l'imagine... 

 

Lyon Perrache : © Frb 2014  

mercredi, 12 février 2014

Les jeudis verts

 Pendant ce temps, dans le petit bois de la rue du Cirque...

 

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- Vous ne me trouvez pas trop pardi, ma p'tite Julie ?

- Oh mais non ! pas du tout, msieur François, au contraire, je vous trouve très... euh... très, très... c'est... très... vraiment ! 

 

Photo: Interlude "romantique" ou la petite et la grande histoire revue et arrangée par Certains jours, qui en avait déjà busorodé un lurpède ; je ne traduirai pas la suite, je compresse, et résume, n'êchempe uqe J.C vuso avati ajdé totu métron beni VANAT qeu le sab chortelcu de Corsel se marasse pinel de nopong et cratonne en suno ârclant caqueh manesie les donfs de pusellebo sle supl niquesi. (C'est de  Rabelais).

Pour ceux qui ont loupé le début: la genèse (des genèses) doit vaguement se retrouver par ICI. Le roman-feuilleton est à suivre, peut-être, plus tard, sur le fil des saisons, en d'autres effeuillages comme on dit, à l'avenant...

 

Rue du Cirque © Frb 2014.

vendredi, 10 janvier 2014

Dans quel pays sommes nous, cher Pisthétère ?

C'est la maison Dedalu

U a se devise

Set cascun entrer,

Et tout issont detenu,

Car en nule guise

Ne pueent trouver

Ne assener

Par u l’entree fu  

RICHARD DE FOURNIVAL  

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On ne connait pas les traits des petits personnages.

Etaient-ils hommes ou femmes ? Qui s'inscrivaient déjà aux "clubs-neige" de Janvier. 

Qui sont-ils ces gogos bardés d'un attirail ?

Ils vont à la montagne en rondeau de deux mille quatorze pieds, autant d'allers-venues ; ils ne sentent plus leurs corps, des ombres les menacent, nous les voyons dormir sur une simple natte. 

Leur ciel est passé vite de ce bleu myosotis aux nuanciers du gris. On retrouve une image révélant une fresque qui décrit des silhouettes penchées sur des points d'eau ; près des feux étouffés, l'homme rêve de s'asphyxier, s'émonder, disparaître. 

Il voulait reconstruire son refuge au soleil, il s'y laisserait griller, il courait feux et flammes, il peut s'enluminer sous une croix latine, dans la nef romane où l'on donne en spectacle des joutes féodales sur de faux destriers.

Dans la terre, sur les branches, il voit des formes rares comme celles des animaux de la première histoire, celle d'avant ces soleils qui se passaient de l'art, de ces grilles à nos portes où l'on croit deviner des mondes entre les lierres. 

Si loin de ces caveaux d'où l'homme sortait confus rêvant de courir nu après les amazones ou de se balancer aux branches des cocotiers une tête à l'envers enserrant dans ses griffes le crâne d'une guenon affublée d'un diadème.

Elle respire la langueur de nos rhododendrons et cette Annapurna qui tient de la violette. Il la portait aux dieux dans les plus beaux feuillages puis la perd aux dédales, c'est un prince médiéval, qui nous toise ou nous garde, soulève la petite caille, la sert aux champignons avec de la moutarde qu'on étale au couteau sur un pain de campagne. 

Quelqu'un a croisé l'homme, croyant le reconnaître, l'avait vu épouiller sa femelle dans un zoo, un autre a prétendu qu'on l'envoyait à Loué chaque mardi à la foire vendre quelques pintades à cent sous arrondis pour les pauvres. 

Dans le simple fouillis des champs qu'on ratiboise, d'autres avaient dû parler de ces îles bariolées, de mangues et de grenades comme les sorbets de fruits qu'on revendait partout. 

Quel remou par l'emphase nous rend si malléables ! toujours nous donnerait de quoi nous divertir des fantasmagories de nos plumiers bavards gobés d'un noir liquide tirant à la hussarde le barda du chameau.

On venait nous chercher vêtus de ces manteaux grossièrement découpés dans du papier buvard. Quel gâchis que ces fards ! qui s'enfuient déjoués n'infusent pas les coeurs pris ; voilà les étourneaux.

La neige vient par mégarde, un vieil enfant s'attarde, contemple le rocher il tourne en rond autour, levant l'index il cherche à remuer l'espace, pour connaître dans quel sens le vent vient à souffler. 

C'est un roi contre un autre qui lèvera le voile, barbouillait sa figure, crissant l'ongle sous la craie, il évoque une roseraie qui se laissa tenter par les hellébores noirs, et ils en redemandent, mais rien de l'apparence ne fût aussi grimés que l'homme et sa femelle, avant qu'ils n'eussent compté jusqu'à deux mil quatorze, qui tourna sur un pied pris au jeu où s'attardent de lentes caravanes, le chien à leur passage, n'avait rien remarqué.

Ici, c'est un instant où les ombres opiniâtres voudraient s'y montrer "rares", elles règnent en ministères, nous mettraient en bocal pour un épi de blé, tel on doute on va boire aux tavernes chez les gueux de la liqueur d'armoise (dont les teintes agréables rappellent vaguement l'absinthe, mais celles-ci crachent un fleuve), c'est l'or du pyromane, il la buvait cul sec par ennui, comme nous autres.

Quand le monde se figea mû à l'état sauvage remué des sarcasmes à s'y croire irréel, traînant à l'évasif sur le flanc d'un caillou haut comme une montagne déjà dans l'avalanche, on vient chercher secours, par la chaleur humaine experte en sauts de biches qui se déhanchent au parc d'une ville impériale, on aurait cru une île entourée d'un abîme, on ne pouvait rien entendre des fracas alentour. 

On trouve plus grand danger en fleuretant des volières sur un trou de mémoire, au seuil où l'ermitage se multiplie parfois en divisant les âmes. L'homme cacherait qu'il chasse à mater ces roulis. Fait une pointe de compas d'un bout de ses savates, il retrace le diamètre d'une planète qui l'absorbe en son centre aussitôt le promène jusqu'à ce qu'il n'en trouve plus un hectare respirable, un trait de ligne courbe caressée qui se casse, ensuite c'est un dédale, on le suit préposé, juste où l'on craint d'avance qu'il n'existe plus grand chose, bientôt à contempler, au ciel ce gris lavasse tend un drap de lin sale qui bat sur un nuage, on ne sait l'arrêter.

On ouvre une rengaine, on dit qu'il va pleuvoir, mais qu'il conviendrait mieux que tous les champs s'enneigent, qu'Arcade et Saint Hilaire gèleront les bruyères. L'homme ressent la croisée des chemins nécessaire mais elle est si couverte de gelures à présent qu'il n'a pas vu le vent faner le perce-neige

Ce fût un court sommeil un peu d'une tristesse comme on en voit souvent. On ressent le dépit des mots qui s'agglutinent traversent les cervelles ; les plus vides n'y conçoivent que leur propre malaise, les plus exubérantes ont vu le Saint-Esprit qui s'incarnait pour elles. 

Ce serait, un sentier, des épaves à travers y traceraient la vie avec les spécimens, on imagine déjà le premier petit d'homme qui au lieu de parler écouterait crépiter le brouan du village, il s'en irait rythmer l'amour des trouveresses, l'embellir à charmer les badauds d'à côté.

La fille est apparue, c'était la belle Doette qui descend l'escalier ouïssant la chalémie, elle ne croit pas au mal qui se dit en musique, un bourdon sur les yeux, elle croise l'homme à la foire, qui riait au milieu des pintades égorgées, elle pensait qu'elle trottait au coeur d'un mauvais rêve avec l'homme endeuillé tout à son cimetière.

Un dieu berçait les anges comme au tout premier monde, personne n'eût cette idée d'huiler sa mécanique contre l'abrutissement où d'autres étaient tombés, le nerf qui d'imprudence parfois nous relayait avait dû s'enliser dans l'oubli, nous aussi on faisait comme à Loué.

Des jours en ces manèges, d'hommes abordant la nuit sans qu'aucun compagnon par les villes, sur les places si peu avoisinantes ne s'occupe plus déjà de venir aux nouvelles.

L'homme avait vécu là, par cette indifférence. Quand il revint nous voir nous étions moins vivants, moins nombreux, plus terreux comme ces statues de plâtre qui souriaient heureuses sur leurs socles sévères, on les aimait muettes, si patiemment brisées par une longue attente à tortiller des laines. 

L'homme allait s'exiler sans un bruit n'endurant plus les cris de victoire en son propre pays, il se mit à railler bombardes et chevrettes et pria qu'on n'aille point lui chanter des poèmes avec la chalémie. 

Le diable est dans les têtes. Quand ses forces contraires le tiraient d'un côté ou d'un autre, l'homme partait, il restait, il revenait, gêné de ne pas avoir pris à coeur ces ritournelles qu'on lui souffle à l'oreille, l'oreille est son outil, et si prêt de crisper le son sur une affaire qu'un reflet étourdit, on suggéra à l'homme de s'en venir semer les ors des chrysanthèmes sur nos champs de bleuets. Il le fit à son prix. Puis ce fût la jachère.

Qu'importe la saison, tous les jeux à la fin s'étranglent sur un rire, quand le chemin des daims se réduit aux ornières, un fleuve revient, aspire les rives hospitalières, la fille mal fagotée semblait toujours chanter ses amours d'Orcival, accroupie dans la neige, sur le foin de la bête, près d'un vétérinaire qui triait des entrailles et le sang qui pissait n'affolait plus le ciel.

Tout devenait normal. La bête était immonde. Devant l'homme secoué de sanglots, s'affairaient quelques dames, accourues au galop, pour consoler les mâles avec leurs gros ballons et des mains fabriquées à lustrer des pétrins contre pépites honnêtes, l'homme s'en irait demain, un panier de pintades sous le bras, à la foire où l'on vend des mensonges du matin jusqu'au soir. Quand nous revînmes au soir, sur nos bois en copeaux, il tombait des hallebardes.  

On n'y penserait plus, on allait, on venait, enfin, on fit l'idiot pour se sauver d'ici, comme on croise à la gare ceux qui courent à la vie. On s'est remis aux phrases, des phrases rudes et légères qui nous grimpent au dessus. 

On cherche dans les champs les formes du trèfle rare. On voudrait le cueillir. On a vu, le gri-gri du plus grand enchanteur pris dans les rayonnages du produit pittoresque, on acceptait l'obole au prix phénoménal qu'on nous faisait d'un grain de blé broyé menu, on en croquait le dimanche, à défaut de brioche, il fallait remercier le coeur des bienfaiteurs, ne pas trop jacasser qu'on le digérait mal ce petit grain jeté autrefois aux bossus, aux boiteux, ou aux nains, si la petite hirondelle ne l'avait pas volé, quand ce n'était pas elle, c'est l'alouette qu'on plumait.

On a vu l'archiprêtre saupoudrant finement d'acide la bonne étoile qui se changea, mauvaise. Ce n'est pas un remède que les bêtes minuscules sacrées par nos bons dieux nous révèlent un royaume par les arts de la fugue qui s'étalait en fresque de démons-chimpanzés, d'anges mutiques retombés par mégarde contre un mur.

Ils criaient innocence, ils n'avaient embrassé qu'une statue de plâtre trônant au fond d'un cloître, ils voulaient la sauver ou la montrer au dieux, ils avaient insisté, c'était l'unique mal, ils tournaient autour d'elle croyant voir se former des syllabes sur ses lèvres, la statue souriait, depuis mille ans peut-être, personne n'avait frôlé sa bouche, sauf les mouches ou les anges et voilà qu'ils perdaient subitement la parole. 

Ils ont dû regretter comme nous l'éternité qui ne prolonge en rien les actions désirables, vidait notre mémoire écrivant à la marge sur des fossés poreux hissait des cathédrales où les prières tournaient en virelai puis en peines qu'on recycle en papiers.  

Ces pages furent barbouillées du noir de ce plumier à nos mondes essentiels comme l'huile de pédalier sur Rossinante Ruissel (c'est le nom d'une coureuse cycliste médiévale), elle salue du mollet les buveurs de ginseng (et buveuses :) qui trinquaient. elle espérait un jour revoir l'aventurier, un genre doux maréchal qui roule sa mécanique en tricot balinais.

Quand la lumière revient, sur la rive oubliée, sûr que chacun n'y voit rien qu'une dégringolade, ne pouvant tout saisir on affichait nos rages aux horloges d'un clocher, on tournait les aiguilles à la main, comme c'était laborieux, pour se donner du mou on secouait nos pieds suivant le "Sing sing sing". Nul ne pût distinguer le tambour ou le coeur du genre des créatures, qui ne jouaient de rien, léchaient les devantures et prirent d'un air bravasse la chose très au sérieux.

Le matin nous recueille, flottant sur des barquettes, avec l'homme toujours seul et des types près du zinc, des gars de la marine en grosses têtes d'épingle flairant la sphère de Dieu, des mains comme des palettes tripotent la barre à mine. Ils boivent jusqu'à l'ivresse dès le petit matin ou ils causent avec nous à nous rendre plus informes peu à peu on s'abaisse à échanger des nèfles, on joue au jass couinché contre du marasquin

A ce coût insensé qui n'exalterait pas le coeur des mélomanes arrivés pour rythmer le temps sur un clavecin, où rien ne se tempère, il faut encore s'y perdre. Passera, passera pas ? Encore un jour pour rien.

Au pire, on est moyen à s'en virer dehors plutôt que d'approcher ces palais où les chants de merles vont caporaux nous chier un répertoire limité à des cris pinaillant ou gloussant, c'est dans la rue, parfois, qui nous prend en tenaille, avec nos oreilles d'âne qu'on court de l'idéal aux sons précipités dont l'oiseleur disait qu'ils masquaient de l'angoisse, et pourtant, et pourtant...

La trouveresse cachée sous sa couette paysanne sort de sa solitude et se met à clamer debout sur un bidon (avec la voix de Simone de Bardot ou de Brigitte Beauvoir)

- "Ouh ben ! Faudrait beau voir (c'est pas malin, je sais) par le grand Fournival qu'est pas mon gigolo, mieux vaut être une renarde ou la rougette vilaine qui intrigue les moineaux avec ses dents fragiles, des ailes tellement spectrales qu'on dirait des vampires allés au carnaval  en parcourant un point lequel d'ici bientôt marquera des années jusqu'à faire deux mil 15, 16, 17 fois le tour du même pied roulant dans le même foin qui se trouve là, chez machin, moi, ou eux, enfin bon, chez tous les cornichons qui ne savent toujours pas voir plus loin que leur tarin".

Pour nous c'est juste un point là, dans une île très loin, d'où l'on devait partir toujours de l'origine rêvant d'atteindre un but au pays enfantin, où les corps sont d'écume gonflés de berlingots. On gardait des images à se ressouvenir quand tout serait passé pour s'extraire des ressorts d'un enfer où les morts font la pluie et le crachin, le ciel sur une truelle, notre chaleur humaine semblait devenir tiède. 

On pourrait l'enrichir des trésors que convoitent les nouveaux followers qui prennent la place du mort dans les décapotables où flottent les hémisphères et la blondeur des blés s'étoffera d'une barrette sertie d'un rubis vert.

L'oeil du dragon clignait sur l'empire du soleil, il vient sur tes genoux, l'homme prend de la bouteille, sa guenon débarquée, de ces rades, en nuisette, de cent pas s'enfonçait dans ses mondes intérieurs.

Deux mille pas balayés, feraient une épopée de quatorze avec l'ombre héroïque d'une armée et ces coeurs en voiliers c'est toute l'humanité qui s'égare dans une bulle et danse la tarentelle, ce vacarme vient chez nous, s'y croyant informé sur les zoos, les igloos, et le lycalopex, il fouillera dans nos fiches, corrigera le cahier qui porte la méprise comme si tout était vrai.

L'homme grisé, follement s'entichait de lui-même, ne sait plus à présent, quelle saison est la sienne. On a vu le printemps, l'été, l'automne, l'hiver et les quarts de saisons, tourner des béchamels autour d'une soupière avec tout ce vermicelle qui dépasse de l'assiette, il pleut des alphabets.

La fée prise dans sa traine regarde des cervelas flotter sur la rivière, par des foules en pique-nique, la clepsydre accélère le tempo pour un bouc tapi sous les loquets, d'un beau bleu électrique qui imite à moitié le pays où l'on dort quand on sait par avance qu'on n'arrivera jamais, ce qui est peu de chose ; quand on n'a pas d'idées on vit sur le côté comme des singes qui se sapent ou se pendent aux voilures, à peine à la lisière on s'y fond docilement et tous les points mouvants nourrissent une mémoire constellée de gourmets roulant leur aligot dans nos ronds de serviette d'où l'avenir a eu lieu, où le passé lira le présent dans tes yeux, il chuchote à voix basse des petits poèmes creux consacrés aux cinq sens, aux licornes, aux belles lettres, et à la grande musique.

    

Photo : Olga la vache aux pieds d'ânon, posant dans devant mon le plus simple appareil, droite dans ses bottes fourrées (maison) ou ses sandales (vintage), c'est tout comme vous voulez, et les voeux pour la suite du monde... (ô maudite procrastination ! Vade Retro ! grand mal !), (tout ira comme hier, je remets à demain, les bonnes résolutions :)

 

"Sem pesalt sexuse upor el tredar § sle clesiens lhaes, drapon, drapon, eorcen cemir à ovus, sem nages...", (c'est de Dante).

 

  

A l'oclens des véchas : © Frb 2014

mardi, 10 décembre 2013

Descendre

La brise, ... elle sent ce soir, un peu la menthe.

JULES LAFORGUE extr. "Nuage" in "Les complaintes et les premiers poèmes", édition établie par Pascal Pia, Gallimard 1979.

 

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Nous avons laissé faire. Le vent seul à présent pourrait dire s'il restait quelque chose à montrer...

 

Mais qui de nous admettrait cette idée, jusqu'à croire - croire vraiment -  qu'un seul mot pourrait se former sur du vent ? 

 

 

Photo : ce dont on ne peut parler...

 

 

Là-bas: © Frb 2013

lundi, 28 octobre 2013

Certains rouges...

Quand je n'ai pas de bleu, je mets du rouge.

PABLO PICASSO

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Photos: tapis rouge (parce qu'il n'existe point de feuilles bleues et que le vert c'est périssable), vu au jardin d'Octobre entre le parc de la Tête d'Or (from Lyon) et le clos du marquis en forêt "narbonnaise"= (cf."the beautiful little redbook of latino-charmillon" by Mister J. :) lien hélas, introuvable.

Rouge nature : au feu la peinture ! =  "L'art c'est beau quand "ça brûle"

et ça brûle pour de vrai :

http://www.lexpress.fr/culture/art/elle-brule-un-picasso-...

 

Contradiction :

Sarbyf vs Apollinaire - "Quand j'ai du bleu, je mets du rouge quand même"

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2009/05/19/mu...

attablés là où on sait ou glanant chez la Mirlitonne = (on ne s'en lasse pas). 

 

Certains rouges, "qui se retournent sur eux mêmes"... preuve par l'image :

 http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2008/09/13/ha...

 

La ronde et autres rappels plus ou que moins bariolés...

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2013/08/23/co...

et retinton(s)

http://certainsjours.hautetfort.com/archive/2011/01/26/sy...

 

Red October © Frb 2013

vendredi, 27 septembre 2013

Impromptu

Le souci de soi

 

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Le philosophe Giorgio Agamben dit qu'il faut se soucier de soi dans les formes pratiques de soi, en même temps il énonce à plusieurs reprises le thème apparemment opposé :

Il faut se déprendre de soi.

Il dit aussi plusieurs fois :

On est fini dans sa vie, si l'on s'interroge sur son identité. L'art de vivre c'est détruire l'identité, détruire la psychologie. 

 

Le souci de soi devrait logiquement aboutir à se déprendre de soi.

 

Nota : Le prélude à l'impromptu est lisible en cliquant sur l'image. 

Photo : Les bancs sont devant la Vie Claire, c'est quelque chose à voir, aussi bizarre que rien, mais le promeneur croix-roussien les connaît bien, il s'y contemple en bancs d'oignons (oui, bon...), certes, ce ne sont pas les bancs des amoureux sur l'esplanade de la rue de l'Alma, d'ailleurs je ne les montrerai pas, ce sont plus sûrement les bancs de personne donc les bancs de tout le monde, faits pour penser à rien et à tout, ou au deux, tout c'est eux, eux, c'est nous par une des mille façons à tenter de se déprendre, en attendant de regarder tomber les épluchures, bientôt, une autre et sage leçon de vie pour l'homme (c'est de Héraclite, il me semble), je cite pour la beauté des lettres :

κόσμον τόνδε τὸν αὐτὸν ἁπάντων οὔτε τις θεῶν οὔτε ἀνθρώπων ἐποίησεν ἀλλ᾽ ἦν ἀεὶ καὶ ἔστιν καὶ ἔσται πῦρ ἀείζωον ἁπτόμενον μέτρα καὶ ἀπο­σϐεννύμενον μέτρα. 

 

Lyon/ Croix-Rousse © Frb 2013.

vendredi, 20 septembre 2013

Prélude à l'effeuillement

L'air par cet après-midi d'automne était d'une grande douceur et les montagnes au loin se découpaient avec une clarté froide. Malgré tout, je ne pensais guère à elles mais seulement à mes pensées. Tout ce qui avait été me parut plus triste que si tout cela n'avait jamais été.

FERNANDO PESSOA, (voir acolytes) in "L'éducation du stoïcien", éditions Christian Bourgois, 2000.

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Le caillou grossissait en colline comme un être vivant, au delà, la lumière généreuse de Septembre évoquait par instants le soleil de Corinthe. La sûreté toute humaine allait en bercements. J'étais peut-être ici coincée sous les ratures d'un roman à tiroirs, une copie dans l'espace qui pouvait reproduire pour un autre regard, agrément ou désagrément, tout me biffait alors par la force illusoire que je mettais à vouloir me rajouter au monde en ayant l'air d'occuper des vêtements camouflant des pensées opposées à tout ce que j'étais.

Je virais à l'ersatz mais parvenais toutefois à suivre les conversations y répondre poliment et les personnes croisées ce jour là, ont dû s'imaginer que j'existais vraiment. Nous avons échangé quelques banalités, comme les banalités paraissent encore des preuves du temps qu'on passe ici au temps qu'il fait là bas, nous constatons bêtement, qu'il est bon d'exister, présents avec nos chairs, ce rire bête au dehors, un gloussement, à peine, echo de la volaille, et le balancement de couleurs agréables sur des nappes à carreaux rouges et blancs sous ce ciel gris-bleuté, c'était un enchantement.

Quand le jour veut tomber, des mains molles font des gestes puis rien, absolument rien n'en peut demeurer, juste après ce sourire qui n'exprimera jamais autre chose que le contraire d'un air riant, on dirait qu'on s'y croit éternellement vivant, à causer sans manière, près d'un panneau montrant la douzième biennale d'art qui sème un peu partout une images du cochon puis cette tête de garçon - une photo réussie - d'un visage assez tendre portant autour de l'oeil les traces noires d'un violent rififi dans la gueule, c'est si bon, la violence, quelques ruines permanentes, des miroirs grossissants qu'on regarde par dépit de ne pouvoir les fuir. Et si on le pouvait, sans doute on passerait son temps à ne faire que ça:

prendre des raccourcis qui rallongeraient la vie, on s'éviterait parfois de se retrouver happé dans les plans irréels dont on nous persuade qu'ils sont notre présent, à la fin on y croit dur comme fer et ça doit s'intriquer plus ou moins dans les plis ou plus exactement, c'est un passage forcé, on serait les obligés des profusions d'images qui nous compileraient, s'approchant au plus près de nos centres d'intérêt, on s'y adapterait.

Au mieux c'est un reflet, tant de jours on espère qu'il se passe quelque chose en dehors de ce vide qui pourrait nous heurter au nerf des éléments comme surprendre le caillou rouler et s'écraser contre une Tête d'Or cachée dans les marais, et qu'enfin réveillée elle déchire les reflets et les enterre là bas, justement à l'endroit précis, où l'on ne la trouverait pas.

Ca changerait le trajet avec d'autres couleurs, la terre de Sienne brodée des sublimes strobilanthes. Mais ici rien ne bouge, pour le mieux on attend un immense évènement qui convierait les fleuves à devenir torrents, et par le cours du temps on serait ces ballants repris dans les colères on se transformerait, on serait le ruban, courant se purifier dans les éclaboussures.

Au mieux on sera le clampin qui s'en va claudiquant à son bureau de tabac au coin de la rue Say, (tu sais mais tu sais rien), entre deux vides, on serait celui qui fait son plein, un sac dessus l'épaule, à parodier les charmes qui émanent de ce monstre dévorant la parade, suivant d'autres ballants promis au menu sort, dans les joies des achats qui nous tiennent harmonieux comme des produits vitreux dérivés des trésors pour ballants-matamores. Truffes au guet, dos cinglé, dans un léger cafard caché par les formules qui s'autorisent la valse, et des ronds de fumée au milieu de l'azur, on se roulerait dedans, on piétinerait les rousses qui hantent la Tabareau et frottant sur tout le monde sa belle rangée de dents, on serait prêt à l'ouvrir pour dire n'importe quoi, on parlerait du temps:

"demain il fera beau, malgré quelques rafales dûes au violent cyclone venu des Philippines...".

Contre l'abêtissement, qu'est ce qu'on ne vous dirait pas ? Et puis clopin-clopant on se trouverait un banc, on irait lire l'avenir dans les feuilles rosissantes, on les aimerait vraiment, et on regarderait gentiment trembloter leurs ombres moins béantes que nos songes balancés aux torrents, voguant dessus des feuilles, puis dessous bringuebalant et dehors et dedans, et inlassablement...

 

  

Photo: Voyageuse immobile, contemplant un chef d'oeuvre d'ombres chinoises en presqu'île, biennale off d'arbres rares encore verts, d'où prélude...

 

 

Lyon © Frb 2013.

jeudi, 08 août 2013

Oublier Cahuzac

Ôl a point d'ainme, ôl est rvenu cment si d'ren étot (*)

 

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ce foin qui vient rouler.jpgaffiche.jpg























 

Il n'a aucun amour propre, il est revenu comme si de rien n'était.

 

Nota 1 : Ce billet est une suite en série d'oublis dont le premier volet peut s'ouvrir ICI.

Photos : Le paradis tout court, peut-être suffirait...

Nota 2 : Je veux dire pas fiscal, (amsi aç av vneir, masi no lse cacuiellno à pouc ed trequi, vouzin"...  C'est du père Mathurin le Virgile du potasi charmilloné masi j'nen susi sap beni rûse ptêtte bin que oui ptêtte bin que non ptêttre uqe my'j mégenlonsa loquequefis nu upe lse picanuxe ce qui veut dire: pour les djeun's qui reviennent du maquedeau, que Cahuzac n'est pas un nom de village de la Creuse (quoique...). En tout cas c'est pas sur le chemin du pays du Tseu

Pour les aroumeux de la bonne guanle de nos paradis tout court, vous pouvez faire un tour du côté de chez Monsieur Mario Rossi via le Topo d'ici

 

Pays du Tseu © Frb 2013 

mercredi, 10 juillet 2013

Hors-saison


Sur des panneaux luisants, ou sur des cuirs dorés et d’une richesse sombre, vivent discrètement des peintures béates, calmes et profondes, comme les âmes des artistes qui les créèrent.

CHARLES BAUDELAIRE : extr. "L'invitation au voyage", in "Les fleurs du mal" (1857), éditions Gallimard, 2007.

 

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Parfois, nous brûlons notre terre découvrant la chimère lassée de nos récits. Ca ne tient plus beaucoup. Nous encombrons l'espace, nous ferons quelques rimes pour la foire et c'est tout. Puis nous irons guincher sur les embarcadères.

Déjà, nous regardons peu à peu l'horizon annexer le rivage, nous le laissons à ceux qui voient plus loin que nous. Nous vivrons dans les arbres, avec une foule d'oiseaux, nous serons petits singes, sajous / callimico puis nous re-deviendrons inintelligibles.

Partout, le ciel est pourpre, la saison capitonne. Nous défilons en rythme d’un jour à l’autre, mais tristes, abordons l'avenir sur un point d'immersion qui se perdra sans doute dans une ligne droite bordée en profondeur d'une chute en carrés d'art. 

Peu importe que le grand manitou nous dégorge, quand sa lame nous tranchait nous étions presque morts, nos contours sont plus vagues, nous dérivons encore. Nous cherchons les jardins d'autrefois où les folles balançoires esquissées à la gouache absorbaient nos coquilles dans le pli d'un buvard. Nos mains ont déchiré tant de pages et de pages.

On retourne à la source, on ne s'y abreuve pas, l'eau noircie par mégarde, ouvre un sillon de bave. On traque les empreintes, lichens / fossiles / galets / et le pas se veloute sur des mousses poreuses. On reprend les balades. 

Ces marches agrémentaient, on s'en souvient, des foules vivant en nous de mots ouvrant aux bruits infâmes, il y eût des tavernes assemblées en nuages, qui racontent la suite. On oubliera demain, ces voleurs de miroirs qui goûtaient en eaux troubles les diodons délicieux, et nos barques à présent bercent des sons captieux, les voix ne portent plus.

Dans la chaleur des bars, certains jours on s'attable avec des globe-trotters qui nous racontent leur vie : l'Egypte / l'empire syldave / ils ont des petites lianes enroulées dans la tête, on dirait des girouettes tournant sur des momies, ils sont galants mauresques / fauves étrusques / nécropole engloutie / marins du Kon Tiki / après des heures à boire, à gober leur histoire, on devine au final qu'ils ne sont jamais partis, ils troquent leurs faux voyages contre un peu de compagnie, et nous bradons le virelai pour des romans de gare.

Peu de chance que le chant nous revienne ou s'évase, nous l'avions rêvé flou. Des phrases ont renversé le splendide équipage, une masse enjouée mesure les équilibres, nous restons attentifs aux mouvements de ces gens qui se cachent ou s'étoilent en causeries sur des bancs, nous visons les Nagra de ces genres d'acousmates qui font de grands voyages dans la rue d'à côté, le reste liquidé, se fondra dans les glaces de ces absences-présences qui se croisent et puis cessent.

On rejoint les clochers, tout semble à l'abandon, moins qu'au coeur de ces villes dont les passages fermés ne nous égarent plus. Nous ne pouvons plus choisir entre le plein, le vide, guettant un évènement, traversons des ruelles et des jardins publics jusqu'aux grands toboggans.

Tout près sous les lumières des chiffres sont tombés d'on ne sait quelle statistique, et des publicités passent de plus en plus vite, des homme gris tapent en choeur sur des mini-claviers, notant les résultats d'on ne sait quelle expertise.

Par de fines craquelures entre ces oubliettes on reconnaît l'enfant vaguement phagocyté, allant pieds nus, toujours, courant à la conquête d'un souvenir futur sans trouver la notice qui aide à parvenir à la maturité. La flemme est botte secrète, on aura dans la tête le calcaire/ le granit/ les rochers mystérieux / un paysage d'hiver / une mémoire d'art brut ...

Cela devait entrer en ce rêve animal, rien d'exquis, ni barbare, nous ne sommes plus concernés par ce qui cogne ou jase et s'agite sans égards / ces engouements de cible / nos sentiers éboulés / des pensées pleines de trous / nous figent en pétroglyphes.

Le Cv sous le bras illustrant un grand livre sans lecteur ni auteur, nous trottons par les berges jusqu'aux embarcadères, là, les flots sont plus clairs, les vents nous rafraîchissent. Nous gardons les yeux clos, nous croisons des artistes qui ne savent plus quoi faire de leur vie, de leur art, nous les suivons biffés dans la cité-passoire qui se construit sur nous, rejette les uns les autres à la périphérie. Plus d'atelier plus rien où caler nos paperasses, les cartons à dessin retournent au recyclable, nous aimons l'inutile, c'est plutôt rassurant.

Puis des pieds à la tête, ça flottera de partout, il nous manquera seulement le moral nécessaire mais nous pouvons poursuivre le voyage hors-saison ou en hors-lieu peut-être, tisser les passerelles s'il nous manque des ponts. Nous ramperons comme des bêtes jusqu'en terre de bruyère puis au delà, enfin, nous quitterons nos mémoires en jetant des cailloux pour faire des ronds dans l'eau, nous longerons les rivières (un jour nous y reviendrons).

Les vêtures sinueuses d'écorces nous protègent. Nous serons étendus, nonchalants à poursuivre, enlacés dans les ombres sous les arbres et les herbes, un brin de pâquerette fera bouche à oreille, le reste imprononçable. Ou bien, c'est un silence, un flot qui se retire : le secret de la source près d'un vieil escalier qui descend jusqu'au ciel, nous serons pour ce peu, si près...

  

 

 Photo : Une île, qui ne fleurit jamais.

 

 

 

Là bas © Frb 2013.
  

samedi, 06 juillet 2013

Porté par ses limites...

La mémoire, c'est notre clé de lecture du réel. Dans un autre ordre d'idée, j'ai toujours admiré cette pensée de Jakobson, ce doit être dans les questions de poétique : "la forme n'existe que répétée". Il en va exactement de même pour les émotions : si on ne reconnaît pas, on est bouleversé, on reste muet, sans prise.

ANTOINE EMAZ ; Entretiens. (Et plus encore ICI)

 

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Sur le fleuve oublié le rameur embarqué d'une rive à l'autre, cherche en flottant mentalement à retrouver son ignorance d'autrefois. Ou juste un lieu allié à répéter sans cesse, que c'était mieux avant. Se sachant dans l'erreur, il s'exerce à parfaire toujours le même mouvement, aborder le trajet d'une rive à l'autre, puis revenir de l'autre rive à la première, toujours recommencer sans un mot différent, à saisir, un détail ou deux, on ne sait quoi mais sans doute pour écrire le même livre  sans prise avec la même idée toujours un peu grandiose d'un meilleur avenir, sans prise sur rien, même pas celle de connaître par coeur le chemin qui ne s'épuise jamais, semblant épuisé avant même d'en répéter le rythme que pourtant il aimera peut-être répéter afin de n'en oublier aucune -presque invisible et légère modification. Ensuite, on ne connait pas la suite, ce serait à nouveau un point qui ne suit pas, ou peut-être un ruisseau portant entre ses flots l'embarcation légère d'un explorateur débutant... 

 

Photos : A la mémoire des fleuves du Parc de la Tête d'Or, aux sources de l'Eldorado, à la plage du capitaine Cook ou au lac d'Armagnac (bu trop vite et trop tôt).

Au Sornin, à La Grosne, A nos marins d'eaux douces, au fleuve Amour ou jaune, aux espaces liquidés, jamais aussi perdus qu'on l'eût imaginé ..

A toutes les sources vives, aux indulgences perdues, aux ennemis visibles aux alliés invisibles, à chaque passeur de pistes, si différent soit il, porté hors des limites,

dédions...

 

Ici ou là © Frb 2013

jeudi, 04 avril 2013

Les trous noirs sont irrésolus

Si l'on pouvait se voir dans les yeux des autres, on disparaîtrait sur le champ.

E.M. CIORAN, "De l'inconvénient d'être né", éd. Gallimard, 2013.

 

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Nous sommes dans la guirlande, nos couleurs sont passées, nous regardons tomber la bruine sur les autos. Le petit jour s'épuise. Nous sommes seuls à la fenêtre, autant que des milliers, nous avons vu revenir le vent qui tournait, nous n'avons pu prévenir, il nous aura tournés. Nous étions comme des crêpes.

Les yeux sur un clocher, sous un ciel déchiré nous déchirions de même, nous effaçons doucement chaque lettre, et les lettres de ceux qui nous aimaient, elles brûlent, dans la cheminée avec les bûches en sucre, des mêmes suavités, nos têtes de vieilles vedettes, nous brûlons les passés, les reliques, les dossiers, les livres philosophiques, les revues poétiques, les vinyls, les cassettes, nous brûlons les tableaux, les horoscopes débiles, les bulletins météos de l'année à venir, nous ne savons pas quel goût aura le vin de l'année, billes d'austères, une année de bibine, pas d'ivresse à la crêche. Des kirs à la manille. Après ça nous courons. Après qui ? Après, non.

Après un tel saccage dans les vignes, nous retrouvions des notes de frais sous nos tonnelles et cette langue qui claquait du bruit de la machine, nous ne savions plus pourquoi ils veulent nous orienter, nous n'osions pas freiner, à peine l'anticiper mais à tous, les prothèses règnent du mouvement des glaises qui nous virent déroutés, nous courons à l'étroit, nous courons à l'égard, après qui ?  Après toi ? Nous courons à l'apprêt.

Nous croquons le petit déjeuner en vitesse nous ne pensons à rien, nous jetterons les montres avant l'heure, et nous aurons encore quelques jours de retard, nous éloignerons les noms et les phrases et tout ce qui fût notre, nous le mettrons au loin. Nous courons après le pain, après le beurre après le lait.

Nous visons la jachère, une seconde arrêtée ; nous pourrions croire encore mais rien, croire en rien c'est plus fort, en tout sens moins que rien, à rapprocher la main, ou balancer les pieds, tu m'as vue me jeter sans désir dans le tramway, un penchant pour l'exil, quand cet oeil fit trembler au loin les figurines de notre île homérique à présent oubliée, on oublie, on écrème, ce n'est plus compliqué, et l'oubli nous devine, il n'y a plus qu'à courir, après l'heure, après l'art, pour entrer de plain-pied.

Ces engins créent du signe et du monde vous fabrique mille amis à la seconde, dans ces lits enrobés dans les draps de la fée, le cocher qui dormait parfois sous nos tonnelles, n'y verrait qu'un amas, ça bouge et ça respire, c'est lustré dans la graisse, mille absents recherchant la fraîcheur des parfums élégants d'autrefois, des filles de bonne famille, ces lavandes dans l'armoire, ces ronds de citronnelles, à présent ne diffusent plus qu'un brin de ta fraîcheur corporelle à la sveigne, ta chic en robe trapèze moud les sucres à Mugler, cette fausse exhalaison comme le mot sur ta langue qui rentrait dans tes fesses, légèreté triomphante du malabar Cobra, d'intenables airs de danses des canards sur ton ventre, ta vulgaire tu la vois ? Dans ses jupes transparentes, imiter Dalida en tirant sur son Dim et toi tu ricanais, heureux dans ton marcel, essayant de cacher l'odeur du pourrissement des plus beaux mouvements de notre fin d'été.

La société nouvelle se répandra sur nous. Elle est pire que l'ancienne, nous contenterait d'un mot, le mot de trop qui brade la pépinière d'Alceste. On la tient la parole on tapera dans nos mains, on fera venir monsieur le maire pour couper le cordon qui ouvrira l'accès de ce pressing pour tous, cette laverie dans nos mondes, l'entonnoir sur ta tête et les rois et les reines toquards du rond de la jambe qui nous appellent "z'amis" et qui courent après qui ? Après toi... ? After mi ?  Tu répètes. Répètons.

Le vent à la fenêtre ferait le bruit d'une foule qui se traîne, émouvante, quelques uns nous redressent, ou graissés, ou mouillés, une madeleine dans la crête, la lanterne à la main cherche la base et le sommet qui touchaient la couleur, se vanterait demain de s'en remettre au ciel, quel ciel de traîne-misères, et celui du demain dissimule un trou noir.

C'est d'abord une fine bruine d'un gris tournant en hyène, gris toupie qui s'excite à entrer dans l'hiver juste voir comment ça fait quand toute chose s'accélère, et que l'intensité des couleurs fond sur nous, puis bariolant la chair, l'effacerait et la fête reprendrait pleine d'entrain. A force de s'empiler sur des peaux de chagrin, finirions-nous par voir les choses se rétrécir sans que d'autres n'en sachent rien ? Ils croient nous voir grandir nous pourrions disparaitre, devenir l'énergumène qui tourne en eau de boudin, passant de main en main sur la chair bariolée et dans ton regard terne je vois les lendemains de ta toupie joyeuse qui se fripe comme la terre et fait un bruit de chien écrasé sur mes reins, vite fait, bien fait, je te kiffe, je suis le courant d'air, la fille en Rexona, qui éteint ta lumière et descend ta poubelle, qui trempe des écrevisses dans la sauce mayonnaise rêvant d'aller là bas chez les étoiles de mer, couler comme des plongeurs qui manquaient d'oxygène. Savons-nous qui nous pleure ? Qui nous tape sur le nerf ? Qui nous crie et pourquoi ? Après moi ? Pour la quille ? Qui qu'en veut des toupies ? Dans sa main qui qu'en n'a ?   

Toi tu en voulais une de toupie dans ta main, et tourner comme les autres aller de l'un à l'autre d'une chair à une autre te barioler comme eux, on te l'offrait gratis, à toi qui te taisais on t'aura vu sourire, tu souris dans les coins avec ton oeil guettant l'harmonie des battants de ces portes de western pour glisser entre tous te distinguer : pan ! pan ! tu flingueras comme John Wayne, en héros de la culbute ensuite tu serais rien qu'un gogo du plasma qui dort sans ses lunettes, ou tire sur tout ce qui bouge dans ses rêves, dans mes rêves, mais dans nos rêves, y a quoi ? Pourrais-tu me redire dans quel film tu jouais et quel rôle quand soudain, on trouvait à ta voix un son qui n'était plus exactement le tien ? Tu l'ouvrais ta grande gueule, ils t'appelaient "Attila", t'en pinçais pour "Ginette", c'était pas un nom de fleur, le soir tu la bouclais, et Ginette refermait les volets d'Attila, plus de portes, plus de fenêtres, tu n'avais qu'une réplique il fallait s'en souvenir, tu disais d'un air triste :

"je me tais parce que je suis rien".

Qu'est ce qu'on aurait pu dire ?

Hormis ramasser ça : des graines de cacahuètes sur la terre qui semblaient boucher notre chemin nous belles gens d'autrefois on devenait des modernes, par d'étranges épousailles avec des personnages si grandioses devenus au final héros du quotidien comme les autres comme ces toupies passant de main en main, ces liaisons provisoires dont les promesses étaient comme autant de pétards mouillés, ça faisait "splatch ! platch !" et puis "pof !" ça retombait tout foutu sur le gazon, ces paroles en bouquets s'en allaient sous les grosses mécaniques de la vogue, on mangeait des marrons sans marrons, des gaufres couleurs d'éponges, toupies d'aires provisoires, pour nos liens je pomponne le charmillon truffé, j'ai la tête en corolle et me ridiculise à reprendre la réplique d'un film du Tartignole,

"vous aimez le provisoire ? 

- moi, je suis définitive".

J'anticipe les casseroles, je saccage les mariages la tête entre les mains comme la folle du Rodin elle te regarde fuir avec ton galurin, battre à mort la campagne pilé entre deux gares à la sortie d'une ville dont le nom ne te dit rien, ta grande ligne de vie et de mort dans ma main qui lâche son léopard en string à la montagne et tu cours après qui ? Après plus ? Après moins ?

Passe ton temps, tu regardes, tomber les derniers fruits derrière une vitre molle, la saleté dans ta fiole emberlificotera la belle Isadora, pressant entre tes doigts longs et fins la sanguine, maintenant c'est les grenades d'un sang pourpre ou bleuâtre qui éclaboussent nos marges comme le coucher de soleil, du dernier paysage, on croyait l'habiter, on l'a vu accroché au rayon cartes postales de mon buraliste tchèque, il solde tout à deux balles, il y a quelques années un tel coucher de soleil était inestimable, le Louvre se l'arrachait je le voulais, je le voulais ! lassée de ma toupie il me manquait une maille, quatre vingt dix centimes, le coucher, le soleil, je voulais sur la carte changer le territoire. Le buraliste se barre en Austin au Burger, il me dit :

- prenez donc, c'est gratis, tous ces couchers de soleils y'en a marre, marre marre ! ils se ressemblent tous, c'est vrai, prenez suici ou suila, ou l'autre là, ils me reste dix mille cartes postales pour les dix mille gugusses qui traversent des villes en groupes avec des cars, ça pourra le faire grave et puis pour les gonzesses, qui seront toujours trop connes à danser en tutus devant un coucher de soleil, c'est du sentimental, je vous dis pas, ca cartonne".

Moi, je réponds

"chui pas conne", et l'autre il me claque sa grille:

-"prenez tout, je liquide, je me casse au Sénégal il paraît qu'on s'éclate, les soleils, les couchers, les caniches, et le pont de la guenille et les vues du théâtre, et Gnafron, et Guignol, les qu'nelles prenez tout, même les "bonnes fêtes maman" et les "Joyeux Noël" si ça vous fait plaisir"...  Je lui dit:

oh merci m'sieur, merci, vous être si généreux, il me fait :

- ah non, pas généreux je débarrasse tout mon stock ! je liquide, si je foire le Sénégal j'ai un plan pour dealer de la coke et ptêtre du shit sur la route de Memphis mais après je sais pas, après quoi je peux courir, après vous ? Après rien ?

C'était peut-être le dernier Mohican, le dernier Vendredi, le dernier homme qui passe, la dernière valse triste, la dernière promenade, la dernière inquiétude, la dernière paire de claques, la dernière solitude, le dernier chant du coq, la dernière forfanterie, le dernier merle noir, la dernière roue du paon, le dernier mouvement un peu lent un peu braque. Le dernier cours du temps. Et depuis ils couraient, nous courons. On accourt. Et vous, ça s'arrête quand ?

La dernière guirlande s'affaissait, le monde s'agglutinait, bourrés, fourrés courez, et le soir, nous dansions. Le monde s'agglutinait pourtant nous aurions cru que le monde était absent, le beau monde, le grand monde, vivait dans d'autres mondes, les choses s'organisaient, tout revenait normal, à partir du lundi, mais le samedi nous plombait, il y avait que de la viande saoule accrochée aux bateaux de plaisance, sur la rive défilaient d'énormes rats d'égout, et voilà le dégoût, ça y est, qui recommence, tu vomis ton Baileys Irish Cream dans la petite roseraie, c'est quoi ces gens qui courent ?

Nous avons cru entendre les cris d'une femme là bas, un corps entre les flots, au milieu des bateaux, de ces genres de bourgeoises qui hantent les boîtes de nuit, et le coucher de soleil au milieu des plasma semblait d'une autre planète, non, nous n'aurions jamais dû naître dans ce monde-ci, nous qui ne courons pas. 

Nous étions des fripons portant des martingales sur nos vestes, des chapeaux à plumes de tourterelles, des guêtres de pollen, et des foulards en soie et j'en passe, il en reste un ou deux, des qui sans panoplie sont comme le gars, là-bas, il reste assis tout seul sur son banc médiéval à regarder ses salades, à trier dès l'aurore des paniers de champignons, c'est de saison, les girolles, ça c'est beau, ça rassure qu'il en reste, des comme eux cachés dans les hameaux. Les autres ont la bougeotte, des avions des texto et des fêtes, et des mots des paroles, des paroles avec rien, tu comprends ? Rien partout ni dehors ni dedans, des grandes phrases en lambeaux, comme des pelures d'oignons passant de bouches à oreilles, sur les lits sous des couettes, avec toujours des mots qui servent à pas grand chose et ce vin une piquette, passe moi donc, une lichette et le gobelet en plastique que je me dévisse la tête avec ce tord-boyau, et demain, et demain, nous regarderons la bruine, demain la pluie, pis après-demain, bingo ! on s'offre le Parpaillon, au diable la jachère ! abrégeons, vide ton sac, allez chiche ! on se dit tout, t'as quoi sous ton chapeau ?

Allumettes, brasero, le linge de ton balcon, des miroirs aux alouettes. Aux vaches, les trains d'enfer, aux chiens les gargoulettes, bois ta nuit peu importe ce qu'il en sera demain, tu ramasseras les restes petit à petit, t'en fais pas, demain tu verras clair.

Tout au bout du chemin, il y a ce confetti comme un baume à nos lèvres, nos bouches ont le refrain douloureux des vieux siècles, une chaufferette sur le coeur, quel chemin pour tes fêtes ? Ton futur de rouleau compresseur tu le laisses, quels goudrons, quels silex entre des feux follets ? Tu vois, ces petits éclats nous ressemblent comme deux gouttes d'eau, c'est de la vraie poésie des feux follets qui sont en tout pareils que deux petites gouttes d'eau, c'est pas couru d'avance, si ça se trouve ça serait ça, l'art moderne ? Ca le sera sûrement demain. Demain, on cassera tout, demain ça va péter, enfin vous verrez bien. On était rassuré. On avait le goût d'en rire, un rire simple et grossier, des amis, des voisins, du schnaps, du gibolin, tout de quoi bien se déglinguer en attendant la fin.

 

 

Nota 1 : Dans l'image, (à cliquer), peut-être un contrepoint, vu d'un autre univers.

Nota 2 : Le titre de ce billet a été inspiré par la lecture de l'ouvrage épatant "Anagrammes renversantes" ou "Le sens caché du monde" de Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow, une merveille vivement recommandée par la maison

Photo : La sortie des usines Lumières en Septembre 2013 vue du banc de la quiétude.

- Vous croyez ?  

- Oui, on croit. Pourquoi on croirait pas ?

  

Only-Lyon © Frb 2013. 

vendredi, 22 mars 2013

Les limites nous regardent (derniers jours sur le fil)

Un paysage, un habitant qui en explorent les bornes enclin à laisser le photographe se pencher par dessus son épaule...

Les limites nous regardent

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Ceci n'est pas une simple phrase, c'est une tentation.

C'est aussi le thème d'un très beau projet de Ernesto Timor, photographe excellent, dont j'ai découvert récemment les multiples travaux et autres ramifications.

Ernesto Timor expose en ce moment à l'Antre Autre, (chez Maguelone), jusqu'au 30 Mars 2013. 

 http://www.ernestotimor.com/irregular/expositions/les-lim...

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Pour une fois j'étais à jour mais loin de l'heure, malgré une folle course entre villes, il est trop tard pour déjouer d'autres limites technologiques § co, (mes excuses à Ernesto), trop tard pour annoncer une soirée ERNESTO § FRIENDS, qui a eu lieu ce soir, terminée depuis quelques heures, il y avait au programme des projections, échos/ rebonds littéraires et sonores (les limites nous écoutent) + d'autres surprises... Je n'en dis pas davantage puisque que je n'ai pu m'y rendre c'est un regret, mais ça donne une idée du projet et de ses fines correspondances. J'apprends pour consolation, que "Radio Quenelle" "the" web radio lyonnaise a enregistré l'émission "je suis venue vous dire", ce 21 Mars à l'Antre Autre au coeur même des limites de Ernesto Timor. 

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L'artiste y parle lui-même  de son projet, de ses photos, le podcast est écoutable sur le site de Radio Quenelle, je vous glisserai le lien très bientôt afin de ramener un petit aperçu sonore sur cette page.

Pour l'instant je sais déjà qu'il vaut le coup, d'aller faire un tour du côté de l'Antre Autre, l'endroit est coloré, convivial, et les photographies d'Ernesto Timor y sont encore visibles quelques jours.

N'ayant pu rencontrer l'artiste in situ, je publie l'évènement sur le fil d'un échange généreux déjà riche en couleurs, Ernesto Timor a eu la gentillesse, d'offrir des limites inédites à certains jours, je l'en remercie elles sont au chaud pour l'heure, il serait bon d'y revenir... Je ne doute pas que nous pourrons aborder encore le thème des limites vues par Ernesto Timor, peut-être, prochainement. J'ouvre la perspective selon les évènements ou sur un mode impro, on en reparlera tôt ou tard.

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Pour l'instant, nous suivrons l'actualité d'Ernesto Timor de très près, puisque le projet Les limites nous regardent se présente sur un mode évolutif, il s'étoffe, il s'expose entièrement ou par bribes et en divers lieux, il  trouve aussi ses échos en musiques, poésies, se remixe en explorations sonores  et de fait, suscite des rencontres avec d'autres créateurs. C'est en ce moment sur la dernière ligne de Mars, un monde aux vastes imaginaires, et dyptiques assez rares. Courons ! Il n'est jamais trop tard...  

Nota :

L'Antre Autre, est situé au 11 de la rue Terme dans le 1er arrondissement de Lyon.  

 http://www.lantreautre.fr/

 

Si vous désirez découvrir Ernesto Timor en multi-pistes, je dépose quelques liens, tout de quoi savourer et le reste à venir...

 

http://www.ernestotimor.com/malaxe/

http://www.ernestotimor.com/irregular/

http://www.timor-rocks.com/

 

  

Photos: © Ernesto Timor (extraits du dossier "Les limites nous regardent").

dimanche, 24 février 2013

L'inertie du particulier

Nous ne sommes pas sur cette planète pour quelque chose. Le tout est de passer le temps ce n'est déjà pas très facile. Tous les moyens employés (poésie, action, amours) laissent un drôle de goût dans la bouche. C'est pourtant ce que nous avons de mieux. Il faut donc s'opposer à tout ce qui limite leur utilisation. C'est pourquoi l'action et l'écriture n'ont de valeur que libératrices. C'est pour cela que j'ai dit que le poète doit être un incendiaire et je le maintiens.

Lettre de Guy Debord (1931-1994) à un ami, écrite en 1951 

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Rien d'autre ici qu'un monde érigé en dortoirs, une cité pragmatique qui s'étend se répand à perte de vue, remplace, peu à peu organise les vies des janfriquets, le quartier des jardins ouvriers d'autrefois né des rêves socialistes de Lazare a été lentement balayé, hier, partout, ici, par la moindre fenêtre on contemplait les arbres ils fleurissent au printemps, et plus loin la montagne porte un temple doré, le parc de la tête d'Or caressait ces espaces. Les arbustes ouvriers, petits monts de Cocagne aujourd'hui sont passés sous l'engin de métal. L'agent immobilier, frotte ses grosses paluches sales. On fête sa réussite au restau des étoiles. Des pots de vins sous silence, et des expropriés avec des protocoles de relogement véreux. L'homme accompli exalte et forme des envieux. Quand les lueurs bleutées de mille téléviseurs s'allumeront en même temps vers dix-neuf ou vingt heures, oubliant le brouillard, l'ultime grenade fruitée du malin cacographe sera dégoupillée.

En nous cette immanence fonde la quête et le nerf d'une paix introuvable, oeuvre à l'inexpressif, aussi inexpressif est ce renoncement qui gagne comme l'air morose vient à nos têtes entrées furtivement dans les barres. On vous en dessinait jadis l'abrutissement avec des mots frondeurs et de la profusion, cherchant à en découdre afin de s'archiver, d'inventer d'autres mondes et un autre langage contre tout l'univers devenu cet album d'images publicitaires, ce débit obsolète d'un siècle compassé - et la mort de l'art même à peu près consommée...

Ici, notre corps tangue imperceptiblement entre la peur du sang (un mauvais sang/"rentable") et le balbutiement d'un fleuve large qui cache un psaume hurlant au coeur d'un tourbillon ou peut-être un plongeoir en forme d'échappée

Là-bas, en bord de Rhône, on a vu une silhouette, allongée sur une planche entre les gyrophares. On ignore quels regards s'agglutinent si nombreux vers ce pont, aux croisées d'une brasserie d'opéra et d'une forêt bancale, dans les brumes du soir vont à pas de fourmis nos histoires et nos oraisons. Des nouvelles de cette vie, gisant dans une enveloppe couleur d'aluminium, sont remontés trois mots: "pronostic vital engagé". Trois mots à la surface, dans du papier journal pour évoquer deux mondes, c'est tout ce qu'on en sait.

On aperçoit encore des ombres en habits noirs de ces personnes placides qui affirment avoir eu une drôle d'appréhension en traversant ce pont, juste avant l'accident, et figées comme aux berges, on  avait planté là, des orchis anthropophora qui évoquent l'idéal du petit homme pendu dans des pots de géants.

Ces gens qui étaient là, n'avaient pu faire un geste comme s'il était normal qu'une poignée d'êtres humains qui reviennent comme des ombres d'un soir au cinéma n'osent se mettre en travers d'actes qui les dépassent.

Comme s'il était normal, qu'au nerf d'une paix hantée de baumes et de violence, une minorité faible, un instant lâche le fil.

Comme si cela encore, procédait d'une normalité, où certains sans profil dégagent un jour la place, et que d'autres plus veinards y affinent les chapelets de leurs condoléances qui n'ont pour seule histoire que de s'émouvoir eux-mêmes de n'avoir pu agir conformément à ce que leur inspirait leur conscience, leurs paroles ou leur éducation.

Plus loin, le drame est sourd et presque aux bas étages de la ville sous ce pont qui relie la mairie aux quartiers les plus riches, des hommes ont protégé le sommeil de la ville ; deux gendarmes, des jeunots, et anormalement pâles, nous demandent de ne pas traîner là, les curieux, sur ce pont, une vingtaine de paires d'yeux penchés sur une rambarde, ne sembleraient que faibles, comme cette dame et sa fille qui voulaient témoigner:

- "pour une fois qu'on sortait, qu'on pouvait se distraire, on revenait tranquille, de voir un court-métrage, on passait par ici et de l'autre côté, on a vu l'homme bizarre qui balançait une jambe par dessus la rambarde, nous on a paniqué, on n'avait pas de portable, le temps de traverser... C'est grâce à lui, voyez (elle montre avec son doigt) le jeune homme blond, là bas, avec son scooter bleu, il a tout essayé !".

Le jeune homme, replié, semble vieux et voûté, il a 18 ans, presque. Entouré de la foule qui grossit peu à peu, il est là, tête baissée, face à deux pâles gendarmes qui voudraient bien comprendre et j'entends quelques bribes au jour crépusculaire encore à l'heure d'hiver:

- "j'ai tenté ce que j'ai pu, j'ai rien pu empêcher, j'aime pas l'eau, j'en ai peur, je sais même pas nager..."

le jeune homme est petit, il paraît égaré, il a gardé son casque volumineux, qu'il tient dans ses bras comme on tient une fiancée, il sanglote nerveusement, le gendarme a posé une main sur son épaule il tapote, c'est un frère, un vrai gardien de la paix, en trois mots répétés, il apaise, il console:

- "ça va aller, ça va aller..."

L'autre gendarme, a repris des couleurs, rôdé aux pires épreuves il garde le sang froid de la horde.

Voix du consolateur au jeune homme:

- "vous avez essayé, vous n'avez rien pu faire... Qu'est ce que vous pouviez faire ? C'est la vie, c'est comme ça". 

"C'est la vie", c'est jeté ! d'un désarroi réel, urbain très ordinaire, d'autres y voient une scène rare, comme dans un long-métrage qu'on ne tournera jamais, dressent le plan plus spécial, d'un pseudo reportage, en direct, comme on tweet en deux phrases une histoire formidable à la gloire éphémère d'un scoop émotionnel le buzz est à portée et l'instant à choper béni par l'Instagram des photos-choc-express grâce au zoom, et contents, ils kiffent grave l'accident.

A l'autre bout du monde, les petites scènes saisies juste après les sirènes rapidement se propagent et pour le récepteur se transforment en spectacle, sans aucune conséquence. Fort délicieux instant, d'un côté le frisson et de l'autre l'extase. 

Je reprends mon vélo quelques minutes vacantes, où deux adolescentes fardées comme Beyoncé, ont osé un selfie sur fond de deux gendarmes, entourant un jeune homme en plein effondrement.

C'est le monde tel qu'il est, vide sur nous, vide encore sa fabrique de cynisme qui devient coutumier d'autant plus coutumier qu'il rit des incidences ; autre mauvais plongeon d'une usine à divertissements qui ronge le paysage pour n'en faire qu'un décornos bouches creusent le vent. Mais grâce à l'éloquence, grâce aux lol et aux smiles, on prendra des notes vagues sur cet homme ivre mort qui roulait dans sa cuite sur le pont aboulant quelques phrases en désordre menées par le vin fou versifiant son palais, feu follet en zig-zag du fantôme égaré au royaume de la mort, il semblait dans sa crasse pourtant moins perdu que nous et nos étreintes (vite !), nos entrains (versatiles), les petits états d'âmes nous recueilleront pétris des meilleurs sentiments, outragés à toute heure, puis oublieux souvent, plus ou moins esseulés sur fond de ces fringales qui ne peuvent s'assouvir. Quelques non-connectés sont sur le bas-côté, les autres s'en balancent.

On se disait peut-être que ce monde sournoisement s'infiltrait en nos sens, comme si nous devenions les mauvais comédiens d'un décor saturé, cinglé d'hommes chancelants, face à nous, il y a les mêmes, des créatures béantes qui se meurent, ou se battent / on s'émeut, on s'en fout / d'autres suréquipées prêtes à juger de tout ou rien, n'importe quoi, observent au dégommeur des gueux sur une place.

Les images des "people" en couverture d'un mag' s'exhibent sur des lueurs, dont celles du soir effacent la vue de l'accident brodant pour un violon et une valse du bon temps photoshopé glamour, pure merveille droite et fière, tandis que l'antidate à mon calendrier vous ferait un jour croire aux pouvoirs prodigieux de mon marc de café

Déjà l'oubli nous vient, sans un mot pour les actes et les êtres qui nous fondent, telles, sous ce gris souris, toutes les affaires reprennent ; pendant qu'on nous amuse, des petits hommes s'évadent sur un chant de sirène. Les berges à nouveau propres, et la fête continue.

Le lendemain, sans un pli, le travail sa valeur et son bleu reblanchi prenaient sous les chaufferies l'air des feux immortels, rien d'anormal alors que le soleil du soir soit devenu si noir.

Voici venus les chants des soldeurs de l'espace où la chauffe des cerveaux qui ciblent le petit d'homme le heurtent contre la page d'une ultime pluie d'hiver, voilà les vieux glaneurs entrés dans la corbeille qui se cherchent un bosquet et deux balles pour bouffer, voilà les caravanes des petits morts en flaques passant silencieusement sous les plinthes des cabanes frappées d'alignement où mon carnet poreux éponge la forme des mots en coulée d'encre et d'eau, la phrase s'y effaçant à mesure qu'elle décrit l'évènement par un lent processus de désintégration, quand la conscience de soi ne peut plus être fidèle aux paroles ou promesses librement énoncées, les caractères liquides forment un voeu liquidé, retournant au fleuve noir, tel on lance une bouteille qui ne trouvera jamais de terre où s'échouer, au lieu prédestiné à dire des fluidités, (le "carnet cependant, s'appelle Clairefontaine").

Une pluie de confettis pour nos jours abolis et nos soirées sans fête. On pourrait presque émettre une de ces bonnes pensées en l'honneur de ceux qui griffonnent traçant leur vie sur des lots de carnets, par exemple on dirait: "n'est pas diariste, qui veut". Ca ferait son petit effet, comme un texte vaseux de l'être qui soupèse sa supériorité, poète sage comme un prêtre portant dans ses attraits tout le silence des autres, pygmalion de papier au défi de sauver ceux qui sans volonté rasent un peu les affiches (autant que l'entourage) sous les éclats louables du printemps des poètes ; des traits biffant le mot qui n'est jamais venu, recueillent dans le limon la vie majestueuse, autant que sous le ciel on passera à travers les notes vite esquissées sur les chiens écrasés d'une ville à la page.

Le printemps des poètes, ne m'a pas traversée, il a plu ces jours-ci, une pluie de poème lâche, ça trempe et me suffit. Une de ces pluies corsée transformant le carnet en ménagerie spongieuse, de pleins et de déliés remuant dans la flaque, un verbe submergé. De l'écrit ne subsiste qu'un fourmillement discret un peu d'humidité en glissement vers l'informe d'insectes cuirassés et de bombyx mornes voltigeant sur des larves, un gros scarabée luit de gris-métal noirci dilué dans l'eau froide rend au gris le plus juste aperçu de cet état de perte de la valeur intense, une lâcheté pour soi-même jusqu'à l'inexprimable et la révolte lourde dans son pas de muet étouffé tel symbole des sauceries de la quête et du verbe coulé.

Sur ce pont j'ai pensé pour ramener un texte plus ou moins lisible (tant bien que mal), recourir au copier-coller, mettre un semblant de jeu sur ces paquets d'impasses, et le gai désespoir à présent compressé, je deviens ce buvard dont les signes compliqués, donnent une chose simple à voir.

Comme les fleuves nous mélangent, ils engendrent en leurs flux deux mondes inconciliables juste après l'accident du côté des bateaux, on voit des messieurs dames qui goûtent le vin du soir servi avec suprêmes d'écrevisses au Champagne, juste après l'accident d'autres vont danser enfin, jusqu'au bout de la nuit au dessus des cadavres puis s'extasient dès l'aube à la vue des reflets d'un Sofitel qui brasse une seconde les lueurs d'une berge à la mode propre et douce, assez gaie.

 

 

Photo: Le monde à ma fenêtre, 5 ou 6 ans après, (sans bouger de mon fauteuil, ni du votre), remplace les ateliers des artistes (trop glodytes), et les jardins prolos au bazar de poireaux, pommes de terre et lilas (trop modestes !).

 

Vidure. Work in progress. © Frb 2013

vendredi, 08 février 2013

Le voyage approximatif

Le train dévore toutes choses visibles, agite toutes choses mentales, attaque brutalement de sa masse la figure de ce monde, envoie au diable buissons, maisons, provinces ; couche les arbres, perceles arches, expédie les poteaux, rabat rudement après soi toutes les lignes qu'il traverse, canaux, sillons, chemins ; il change les ponts en tonnerres, les vaches en projectiles et la structure caillouteuse de sa voie en un tapis de trajectoires.

PAUL VALERY : extr. de "Le retour de Hollande ; Descartes et Rembrandt, édition Pagine d'Arte, coll. Ciel Vague, 2012.                                    

corail SCF3036.jpg

 

Comme avant un festin,

en force esprit, durée,

suffisant à soi-même,

on se grise d’un retour

dans un style d’aquarium

lassé de son corail. 

Une vitre à travers

ausculte un métronome,

à son rythme occupé,

les pas pris dans les neiges

si près d’être sauvés,

des mots de feu retiennent. 

Une histoire s’empanache

suce quelques proies sucrées.

On cherche l’alvéole,

deux minutes en pare-chocs,

une vie de marche à pieds. 

Comme après un festin

le ciel mène à son train,

des préludes à Chamelet

Tangos, valses ou chaconnes,

Carrières de marbre et gore

ouvrent une voie givrée.

 Le train stoppe en vallée

poinçonnant sa madone

lui délivre son quai.

L’ivraie échappe au grain.

Tous les chemins m'étonnent.

Revoilà l’homme du train

et sa prune étoilée

de calices et de gommes.

Comme avant le festin

sous un buisson de neige

tenant à presque rien

par un canal abstrait,

on sort de l’aquarium.

Le malin nous dégomme

en courbettes à ce train.

L’embrassage épineux

crisse sur les graviers,

on déploie les regrets.

Plumes ont divergé.

La sève fond sous l'écorce.

Comme avant le festin,

des poissons hérissées

s'embarquettent à Saint Point.

On sait qu’il va tomber une pluie

sur Cours la Ville.

Dième ouvre sa forêt.

On bifurque à Mardore.

Dieu ! qu’un mauvais virage

nous gèle dans son horloge

qui ne tient à demeure.

Le chien dîne à vingt heures.

Esprit, durée, saveur

suffiront à soi-même.

Un objet flambant neuf

dans le polystyrène

attend l'anniversaire

banc vide à St Germain -

 le printemps va sans coeur

et les préliminaires redeviennent

blancs comme neige.

 

 

Photo : On se taille en Corail. (la preuve est sous l'image).

 

 

Lyon-Perrache © Frb 2013.

vendredi, 01 février 2013

Avalanche

Et je m'en vais à Panama pour vivre en sauvage. Je connais à une lieue en mer de Panama une petite île (Taboga) dans le Pacifique, elle est presque inhabitée, libre et fertile. J'emporte mes couleurs et mes pinceaux et je me retremperai loin de tous les hommes. 

PAUL GAUGUIN

 

biche bnn.jpg 

Il n'a rien entendu de particulier, il s'est contenté de regarder. Il est sur la ligne de départ. Autour de lui le bruit gagne. C'est le seul argument qui retient l'attention, et semblable aux mouvements précédant un parcours, lassé de parcourir, il voit le paysage réduire les perspectives, quelques mots devraient suivre, qu'il tait. Il ne suit pas.

Ce thème est un motif qui vaut un peu la peine de décrire ce qu'il reste, ce qui va disparaître. Il choisit la plus sotte expression parmi des milliers d'expressions possibles, un confort creusé en ce trou, un nombril aspirant, tiède encore, les plaies brûlantes de l'homme, ou les battements d'un coeur humain pas plus qu'un aspirant de rien allant à l'interligne dans l'épaisseur du bruit glorieux de ses échos.

Il y a le temps qui vient, dresse une chape et ça couve sous son poids de chair vive, ça donnera une valeur factice à la surface, quand une porte bat aux vents, quand l'éclat de ces feux attractifs rend l'univers massif, il referme sa fenêtre, il n'aura bientôt plus à se battre pour les siens.

Il a rayé son nom, il a songé aux possibilités d'anéantir enfin sa faculté d'écrire, pour s'en remettre à ce silence d'une cathédrale ou d'une bibliothèque. Oserait-il au moins peindre ? Des Carceri à la mine de plomb, le prix de ses efforts, et puis des fleurs encore, quelques lettres de l'île puis la disparition d'une marge qui portait la couleur dans une ligne de fuite. C'est peut-être un ersatz ou c'est le labyrinthe d'un lieu qui nous décime, milles convives aux fenêtres entre eux autant de vitres, là, de grandes mosaïques comme à Constantinople. 

Il fouille dans cette matière, quand revient la jachère, il y voit un soleil privé de ses ombrages, l'espace habituel où chacun arbitré dans le langage d'un autre réfute l'obscurité porte une perspective de puits et de falaises sur une place noire de monde.

Un mot encore si près à le couvrir de honte, y affûtera son verbe et l'éloquence qui vit toujours en légéreté, impérieusement tenue portera à nos lèvres l'unique grande vérité, la tienne et celle des autres, dans ce fût, sur l'étage du Beaujolais nouveau, la langue et sa piquette, t'as vu ces grands tonneaux à présent tu t'étonnes qu'ils se déversent copiant le bruit du pacifique, épanchant une série de vagues bien tempérées et délayant le corps qui se tait, le défait, comme se défait le verbe.

Il ne peut rien en dire, nous capturons de force ce point d'inanité, c'est à peine une cible qui nous veut repliés dans cette obscurité, elle va nous réfléchir, nous briser, l'emporter, qu'en sait-on ? Qui pourrait nous instruire ?

Nous serions tels que lui, des modèles d'écorchés, barrés de croix, de traits, des figures portant peine à la brutalité où la mort du désir peut encore l'emporter, ne tiendrait qu'un espace lentement annexé ; l'innocence consommée, il faudrait retrouver un mot à prononcer pour cet homme qui ne qui ne sait plus parler.

Un pas de plus, il souhaite couronner son effort, dépasser les obstacles pour bâtir un royaume au flottement discret, des airs de flammes muettes courant sur nos jouets qu'une vague achemine dans le ravissement où l'ignorance nous tient à tout heure disponibles, un bon rire à demeure tel qu'il fût toujours prêt, générant une série d'accidents, de minuscules enclaves où le mot est jeté où le désenchantement se reproduit à l'identique, tandis qu'il essaye de jouer pour simplement jouer.

Un pas de moins, les marchands de plaisirs passeront sur sa peau un baume rafraîchissant, il reluit à nouveau il est comme liquidé mais il reluit pourtant. On peut le suivre ou l'oublier se faire lentement rattraper ou souffler ce pion solitaire, mais cela n'a pas plus d'importance que ce qui est secret et devra forcément nous taire.

Il payera. Il payera en retour du désir affamé de s'affamer encore, quand l'oeil fou qui dévore des vies à la seconde aura mis des cailloux dans cette immense bouche, la sienne voudra se clore, saborder ce qui porte en dedans, ne trouvera aucun mot pour extraire une manière de recommencements à cette fin qui résiste à comprendre.

On connaît le passeur obligé de se rendre. C'est partout le même quai, alignant une suite de croix et de carrés. Partout c'est un poème qui recomptera ses pieds, ça forme sous le soleil quelques cristaux de glace et des ronds de fumée quand la lumière prend l'ombre ou peut-être autre chose, la marche se soustrait, l'homme fume une cigarette et nous voit sidérés que le vocabulaire n'ait jamais su faire mieux que nous aider à exprimer cette sensation profonde de n'avoir rien à dire.

Ca fait longtemps qu'il sait. Il mâchera les cailloux, et sentira la terre lui porter des pelletées, un semblant de jachère devenue cette palette de noirs et de blancs contenant un ensemble de couleurs ou l'absence de couleur. Il goûtera la nuance, afin de se mouvoir d'un espace à un autre sans tirer aucun trait, aucun plan, aucune des conséquences. Il est dans les reflets ou l'absence de reflet comme à ces premiers jours, naissant un peu trop tard, il a pris de l'avance, il se pelotonnait contre un arbre et goûtait au silence sous un ciel moutonné masquant les voix violentes, des ébats festifs d'où revenait puissante, une foule assurée.

Il n'y a plus à douter, pour traverser les lignes, sortir de cette violence, on se dit que parfois il faudrait marcher seul, quand la mécanique sourde continue à cibler, à broyer, elle n'aura pas de phrase pour dépouiller le geste qui recouvre le ciel d'un champ de tournesols. Il n'aura pas besoin de ces flux de paroles pour aimer ces baigneuses divines indolentes ou saisir le silence d'un dernier grand concert dans la fine transparence, les nombreux coups de couteau donnés à la matière, sont peut-être identiques, à ceux que l'on nous donne.

Un mot ne tiendrait pas à capturer cet homme, ou demander pourquoi ces entailles n'ont pas entaillé le visage des nombreux regardeurs ? La question le déplace. Il est là, et il fume du tabac parfumé. Son geste le retient, entre une drôle de clarté et le flou inhérent à la nécessité de se tenir toujours plus près du précipice. De n'en rien ignorer, à présent, il savoure plutôt garder ce vide bien en main, que de craindre l'effroi qui le rendra muet, avec cette habitude de ne parler qu'à soi, d'en ressentir l'outrage sans pouvoir accepter que nous serions tenus de battre ce pavé, nous livrer, nous lustrer, cumuler les effets, de quoi bien tapiner.

Il redoute le courant réducteur, et le malentendu qui placera son coeur d'homme entre le singe et la savane, il comptera sur les doigts d'une seule main ceux qui ont pu survivre à cela sans se fossiliser, sans se faire braconner, ceux qui ont pu créer encore, pour changer la vie quelquepart, pas seulement l'énoncer, non seulement l'énoncer, mais l'appliquer sur soi,  pas gagné ! ce qu'il reste de cobayes ne serait pas si doué à satisfaire ces files qui se massent aux musées, des foules reconnaissantes, l'artiste mort estimable, une somme de vies ratées pour battre des attraits, mourir dans les images.

Longtemps, longtemps plus tard, il trouvera quelques pièces détachées, elles nous tiennent à portée sur un filet de bave, un cri vaste oublié, le prenait corps et âme, et pouvait nous relier par une sorte de chant du monde inépuisable, mais encore trop lointain. Il a vu ce matin, Panama sous la neige, et sa jeune vahinée venue emmitouflée le plongera à nouveau dans l'extase.

 

De la neige et une bestiole inoffensive pour adoucir la dernière ligne droite de l'an 2014.merci à ceux qui ont suivi ce blog, malgré un temps d'arrêt involontaire, une panne d'ordi, et la vie (la vraie) s'y mettant en travers j'ai dû m'astreindre à des obligations laissant la panne courir en cette années si peu clémente qui m'a contrainte à imposer au blog une sorte de latence, le courrier est en rade, depuis pas mal de temps avec un sérieux bug et un bazar en dedans encore compliqué à résoudre  Mes excuses à ceux qui ont écrit, des mails dont certains  datant de cette été ne me sont parvenus que récemment, des courriers sont perdus, pour l'instant, introuvables, ici une zone de flou d'autres les courriers rescapés restent en rade la possibilités d'acheminer correctement les réponses restant aléatoire, je m'abstiens pour l'instant, à suivre, donc, pour l'instant je dédie au Noêl et à la Noêlle et aux autres, s'ils s'y trouvent

 

Echappée belle : à lire et regarder, le livre de Gauguin, "Noa Noa"  paru aux éditions J.J. Pauvert en 1988.

 

Photo : Taboga en hiver, ou le départ de l'élandin.

 

Là bas © Frb 2013.

mercredi, 16 janvier 2013

Tronche de neige vue par HK/RL

Allez zyoup faisons trembler la tronche de neige !

HK/RL : extr. de "tout un tremblement", éditions des Fondus de Manège, 2013.

 

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Montage : Les correspondances derviches (for myope's people only).

 

© HK/RL 2013. Production le Marc® (Mouvement d'Art Rural Contemporain®)